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Saison 6, Episode 14

Deuxième partie

Écrit par Phil Atcliffe

Édité par Kathy Brown

Version française de

Episode 14 : Stronger Than Me Alone

Traduction Chantal Martineau

Luthor reprit lentement conscience. Il était couché à plat ventre dans une étrange et très inconfortable position sur une espèce de surface matelassée, et sa mâchoire le faisait horriblement souffrir. Il lui fallut un certain temps pour se rendre compte que la "surface" était en fait le rembourrage recouvert de cuir d'un canapé -- le canapé de son bureau, se rappela-t-il. Les souvenirs de la façon dont il avait atterri à cet endroit et de ce qui était arrivé à sa mâchoire lui revinrent, et un accès soudain de colère s'empara de lui.

Avec cela arriva la stupéfaction, ce qui ne fit que blesser davantage son amour-propre. Pourquoi était-il encore en vie ? Cette "explosion nucléaire" dont Kent lui avait parlé aurait dû mettre un terme à ses souffrances -- *et* aurait dû emporter avec elle cet extra-terrestre de malheur -- à moins... à moins qu'il n'ait réussi à l'arrêter d'une quelconque manière ! Luthor pestait à la pensée que ce Super-- *Kent* ! -- lui ait encore une fois sauvé la vie. Qu'il l'ait sauvé pour qu'il puisse passer le reste de ses jours en prison -- dans une *cage* !

Luthor cria en son for intérieur, hurlant sa rage et son humiliation à tout l'univers, aux dieux inexistants qui étaient *tout de même* parvenus à envoyer l'un des leurs pour le détruire, mais, pour le monde extérieur, il restait inerte et silencieux. Malgré la violence de son anxiété, il ne pouvait prononcer un mot et parvenait à peine à bouger. Il s'efforça d'ignorer la douleur de sa mâchoire et ouvrit partiellement ses yeux, mais la scène qui se déroulait n'en valait pas la peine -- Superman, en train d'embrasser Lois !

Une autre vague de rage le traversa et cette dernière lui redonna toutes ses facultés intellectuelles et une certaine force physique; pas autant qu'à l'habitude, mais suffisamment, espérait-il, pour lui donner la chance de s'enfuir. Kent avait gagné cette bataille; la LexCorp était ruinée et son dossier serait bientôt entaché d'une tentative de meurtre -- dans le meilleur des cas. Il avait le "choix" entre être un fugitif traqué ou bien un prisonnier, et il ne voulait pas en arriver à cette extrémité. La fuite était tout ce qu'il pouvait espérer pour le moment; ça et l'idée de reconstruire son empire, en se basant sur les restes du monde souterrain, où il avait planifié sa résurrection, quatre ans plus tôt. Kent l'avait peut-être battu -- cette fois-ci -- mais la guerre allait continuer.

En voyant à quel point ces deux misérables étaient encore entichés l'un de l'autre, Luthor se leva lentement du canapé, prenant la plus grande précaution pour bouger, aussi silencieusement que son corps le lui permettait, ses muscles tremblants et raides en raison de son séjour dans l'inconscience; sa plus grande menace était la super oreille de Kent, mais heureusement, cet idiot était trop occupé à prouver son affection à sa femme pour le remarquer. Cela fascinait Luthor. C'est pour cela que je *vais* avoir raison de toi, Kent. Aucune femme au monde n'en vaut *la peine*...

Chaque pas qu'il faisait en direction de la porte du bureau se faisait dans l'inquiétude et la peur, c'était à la fois un danger et un miracle. Il s'approcha du bureau et s'arrêta en l'atteignant, il réfléchit en évaluant un autre danger -- ou une opportunité.

Il tendit la main et saisit silencieusement l'épée d'Alexandre le Grand, de son emplacement. Oui, il allait prendre cette arme. C'était la plus belle pièce de sa collection, c'était le symbole de la puissance et de la détermination, c'était avec elle qu'il atteindrait les plus hauts sommets, une fois qu'il se serait enfui. La LexCorp était morte, mais "l'organisation" qu'il allait construire allait la surpasser et cet épée serait son symbole. Obligé d'opérer en secret par la faute des "lois" des classes inférieures, il ferait tout de même connaître à la ville -- au *monde* -- le pouvoir auquel il aspirait. Le pouvoir de donner la vie et la mort; un pouvoir que nul n'oserait défier -- la puissance de l'Epée.

Il entendit un bruit derrière lui et se figea. Mais, comme il ne fut pas instantanément immobilisé et saisi pour être remis à la police, il était évident que Kent et Lois ne s'occupaient plus de lui et étaient en train de parler. 'Discussion d'amoureux', sans aucun doute -- ces idiots !' Il aurait continué son chemin vers la liberté, mais son attention fut attirée par quelque chose que Lois disait -- et la réponse de Kent était incroyable !

"Allons, sortons d'ici," murmura Lois, d'une voix étouffée, qui ne s'adressait qu'à une seule personne. "Henderson doit être là, dehors, maintenant, alors laissons Lex avec lui et retournons au Planet pour écrire cette histoire. Je veux te ramener à la maison, fly-boy..."

"D'accord," répondit Kent joyeusement, mais sur un ton quelque peu résigné (pourquoi ?). "Mais attachons Luthor et invitons les policiers à monter pour le coffrer. Fermer ce générateur de champ, même avec ton aide, m'a vidé -- ça et les radiations de Kryptonite qu'il dégageait. Je ne l'ai pas réalisé sur le coup, parce que j'étais trop concentré sur ce que je faisais -- et sur toi -- mais je crois que mes pouvoirs ont disparu pour un bout de temps. C'est comme lors de notre première Fête du Maïs ensemble; pour le moment, je suis Clark Kent, pas Superman."

Il fallut à Luthor un moment pour comprendre les fantastiques implications de ce que Kent venait de dire. Pas de pouvoirs ? L'idiot était à sa merci ! Il avait eu l'occasion de prendre l'épée avant de partir, mais ça... c'était bien au-dessus de tout ce qu'il avait imaginé ! Il se retourna pour saisir cette opportunité et savoura la joie imminente de sa victoire prochaine -- une victoire qui lui semblait si lointaine quelques secondes plus tôt. C'était presque aussi agréable que de choisir les mots avec lesquels il allait dire à ses ennemis qu'ils avaient commis une énorme erreur, rompant le charme de leur satisfaction avant de les tuer. Il sourit d'un sourire diabolique, avant de s'adresser à ses victimes : "Comme c'est commode."

Le couple sursauta, se sépara et se retourna pour découvrir Luthor à quelques mètres, épée en main et malveillance sous tous ses aspects. Clark s'apprêtait à dire quelque chose, mais Lex fut le premier à parler. "C'est fou comme la chance peut parfois tourner. Il y a quelques instants à peine, j'étais inconscient et immobile et maintenant… maintenant, le grand Superman -- ah, mais vous n'êtes plus Superman, n'est-ce pas ? Non, comme vous l'avez dit vous-même, en ce moment, vous n'êtes plus que Clark Kent, un homme ordinaire. Un homme ordinaire, *sans arme* -- sans défense et qui sera bientôt mort !"

"N'en soyez pas si sûr, Luthor. Vous m'avez déjà cru sans défense par le passé, rappelez-vous. Vous n'étiez pas le premier à le croire, bien sûr, le *dernier* maniaque qui a cru pouvoir m'affronter seul à seul parce que je n'avais plus de pouvoirs est mort !"

"Epargnez-moi ces discours de bravade, Kent ! Vos pouvoirs extra-terrestres sont les seules choses qui m'ont contrarié par le passé; sans eux, vous êtes juste une personne parmi la foule, qui va être écrasée, espèce d'insecte ! Vous ne méritez pas l'honneur de mourir de ma main ou encore d'être tué par cette épée, mais votre effronterie hypocrite de voler mes biens ne m'a pas laissé d'autre choix que de m'occuper personnellement de vous."

Clark fut étonné de l'accusation répétée de vol à laquelle Luthor faisait allusion; Lois, qui n'avait pas entendu les accusations précédentes de Lex, l'était encore plus. "De quoi parlez-vous, Lex ?" cria-t-elle, étonnée et furieuse, "La seule personne qui ait volé quoi que ce soit ici, c'est *vous* !"

"Ah, ma chère Lois," répondit langoureusement Luthor -- ses yeux quittèrent Superman pendant une fraction de seconde pour la regarder, son regard brillait. "Je suis surpris de votre réponse. Ne voulez-vous pas reconnaître la culpabilité de votre mari, même quand personne d'autre ne peut l'entendre ? Ne vous a-t-il pas parlé de son plan très élaboré et logique -- seulement pas assez *logique* -- pour détruire ma compagnie ? Hmmm... peut-être ne vous faisait-il pas suffisamment confiance et avait peur que vous vous interposiez. Je peux comprendre pourquoi...

"Mais c'est sans importance. Vous avez peut-être volé le travail de ma vie, Kent, mais vous ne m'avez pas vaincu. Je dois vous remercier, par contre, de confirmer mon opinion sur la condition humaine -- ou, dans votre cas, extra-terrestre. Vous prétendez être un grand héros altruiste, 'sans peur et sans reproche', mais, face à un ennemi que vous ne pouvez vaincre physiquement -- sans conserver votre image publique frauduleuse -- vous abandonnez votre attitude de Galaad pour les méthodes plus humaines de Mordred."

"Vous êtes malade," lança Lois. "Et paranoïaque. Clark n'a rien fait à votre précieuse compagnie. Il n'a jamais rien volé -- et même s'il le faisait, il n'aurait pas eu *besoin* de faire quoi que ce soit. La LexCorp s'est détruite toute seule -- ne lisez-vous pas le Daily Planet ?"

"Bien, bien..." dit Luthor, amusé. Ce nouvel aperçu du soi-disant héros et de son "parfait" mariage était fascinant. Il se demandait quels autres points faibles il pouvait trouver dans cette façade sans obstacle et essaya de pousser encore un peu. Kent était à sa merci, alors pourquoi ne pas s'amuser avec lui encore un petit moment ? "Donc, vous ne lui avez rien dit, Kent. Aviez-vous peur qu'elle vende la mèche ? Ou bien vous ne supportiez plus son indépendance et son entêtement ?

"Allons, ma chère," poursuivit-il, s'adressant à Lois, même si ses yeux et la pointe de son épée ne quittaient jamais Superman, "Vous ne croyez pas sérieusement que j'allais laisser la LexCorp s'écrouler pour quelque chose d'aussi stupide qu'une mauvaise gestion ? Non, tous les déboires de la compagnie ont été provoqués délibérément et très habilement, par votre mari. Je vous félicite, Kent; même après tout ce temps, je vous ai sous-estimé. Je ne le ferai plus -- pour le peu de temps qu'il vous reste à vivre."

Lois devait admettre que Lex avait raison; elle avait, comme tout le monde, été étonnée d'apprendre que la compagnie avait des difficultés financières. Le Lex qu'elle avait connu des années auparavant aurait congédié ses employés avant que les choses n'empirent. Mais si ce qu'il disait à propos de la chute de la compagnie était vrai et que Clark n'était pas derrière tout ça -- ce qui était certain -- alors *qui* avait fait cela ?

Pendant qu'elle y réfléchissait, Clark s'était mêlé à la conversation. "J'ignore de quoi vous parlez, Luthor. Je n'ai rien fait à la LexCorp. Pourquoi l'aurais-je fait ? La police a plus de preuves qu'il n'en faut pour vous mettre derrière les barreaux sans que les personnes qui dépendent de la compagnie pour vivre soient touchées. Même si vous n'aviez pas essayé de me tuer ainsi que les personnes qui se trouvaient au Planet."

"Kent, vous me décevez. Votre image a-t-elle tant d'importance à vos yeux que vous ne voulez pas reconnaître vos crimes devant vos victimes ? Ou est-ce que le fait de faire faire le travail par d'autres vous a corrompu au point que vous n'osez même pas imiter le Don John de Shakespeare et déclarer que vous êtes 'un méchant de tout ce qu'il y a de plus ordinaire' ?"

"Eh bien, ça ne me dérange pas; nous savons tous les deux que vous n'auriez jamais pu conserver votre attitude de héros *et* me faire tomber sans vous salir les mains. Non, vous avez choisi d'enchaîner votre pouvoir pour être adulé des peuples et c'est seulement en vous écartant de leurs lois mesquines que vous avez pu espérer vous opposer à moi avec succès. Après tout, mon pouvoir est -- était ou sera -- la seule puissance sur cette Terre pouvant surpasser la vôtre."

Lois grimaça écœurée -- quel *ego* ! "Ne vous leurrez pas, Lex ! Malgré tout votre pouvoir, vous n'avez jamais été aussi dangereux que Lord Nor, et Kal-El l'a vaincu. Vous vous vantez de vos machinations, mais vous ne pourrez jamais rivaliser avec Tempus, et Superman et moi l'avons *vaincu* ! Votre empire criminel n'a jamais été aussi grand que celui d'Intergang et Lane et Kent ont fait boucler les Church. Vous n'êtes même pas aussi *cinglé* que Jason Trask et *Clark Kent* l'a vaincu ! Sans supers pouvoirs !

"En fait, il suffit de vous enlever votre argent et quelques-uns de vos larbins et ce qui reste est plutôt médiocre !"

Les yeux de Luthor se rétrécirent et sa voix se fit mielleuse de mépris. "Ah, Lois, mon amour, vous n'avez pas idée de tout ce que j'aurais pu partager avec vous. Ça pourrait encore être le cas, si vous reveniez à la raison et abandonniez cet... *extra-terrestre* pour un homme digne de vous. Avec vous à mes côtés et votre fille à élever -- ce qui, soyez-en certaine, *arrivera*; je n'échouerai pas à l'obtenir une seconde fois -- le monde pourrait être à moi. Je vous aime encore, vous savez..."

Lois recula d'un pas et se retourna vers Clark, qui avait bougé en même temps qu'elle pour se mettre entre elle et Lex. Il était aussi atterré qu'elle par les paroles de Luthor -- ils étaient furieux.

"Vous ne savez pas ce *qu'est* l'amour, Luthor !" grogna-t-il. "Rappelez-vous de ce que vous m'avez dit quand vous me reteniez dans cette cage : 'J'aime Lois, je l'aime vraiment. Mais elle est un peu trop indépendante, ne trouvez-vous pas ? Je vais m'en occuper.' Ce n'est pas de l'amour, c'est de la *cupidité* -- ce qui ne me surprend pas, venant de vous ! C'est la seule émotion que vous êtes capable de comprendre. Même votre supposée passion pour Lois n'a jamais été autre chose que votre désir de l'ajouter à votre collection -- et *ceci* parce que vous y avez été incité ! Sans les phéromones de Miranda, vous ne vous seriez pas plus occupé de Lois que des autres femmes; elle n'aurait été qu'un jouet de plus dont vous vous seriez servi et débarrassé, comme tout le reste !

"L'amour signifie d'accepter les gens tels qu'ils sont. Lois n'est pas un... un costume qui sort de chez le tailleur et que vous pouvez essayer et jeter à la figure du type qui l'a fabriqué s'il ne vous sied pas parfaitement ou si vous n'aimez pas le tissu ! *J'aime* Lois -- *tout* en elle, même certaines de ses facettes qui me font quelques fois grimper au mur de colère; même cette partie d'elle qui a accepté *votre* demande en mariage ! Vous ne pouvez pas en faire autant; vous n'avez pas ça en vous ! Vous êtes trop égoïste !

"Et votre femme ! Vous vous rappelez d'elle ? La femme qui vous a aidé à regagner votre position dans la société ? Si elle n'avait pas été là, vous vous cacheriez encore du monde et de ses lois, de peur de vous montrer en public -- et à quel genre de remerciements a-t-elle droit ? L'avez-vous déjà tuée ou la gardez-vous en réserve au cas où Lois vous dirait non à nouveau ?"

Lois devint blême -- où *était* Beth ? -- mais Luthor paraissait juste étonné. Clark continuait de parler :

"Et quant à vos plans déments concernant Laura...! Espèce de monstre, il faudra que vous me passiez sur le corps pour mettre vos sales pattes sur ma fille !"

"C'est exactement ce que j'ai en tête, Kent!" Sur ce, Luthor éclata de rire.

Lois se retrouva poussée sur le côté sans cérémonie par son mari. Elle tomba par terre et roula plus loin alors que Clark bondissait en arrière pour éviter la première série sauvage de coups d'épée et les estafilades qui s'ensuivirent. Elle aurait dû être contrariée, mais elle réalisa que, comme toujours, le premier réflexe de Clark avait été sa sécurité -- et elle se serait trouvée sur le chemin s'il ne l'avait pas poussée.

Elle leva la tête et vit Clark éviter les coups de Luthor avec tout ce qu'il pouvait trouver. La chaise ne fit pas long feu. Le lampadaire eut un meilleur effet et Clark put garder Lex à distance -- mais il était en bois et ne pourrait pas résister au métal trempé de la lame de l'épée. Au moins, ils gagnaient du temps -- Clark retenait Lex, ce qui permit à Lois de chercher quelque chose pour l'aider ! Elle regarda frénétiquement autour d'elle, mais le contenu de la pièce ne lui donna pas d'inspiration. Y avait-il un objet avec lequel elle pourrait frapper Lex à la tête ? Il n'y avait rien d'assez lourd !

Excepté... ses yeux passèrent devant avant même qu'elle ne réalise ce qu'elle voyait. Le bureau était décoré différemment que cinq ans auparavant, quand elle venait presque régulièrement. La plupart des décors et des meubles étaient les mêmes, mais il y avait eu des ajouts et l'un de ces derniers lui donna une idée.

Un bruit de casse la fit se retourner et elle vit, comme elle l'avait craint, que la lampe avait été coupée en deux. Elle regardait, le cœur battant la chamade, Lex se diriger vers sa cible désarmée... et elle eut le souffle coupé en voyant Clark effectuer une cascade sortie tout droit des "Trois Mousquetaires", ramasser l'épée dans sa cape et envoyer un coup de poing dans la figure de Luthor !

La douleur du coup sur la mâchoire encore endolorie de Luthor le fit vaciller en arrière, mais il ne lâcha pas sa prise sur l'épée. Par contre, il relacha un instant son attention -- et c'était tout ce dont Lois avait besoin. Elle courut vers le mur et donna un coup sur le fourreau; il se libéra et elle le leva rapidement au-dessus de sa tête et le lança comme un javelot vers son mari en criant : "Clark ! Attrape !"

Clark, surpris mais alerte, l'attrapa et se retrouva tenant un authentique katana japonais -- un long sabre aiguisé de samouraï, probablement l'arme la plus meurtrière de ce genre ayant jamais été fabriquée. Il le manœuvra avec rapidité, car Luthor avait repris ses esprits, mais l'attaque qu'il redoutait n'arriva pas. Au lieu de cela, Lex resta où il était, observant prudemment son adversaire. Kent armé d'un sabre -- et de tous les sabres, il fallait que ce soit *celui-là* -- était une nouvelle image de la victime "sans défense" quelques instants plus tôt. L'extra-terrestre montrait une habileté inhabituelle -- ou peut-être était-ce de la chance -- à se défendre; et il se demandait s'il fallait poursuivre le combat maintenant que Kent était armé.

Clark avait visité le Japon lors de ses voyages et il avait vu l'entraînement des samouraïs. Il avait même pris quelques leçons d'aïkido avant de partir, alors il n'était pas totalement novice dans l'art de manier un sabre à la manière japonaise -- du moins la version enseignée avec des sabres en bois. Par contre, ce n'était pas un expert, et il craignait que cela se voie dans sa manière de se comporter avec une arme véritable.

Il avait raison. Son manque d'expérience dans le maniement du sabre se remarqua et Luthor se ragaillardit de voir que sa prudence n'était pas nécessaire. En fait, il était si heureux qu'il ne put s'empêcher de narguer Clark une dernière fois. "Miyamoto Musashi n'a pas à avoir peur de vous, à ce que je vois, Kent -- vous ressemblez à une mauvaise imitation de Luke Skywalker ! Mais en fait, votre incompétence n'a rien de surprenant; si je me souviens bien du reportage TV, vous n'étiez pas très habile quand vous avez battu cet envahisseur Kryptonien que Lois appelle le si puissant Lord Nor, donc, la maîtrise d'une arme *humaine* vous dépasse visiblement."

Clark ne l'écoutait pas. Il se tenait sur ses gardes au cas où Luthor arrêterait de parler et reprendrait le combat, mais la grande partie de son attention était concentrée en lui-même. La sensation du katana dans ses mains avait éveillé quelque chose en lui et il voulait découvrir ce que c'était. C'était comme si quelque chose qui était enfoui loin dans ses souvenirs remontait à la surface avec une certaine insistance, il était donc ravi que Luthor poursuive sa tirade sarcastique; cela lui laissait le temps de se concentrer sur cet... appel, sans en faire davantage que rester vigilant face à son ennemi.

Ce qui se passa ensuite compressa l'éternité en un temps très court -- ou bien cet instant était-il devenu une éternité ? Clark ne le sut jamais; tout ce dont il était conscient ou plutôt, tout ce dont il put se souvenir plus tard, était que ce qu'il voyait -- non, ce qu'il *sentait*, ce qui se passait dans sa conscience, était le résultat de quelque chose de plus puissant que ce qu'il pouvait voir, même avec sa super vision -- les gens, les endroits et les incidents de sa vie et de la vie des autres -- non, de *ses* autres vies -- se mélangeaient et se séparaient à la fois.

Il voyait, entendait, sentait et, par-dessus tout, il *se souvenait* de ses cours d'aïkido; des leçons de Chi données par Lynn Chow, mettant en pratique ce qu'elle lui avait appris contre le Bandit Noir d'Harlan, de l'apprentissage du Drei de Ching pour son duel contre Nor; de son combat contre le Baron Tempos dans le corps de Sir Charles et de lui-même dans le corps de Charles; de l'art de se battre aux couteaux enseigné par un vieux Chef Indien; de la manière dont il avait fait choir les plans de Tempus Tex et ses hommes, de Lois à ses cours de Tae Kwon Do. Tous ces événements et un nombre incalculable de situations semblables, de temps passés et futurs, de l'aube de l'humanité jusqu'à sa transformation en quelque chose de magnifique mais d'incompréhensible, défila dans sa tête, chaque événement laissant quelque chose pendant qu'il le passait. L'événement le plus fort, mais encore le plus flou et manquant de détails, était la sensation d'un sabre dans ses mains -- un katana, oh, tellement semblable à celui qu'il tenait, là, dans le monde "réel."

Lois était dans plusieurs -- en fait dans *la plupart* de ses "souvenirs", même si elle avait des milliers de noms différents et qu'elle était habillée d'autres manières. Peu importe où il se trouvait, elle était avec lui -- et peu importe où elle se trouvait, il était à ses côtés, la protégeant et se faisant protéger par elle. Peu importe s'il était son valet, son maître ou son partenaire, ils étaient toujours ensemble, faisant ensemble face aux événements de la vie, unis pour l'éternité dans un amour aussi grand et fort que les forces qui dirigent l'univers.

Il revint lentement dans le monde présent, il était dans l'appartement résidentiel et Luthor vociférait toujours -- pourtant le temps semblait passer lentement comme si des siècles et des siècles lui défilaient à l'esprit, qui pouvait dire combien de temps s'était écoulé ? Le plus important était que tout ce dont il s'était souvenu s'était mis en place. Les souvenirs s'assemblaient d'eux-mêmes comme un casse-tête et "l'image" qui en résultait était une image sereine, d'attention concentrée et de confiance déterminée, qui allait lui permettre de vaincre son ennemi et de défendre son âme sœur, son amour et tout ce qu'il chérissait. Le mal ne l'emporterait pas aujourd'hui -- pas tant qu'il vivrait.

Il fallut à Clark quelques instants pour se faire à cette nouvelle conscience de profondeur et de clarté et, pendant une fraction de seconde, il regarda autour de lui avec confusion, jusqu'au moment où il accepta ce changement -- et à cet instant, Luthor, cherchant chez son ennemi un tel moment d'inattention, chargea.

L'épée d'Alexandre fendit l'air en direction de Clark, impatiente de frapper et de toucher sa cible pendant qu'elle était distraite... mais elle s'arrêta en rencontrant le katana dans un *clang* résonnant qui prit Luthor par surprise et le fit vaciller à l'impact des lames, il resta pourtant sur ses jambes et recula pour se positionner et charger à nouveau. Il chargea une fois encore, mais son épée s'approcha à peine de la silhouette vêtue d'une cape qui se tenait devant lui, le sabre se mouvait avec aisance et avec précision et finit par le bloquer.

Luthor fronça des sourcils en battant en retraite pour la deuxième fois. L'attitude de Kent quand il s'était saisi du katana aurait dû lui indiquer qu'il devait être facile de le vaincre pour une personne de sa corpulence et de son expérience. Se pouvait-il, malgré ce qu'il avait dit quelques instants auparavant, qu'il ait encore sous-estimé l'extra-terrestre ? Si c'était le cas, le répit de son ennemi allait être de courte durée. Tout comme sa vie.

Pour Lois, qui observait la scène de l'autre côté de la pièce, ce qui suivit ressemblait à une danse macabre. Lex chargea, fendit l'air, tentant plusieurs bottes et stratagèmes qu'il connaissait, mais le sabre de Clark bloquait l'épée de Lex à chaque fois. Les étincelles volaient dans la pièce et le cliquetis des armes se rencontrant résonnait dans l'appartement, mais il ne se passait rien de plus. Lex ne parvenait pas à percer la défense de Clark -- il ne parvenait même pas à le forcer à reculer -- mais c'était tout; peu importe ce qui se passait, Clark restait sur la défensive, semblant incapable de lancer son attaque.

Lois était ébahie par l'habileté de Clark. 'Quand a-t-il appris à faire *cela* ?' pensa-t-elle alors que Luthor tentait une série d'attaques et de coupes rapides d'une grande précision, arrêtées sans efforts, presque nonchalamment par le sabre du samouraï. Les deux hommes étaient maintenant à bout de souffle -- Lex avait plus de difficultés que Clark -- et, à sa grande surprise, Clark commença à narguer Lex !

"Avez-vous lu Gordon R. Dickson, Luthor ?" souffla-t-il. La seule réponse de Lex fut une autre attaque et les armes se croisèrent à nouveau. "Peut-être que vous auriez dû. Il existe un livre de sa série Childe Cycle qui se nomme 'Les tactiques de l'erreur.'" Une autre pluie de coups s'en suivit, mais qui ne donna pas davantage de résultats.

"Dickson utilise l'escrime pour illustrer les tactiques de l'erreur," poursuivit Clark, en évitant une autre série de coups d'épée. Luthor furieux gardait le silence, heureux de permettre à son adversaire de gaspiller son énergie à parler d'un auteur de bas étage; ce qu'il ne parvenait pas à comprendre était la raison pour laquelle Kent s'en souciait. Il l'attaqua avec une fureur nouvelle -- ou alors, après avoir attendu si longtemps, cette attaque contenait-elle une touche de désespoir ? -- si bien que Clark dut se concentrer sur son duel au lieu de discuter. Il continua tout de même pendant que les lames s'entrechoquaient encore et encore.

"Il explique qu'un maître escrimeur peut engager son adversaire... dans une série de... passes peu concluantes... qui paraissent inefficaces... jusqu'à ce que l'adversaire s'aperçoive... qu'après chaque coup porté... son arme s'éloigne de plus en plus... de sa position initiale... le laissant ouvert... à une attaque surprise."

En réalisant ce que Clark disait, Luthor se jeta en arrière avec inquiétude pour se dégager. Il ne voyait pas comment Kent pouvait l'attaquer, mais il ne voulait pas prendre de risques. Cet homme s'était montré un adversaire beaucoup plus difficile qu'il ne l'avait imaginé -- ce qui allait rendre sa victoire encore plus savoureuse. Il était prêt à essuyer l'attaque suivante, mais Clark n'avança pas, il ne saisit pas l'avantage momentané s'offrant à lui, il ne fit *rien* et resta là, épée en main, prêt à se défendre contre la prochaine attaque de son assaillant.

Luthor ne comprenait pas ce que voulait faire le Kryptonien... à moins que, une pensée soudaine, un frisson soudain l'envahit, il voulait gagner du temps ! Ce devait être ça ! Lois avait dit que la police était en route; Kent devait gagner du temps en attendant qu'ils arrivent. Luthor s'en voulait énormément d'avoir marché dans son jeu, gaspillant de précieuses minutes à échanger des paroles avec ces deux-là. Eh bien, maintenant c'était terminé. Il devait très vite y mettre un terme -- tuer Kent et Lois et ensuite fuir par sa sortie d'urgence. L'instant était soudain primordial.

Il chargea une fois encore, la peur faisant monter son taux d'adrénaline. Clark évita les coups. Et Luthor l'attaqua encore. Et encore, jusqu'à ce qu'une troisième attaque se révèle être une feinte qui se transforma en une vilaine entaille.

Luthor était hors de lui, frustré et enragé. Il se sentait faiblir et perdre sa vigueur et sa concentration; il *devait* tuer Kent, et vite, mais c'était comme attaquer un mur de briques avec une aiguille ! C'était... c'était... bon sang, c'était comme attaquer Superman ! Il serra les dents et leva son épée pour une nouvelle offensive... mais se remit juste à temps sur la défensive.

Avec un cri furieux, Clark fit tournoyer le katana de toutes ses forces en larges cercles -- une attaque maladroite que Luthor pensa pouvoir parer sans problème, et qui, réalisa-t-il avec bonheur, allait laisser Kent ouvert à une riposte qui se révélerait mortelle. *Enfin*, Kent avait commis une erreur et il allait maintenant *mourir* !

Du moins il le croyait, jusqu'à ce que la lame du sabre, l'œuvre du plus grand ferronnier que l'humanité ait jamais connu au siècle où le sabre avait été conçu, ne s'abatte sur son arme -- deux mille ans plus vieille, et qui avait appartenu au plus grand conquérant de l'Antiquité -- et ne la tranche comme un couteau de cuisine coupe un morceau de céleri !

Luthor regarda la scène avec horreur, tomba à la renverse et contempla la lame brisée de son épée, avec un regard déconfit, incrédule. Et *maintenant* Clark le suivit, la pointe tranchante et mortelle de son sabre tenant Lex à distance, le forçant même à reculer, autour du bureau, loin de la sortie... loin de la liberté.

La liberté n'était pas la principale pensée de Luthor; c'était plutôt sa *survie* qui paraissait menacée pour le moment. Il était à la merci de Kent et il ne croyait pas que même Superman puisse être assez idiot pour risquer quoi que ce soit après tout ce qui s'était passé entre eux, tant ce jour-là que par le passé. La fin devait être proche... et elle serait la bienvenue. Une mort rapide valait mieux que la honte de la prison.

Le bout du sabre était maintenant posé sur la gorge de Luthor et, pendant une seconde, les deux hommes se souvinrent du moment où ils venaient de se rencontrer et que leurs rôles étaient inversés. Puis Clark sourit (d'un air suffisant, pensa Luthor) et, entre deux profondes respirations, dit brusquement, "*L'autre* exemple des tactiques de l'erreur que cite Dickson est de duper votre ennemi en lui laissant croire que vous allez attaquer autre chose que votre véritable cible."

C'en était presque trop pour Lex. Kent n'avait montré aucune peur quand l'épée était à sa gorge -- bien que ce n'était pas le signe de courage auquel il avait pensé -- et Luthor préférait être damné que montrer une quelconque émotion laissant voir que sa fin était venue. Mais il n'allait pas rester là à se faire narguer avec des inepties inventées pour les débiles et les enfants !

"Ça suffit, Kent !" souffla-t-il. "Le destin vous a souri encore une fois. Maintenant, finissez ce que vous avez commencé !"

"Vous tuer ?" demanda Clark, l'air surpris -- bien que son sabre ne bougea pas d'un millimètre. "Vous avez une véritable fascination pour la mort, n'est-ce pas, Luthor ? Chaque fois que vous êtes vaincu, vous essayez de vous suicider ou vous échappez à la justice parce qu'on vous croit mort.

"Je *pourrais* vous tuer, vous savez," continua-t-il, presque sur le ton de la conversation, "et Dieu sait à quel point vous le méritez plus que n'importe quel homme...." Le sabre quitta la gorge de Luthor et s'éleva dans les airs, semblant prêt à porter un coup fatal. Malgré sa détermination à ne pas montrer sa faiblesse, Lex ferma les yeux...

...jusqu'à ce que Clark crie, d'une voix maintenant énergique et résolue : "...mais je ne le ferai *pas*, parce que, comme je l'ai dit un jour à un autre maniaque : *ce n'est pas comme ça que je fonctionne* !"

Sur ce, il se retourna et abattit le sabre sur le bureau ! Plus aiguisé qu'une lame de rasoir, la lame transperça le plateau, les tiroirs et leur contenu, puis enfin le sol de l'appartement, et s'enfonça jusqu'à la poignée dans le plateau. Il ressemblait à une vision surréaliste de l'Epée dans l'Enclume -- et paraissait aussi difficile à retirer.

Luthor, en revanche, comprit que la mort ne le guettait plus et qu'une fuite -- peut-être même une *victoire* ! -- était à la portée de sa main s'il était assez rapide pour la saisir. Il se jeta sur le dos de Clark avec un rugissement, les bras ouverts pour frapper, saisir, déchirer -- mutiler, démolir et même tuer s'il avait de la chance.

Mais son ardeur fut rapidement contrôlée, Clark évita un coup de Luthor et lui attrapa le bras, puis s'approcha de lui pour lui asséner deux coups dévastateurs -- le premier fut un crochet rapide qui frappa Luthor au ventre et le second un uppercut magistral à la mâchoire, le coup le plus sanglant qu'on n'ait jamais vu. Luthor vola en arrière, s'écrasa contre le mur et tomba par terre, à peine conscient.

Clark grimaça légèrement en agitant sa main droite, mais il ne put s'empêcher de sourire. "J'ai toujours voulu faire ça depuis que j'ai affronté Tempus Tex..." murmura-t-il, d'un ton décidément satisfait.

"Pas mal, cow-boy," s'exclama Lois -- avec, peut-être, une pointe d'envie ? "Et moi qui croyais que *j'étais * l'experte en arts martiaux..."

"Tu l'es, Lois," dit Clark en riant. "Je t'ai observée à tes cours de Tae Kwon Do et je suppose que ça a déteint un peu sur moi. Ça et le Yi Chi que m'a enseigné Lynn Chow -- et aussi ce que Ching m'a appris. Quand on y pense, j'ai eu beaucoup d'occasions d'apprendre ce genre de choses ces dernières années et j'ai appris des meilleurs -- plus spécialement de toi."

Lois ne put s'empêcher de sourire. Elle allait traverser la pièce pour se diriger vers lui, mais s'arrêta quand Clark se pencha et attrapa par le col son adversaire écroulé. Facilement, sans effort -- même si, pensa-t-elle, ses pouvoirs ne pouvaient pas être revenus si vite -- il saisit un Luthor étourdi et le souleva pour le regarder dans les yeux. Pendant un instant, les deux hommes s'observèrent en silence -- ou peut-être était-il plus approprié de dire que Clark observait Luthor; car l'humiliation et la haine dans le regard de Lex l'empêchaient de regarder l'autre homme dans les yeux -- puis Clark commença à parler.

"C'est *terminé*, Luthor ! Vous n'avez plus de pouvoir, plus d'argent et votre histoire de clone a été révélée pour l'imposture qu'elle était vraiment. Tous vos larbins et vos fiers-à-bras vous ont abandonné -- même votre femme ! Et votre tentative insensée d'avoir voulu vous détruire ainsi que Métropolis, si vous ne pouviez pas vous l'approprier, n'a *pas marché*, grâce à Lois. Vous n'avez plus aucun endroit où fuir et vous cacher..."

Lois ne comprit jamais ce qui l'avait poussé à faire cela, même si, après mûre réflexion, elle n'aurait eu aucun problème à trouver de raisons valables. Mais à cet instant, tout ce dont elle était consciente était un besoin subit et irrésistible, aussi léger soit-il, de se venger de cet homme qui avait attaqué tout ce qui lui était cher -- pas qu'une fois, mais encore et encore. Et elle savait comment et à quel endroit l'attaquer. "Oui," murmura-t-elle d'un ton presque silencieux mais efficace par son manque d'émotion violente, le timbre presque désintéressé, "et nous venons de prouver que vous ne pouvez pas battre Clark Kent dans un combat loyal -- d'ailleurs, vous n'avez jamais pu rivaliser avec lui comme un *homme* !"

Cette douce déclaration fut l'insulte suprême pour Luthor. Il s'affaissa sur le bras de Clark, vaincu et humilié, avant de glisser lentement sur le sol. Quant il fut à terre, il resta silencieux un instant avant de pleurnicher, "Et… maintenant... ?"

"Maintenant, nous sortons d'ici -- tous les trois. La police est dehors. L'Inspecteur Henderson attend pour vous arrêter et il sera ravi d'ajouter à la liste des accusations d'incendie volontaire et de tentative de meurtre. Bien sûr, ce qui risque d'arriver c'est que le juge décide de prononcer deux condamnations à perpétuité en plus de celles que vous devez déjà purger, mais peu importe; vous allez retourner en prison, Luthor, et le monde entier vous reconnaîtra pour le renégat que vous êtes, une fois pour toutes !"

Ces paroles semblèrent raviver un peu Luthor, même s'il ne pouvait toujours pas bouger. "Non..." souffla-t-il, "Je... dirai..."

Lois pouvait deviner ce qu'il était sur le point de dire -- "Laissez-moi partir ou je leur dirai votre secret…" -- et malgré qu'elle s'y attendait, elle ne savait pas ce qu'elle pouvait y faire. Clark ne pouvait pas -- et ne *devait pas* -- laisser Lex partir, pas après tout ce qu'il avait fait et essayé de faire, mais comment pouvaient-ils l'empêcher de dire ce qu'il savait être le geste suprême avec lequel il pourrait battre son ennemi ?

'Diable de Lex !' pensa-t-elle en rageant intérieurement. 'S'il n'y avait pas eu de fichu clone, il n'aurait jamais connu le secret de Clark et il ne pourrait pas ruiner leur vie de cette façon !' Mais que pouvaient-ils faire ? Le seul moyen d'assurer le silence de Lex était de le tuer... et Clark ne pouvait même pas y *penser*, et encore moins le faire ! Ce qui voulait dire... 'Est-ce que *je* dois le faire ?'

Cette idée était terrifiante et empirait au fur et à mesure qu'elle y réfléchissait, cherchant une alternative... sans succès. Il lui semblait que c'était la seule chose qui pouvait les sauver de l'enfer qui suivrait si le monde apprenait que Clark et Superman étaient la même personne-- mais le prix à payer ! Si elle tuait Lex -- et elle était certaine de pouvoir le faire aussi bien physiquement que mentalement, *si* Clark la laissait faire -- qu'adviendrait-il de sa vie ?

Elle n'avait pas peur de la prison. Après tout ce que Lex lui avait fait subir, tant aujourd'hui que par le passé, aucun jury au monde ne douterait qu'il s'agissait de légitime défense -- mais *Clark* serait consterné. Il ne pourrait plus jamais lui faire confiance. Il pourrait même la *détester*. Leur mariage... eh bien, s'il ne se terminait pas à cet instant, ne serait plus jamais le même. Elle n'aurait peut-être même plus le droit de voir Laura. Qu'elle parvienne ou non à le tuer, la seule tentative serait suffisante.

Etait-ce là l'ultime revanche de Luthor ? Aurait-elle à le tuer pour sauver Clark et Laura, simplement pour les perdre par la suite si elle les libérait du démon ?

Elle jeta un œil en direction de Clark, ses yeux remplis de larmes. Elle l'aimait tellement et il lui avait donné le bonheur qu'elle croyait ne jamais pouvoir obtenir. Comment pouvait-elle *ne pas* le faire pour lui, même si cela voulait dire mettre un terme à ce bonheur ? Ça en valait la peine. Laura en valait la peine.

Et à cet instant, Clark se mit à rire. Un petit rire, mais un rire plein d'un irrépressible humour -- de joie, même… de *défi* ? Les yeux de Lois s'écarquillèrent quand elle posa les yeux sur lui. A sa grande surprise, il observait Luthor avec un regard d'exaspération amusée, un sourcil levé plus haut que l'autre et avec son petit sourire en coin si familier.

Sa surprise continua à croître quand elle observa la scène et entendit. "Vous allez le dire ?" lança-t-il. "Dire quoi ? Dire au monde que je suis Superman ?" Encore une fois, il se pencha et attrapa Luthor, soulevant la forme écrasée contre le sol jusqu'à ce que les visages des deux hommes ne soient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. "*Allez-y* !" persifla-t-il.

Un observateur impartial se tenant là se serait sans doute demandé qui était le plus étonné. Lois ou Lex. Pour sa part, Lois était à moitié paniquée et ses pensées déferlaient en un torrent. Que voulait dire Clark ? Etait-il devenu fou ? Avait-il été blessé dans la bataille sans que personne ne l'ait remarqué ? Pourquoi *faisait-il* cela ?

Luthor n'avait pas la force de réagir, mais la surprise se lisait sur son visage -- avant que Clark ne le repose par terre et que son expression ne se transforme en douleur en atterrissant lourdement sur le sol. Clark se pencha et le fit pivoter pour pouvoir voir son visage, avant de poursuivre, "Vous avez bien entendu, Luthor. Si vous voulez dire au monde entier que je suis Superman, vous pouvez le faire. Vous ne ferez rien de plus que ce qui a déjà été fait. Vous êtes le... combien ? Vous êtes la *troisième* personne qui essaie de le faire -- oh, et vous serez peut-être heureux de savoir que les deux autres sont en prison et que l'un d'eux est confiné dans le service psychiatrique -- alors je doute fort que quelqu'un vous croie. Ils ne le feront certainement pas *aujourd'hui*, grâce à vous ! Et même si c'était le cas... *ça m'est égal* !"

Il hocha lentement la tête et sourit, mais Lois ne pouvait pas se souvenir d'avoir vu pareil sourire -- venant de lui, tout au moins. Il était assez satisfait, légèrement grisé et peut-être même un peu arrogant. C'était, réalisa-t-elle, le sourire d'un homme qui avait fait face et avait résisté à toutes les attaques de son ennemi, y compris les cartes en réserve que ce truand pensait être des atouts mais qui prouvaient à quel point Luthor était devenu pathétique.

"Vous avez bien entendu," continua-t-il, "Je m'en moque. Oh, j'aimerais mieux que le monde ne le découvre pas -- pas tout de suite, du moins -- mais je suis allé dans un monde où ce n'est plus un secret que Clark Kent est Superman et la vie là-bas n'est pas si terrible. Et même si c'était aussi terrible que je l'imaginais, je sais maintenant que je pourrais y survivre. Je peux survivre à tout -- *nous* pouvons survivre à tout -- ensemble."

Les yeux de Clark ne quittaient pas Luthor tandis qu'il prononçait ces paroles et l'ancien milliardaire pouvait voir que ce regard qui ne le quittait pas voulait tout dire et que ce n'était pas du bluff. Cette prise de conscience fut le dernier coup pour Luthor et il ferma les yeux désespéré et humilié. La dernière pensée qui l'accompagna avant de perdre connaissance fut celle d'avoir fait tous les efforts, fait tout ce qui était en son pouvoir pour détruire cet homme, et il avait *échoué*.

Clark se leva et tendit la main à sa femme qui se précipita vers lui et l'entoura de ses bras avec enthousiasme, enfouissant sa tête contre sa poitrine. Son esprit se remplit d'un irrépressible sentiment de soulagement, elle ne pouvait pas, à cet instant, se concentrer suffisamment pour comprendre le changement d'attitude de Clark, mais cela n'avait pas d'importance; tout ce qu'elle savait, tout ce qu'elle *sentait* était une joie immense car, une fois encore, il l'avait sauvée. Même quand le danger venait du plus profond d'elle-même, il était là pour elle, la protégeant, l'aidant, l'épaulant... la gardant en sécurité.

Maintenant qu'elle *était* en sécurité, elle pouvait voir l'énormité de l'erreur qu'elle s'apprêtait à faire, mais elle pouvait également se souvenir du désespoir qu'elle avait ressenti quelques instants auparavant. Ne trouvant aucune autre solution à un tel dilemme, il était trop facile d'envisager l'impensable, surtout après ce qu'elle avait affronté ce jour-là. 'Merci mon Dieu pour Clark,' pensa-t-elle. Sans lui, sans sa ténacité, ce qu'elle avait imaginé aurait très bien pu devenir réalité. Elle devrait s'en souvenir, disons, la prochaine fois qu'elle écrirait un article sur les victimes de parents abusifs -- ou sur quelqu'un comme Cliff, l'ami de Martha.

Clark pouvait voir, à la façon dont elle le tenait, qu'il s'était passé quelque chose et que lui et Lois allaient devoir en parler, mais certaines choses devaient être faites sur le champ. Il la serra très fort encore quelques secondes, en gardant un œil attentif à la silhouette inanimée allongée par terre, puis il l'embrassa tendrement et s'écarta pour attacher Lex.

Ne trouvant rien pour l'attacher solidement, Clark enleva sa cape et la déchira en deux, légèrement amusé en s'apercevant qu'il n'aurait pu la déchirer sans ses supers pouvoirs si le sabre de Luthor n'avait pas percé le tissu quand il s'était protégé de sa cape pour retenir la lame. 'Maman ne verra pas d'inconvénient à me faire une autre cape,' pensa Clark, 'Après tout, c'est bien elle qui pensait que ça aurait beaucoup d'allure pour compléter le costume.'

Le morceau de tissu écarlate remplit amplement la tâche de "corde" et, avec l'aide de Lois, les bras et les jambes de Luthor furent rapidement attachés. Ce n'est qu'à ce moment que Clark laissa enfin échapper un soupir de soulagement et se détendit -- et se souvint d'un léger problème.

"Chérie," dit-il, en se relevant et étirant ses muscles exceptionnellement fatigués, "Peux-tu aller à la Jeep me chercher mes vêtements de rechange et mes lunettes quand tu auras fait monter les policiers ? Nous ne savons pas dans combien de temps mes pouvoirs reviendront, je suis donc coincé pour le moment et il me sera plus facile de repartir avec toi en tant que Clark plutôt que Superman."

Lois l'avait regardé s'étirer et ne prêtait pas beaucoup d'attention, comme elle l'aurait dû le faire -- pas à ce que Clark *disait*, bien sûr. Mais, après quelques secondes, son cerveau enregistra ce que ses oreilles entendaient et elle se mit au travail . Après tout, plus tôt ils sortiraient de cet endroit, plus tôt elle pourrait le ramener à la maison...

"D'accord," dit-elle, se levant à son tour -- à la grande joie de *Clark*. Elle hésita avant de partir; il allait bien, il avait vraiment besoin de vêtements, mais après les événements de cette dernière heure, elle était encore un peu nerveuse. "Tu vas t'en sortir pour garder un œil sur Lex jusqu'à l'arrivée d'Henderson, n'est-ce pas ?"

"Je vais me débrouiller, Lois. Luthor ne se réveillera pas avant un moment -- pas cette fois. Et même s'il se réveille, il n'ira nulle part, attaché comme il l'est. Tu sais que ces liens sont bien faits -- tu m'as aidé à les faire !"

"Oui, d'accord..." Plus rassurée par le ton de son époux que par ce qu'il avait dit, Lois se retourna et se dirigea vers l'ascenseur. Clark lui fit un petit geste de la main alors que les portes se fermaient et s'installa pour surveiller leur prisonnier en attendant son retour.

Au Planet, les choses étaient redevenues plus calmes. L'équipe technique avait fouillé le bâtiment à la recherche d'une éventuelle autre bombe, mais n'avait rien trouvé (ce qui n'avait surpris personne), les pompiers avaient examiné les points chauds de la salle de rédaction pour prévenir un autre départ de feu, les gens sérieusement blessés étaient tous en route vers les hôpitaux et les autres étaient examinés par des ambulanciers et les quelques médecins qui, passant par là, avaient offert leurs services.

La seule exception à cette paix relative était Penny, qui avait été séparée de Jimmy quand il était allé couper le courant. Elle avait été assez brusquement sortie de la salle de conférence et conduite à l'extérieur du bâtiment et elle n'était pas parvenue à retrouver son petit ami jusqu'à ce qu'il ne sorte enfin du Planet quelques temps après, aidant une équipe d'ambulanciers à transporter l'un des derniers blessés.

Elle attendit que le blessé soit embarqué dans l'ambulance et courut vers lui en criant, "Jimmy ? Jimmy ! Oh, merci mon Dieu, tu vas bien ! Tu *vas* bien, n'est-ce pas... ?" A son petit signe de tête affirmatif et quelque peu stupéfait, Penny le prit dans ses bras et le serra le plus fort qu'elle le pouvait. "Tu m'as sauvé la vie ! Tu as sauvé Ralph ! Et Alice !"

Jimmy, encore sous l'effet de la poussée d'adrénaline, ne comprit que la dernière chose qu'elle avait dite. "Oui, je *devais* le faire..." répondit-il, comme si c'était évident. "Perry m'aurait tué s'il lui était arrivé quelque chose."

Penny le contempla quelques instants, muette et étonnée de sa nonchalance apparente. Puis elle l'enlaça à nouveau, les yeux remplis de larmes et dit sur un ton presque désespéré, "Tu es un héros ! Je t'aime, tu sais..."

Quelque chose sonna dans l'esprit de Jimmy. Il serra Penny contre lui quelques instants, sans dire un mot mis à part une réponse quasi automatique, "Moi aussi, je t'aime." Cela ne voulait pas dire qu'il ne le pensait pas, mais c'était comme s'il l'avait dit par habitude, ses pensées concentrées sur autre chose -- et c'était le cas. Le silence entre eux ne dura que quelques instants, même s'il parut plus long à Penny, qui ne comprenait pas pourquoi il s'était tu si soudainement.

Puis il revint sur Terre, façon de parler, se recula un peu et plongea son regard dans le sien. "Bon, je me lance," dit-il avec fermeté. "Penny -- veux-tu m'épouser ?"

*Ceci* était inattendu, c'est le moins qu'on puisse dire, et Penny était abasourdie. Il paraissait si *déterminé*... "Quoi ? Pourquoi… Je veux dire, nous..." Elle bafouilla un peu avant de parvenir à poser la véritable question, "Qu'est-ce qui t'a décidé à me poser cette question *maintenant* ?"

"Tu te souviens, je t'ai parlé de Benny Rockland et de ce qui lui est arrivé il y a deux ans ?" Penny acquiesça, étonnée par ce soudain changement de sujet. "Eh bien, il y a une chose que je ne t'ai jamais dite, quand j'ai cherché cette femme qui lui avait fait ça, je l'ai *trouvée* -- et elle *m'a* fait la même chose !"

Penny était stupéfaite; Benny Rockland était mort de vieillesse -- à *22 ans* ! -- après être tombé par hasard sur un docteur fou qui avait inventé une machine pouvant ôter la jeunesse à une personne et la transférer à une autre. Cela ne *pouvait pas être aussi arrivé à Jimmy...

"Oui," dit-il, en hochant la tête pour confirmer. "J'ai eu 70 ans pendant quelques heures. J'en suis presque mort. La seule raison pour laquelle je suis encore ici c'est parce que Superman s'est porté volontaire pour me donner une partie de sa force de vie pour me sauver."

Penny, atterrée et à nouveau presque en larmes, allait dire quelque chose, mais il posa son doigt sur ses lèvres. "Je sais -- que dire d'un ami comme lui ? J'ai essayé de le remercier la fois suivante où je l'ai vu, mais il n'a rien voulu savoir. Je lui ai demandé pourquoi il avait fait cela -- pourquoi il avait renoncé pour moi à des années de sa propre vie -- et il m'a dit qu'il ne pensait pas avoir renoncé à quoi que ce soit. Que j'allais bien, et que c'était la seule chose qui importait. Et quant à perdre des années de sa vie, eh bien, que personne au monde ne savait combien d'années il avait à vivre; qu'un maniaque quelconque avec un morceau de Kryptonite pouvait arriver demain et le tuer et alors à quoi bon ces années 'perdues' auraient-elles servi ?

"Et il m'a ensuite dit une chose que je n'ai jamais oubliée. 'Jim,' a-t-il dit, 'ce ne sont pas les années qui comptent, mais ce que tu en fais. Comment pourrais-je continuer à vivre en sachant que j'ai laissé l'un de mes amis les plus proches mourir simplement pour que je puisse prolonger un peu plus mon existence ? Les années, les mois, les semaines, les jours -- sont des périodes composées de différents moments et chacun de nous vit un moment à la fois. Tire le maximum de *tes* moments et nous nous porterons bien tous les deux, parce que "ma" vie aura été vécue au maximum et peu importe de savoir si *j'ai* moi-même vécu tous ces moments.'

"C'est ce que je vais faire. Et je veux partager ces moments avec toi et je veux le faire *maintenant*, parce qu'une chose comme ça pourrait encore se reproduire et je ne veux pas manquer ce que j'aurais pu avoir. Nous y avons réfléchi, nous avons fait l'essai, alors, *faisons-le* !" Il s'interrompit, soudain inquiet de son silence. "Ceci bien sûr, si *tu* le veux ..."

"Si *je* le veux ?" cria-t-elle. "Bien sûr que je le veux, oh, toi..." Ce que Jimmy allait dire ensuite demeura un mystère, car Penny se jeta dans ses bras et leurs lèvres se scellèrent en un baiser si passionné que les gens aux alentours sentirent qu'ils gênaient quelque chose de privé et de très spécial. Certains connaisseurs des Marques d'Affection en Public donnaient leur avis et étaient en train de dire que ces deux-là étaient prometteurs -- peut-être pas encore au même niveau que Lane et Kent encore, mais en leur laissant le temps...

Jimmy et Penny n'entendaient rien; ils auraient trouvé cela amusant, mais ils étaient... occupés.

Deux des connaisseurs qui observaient la scène étaient Perry et Alice, assis ensemble pendant qu'un médecin examinait les blessures à la jambe provoquées par les éclats de verre. "Regarde ces deux-là," murmura Alice, en souriant. "Rien de tel qu'une bombe, ou peu importe ce que c'était, pour faire surgir des émotions quand on a cet âge-là."

"Qu'est-ce que l'âge a à voir là-dedans ?" protesta Perry. "Attends un peu que les médecins nous laissent partir et je vais te montrer que je suis encore capable de m'exprimer !"

"Ooooh... dis-m'en un peu plus," répondit-elle gaiement, puis elle se tut. Son sourire s'adoucit en se remémorant les instants où eux aussi s'étaient sentis comme Jimmy et Penny -- et pas seulement quand ils avaient cet âge ! Oui, le danger pouvait certainement pimenter la vie...

"Tu te souviens de Beyrouth ?" murmura-t-elle, posant sa tête sur l'épaule de Perry presque instinctivement.

"Oh oui. Et Montevideo. Et Bogota. Sans parler de Saigon, de Prague, de Belfast, de Nairobi et de l'Antarctique..."

Alice se mit à rire. "*J'avais* presque oublié l'Antarctique... Penses-tu qu'on nous croirait si on racontait cette histoire ?"

"Probablement pas -- je ne suis plus très sûr d'y croire encore *moi-même*, après toutes ces années."

"C'est vrai, très vrai... Cette histoire aurait tout de même été formidable à raconter, par contre, tu ne crois pas ?"

"Ça c'est sûr . Tu te souviens de la tête du Vieux Krebbs quand on a remis notre article ? Il était malade comme un chien quand il a réalisé qu'on ne plaisantait pas -- et ça a été encore pire quand les costume-cravate de l'étage au-dessus lui ont dit qu'il ne pouvait pas l'éditer !"

Ils se mirent à rire tous les deux et Alice se sentit replonger dans quelque chose qu'elle n'avait pas ressenti depuis des années -- la joie de la véritable camaraderie, les expériences partagées que nul autre sur Terre ne pouvait connaître ou ne connaîtrait -- et, à sa grande surprise, elle réalisa que cela lui avait terriblement manqué.

'Tu peux avoir à nouveau tout cela, tu sais,' se dit-elle, 'si tu es prête à prendre le risque. Est-ce que tu l'es ?'

Elle tourna la tête sur l'épaule de Perry et regarda le profil familier de l'homme qui avait déjà été son mari et qui l'était toujours -- qui l'avait toujours été -- de l'homme qu'elle aimait. Il souriait fièrement à l'évocation de ce souvenir et elle sentit son cœur battre à la vue de ce visage bourru et élégant, son expression était la même que lorsqu'il était sorti de son bureau pour prendre en charge l'évacuation et secourir le personnel de la salle de rédaction.

Elle n'avait pu s'empêcher d'entendre Penny dire à Jimmy qu'il était un héros et elle était tout à fait d'accord, mais il y avait eu plus d'un héros dans la salle de rédaction. Superman avait été d'une aide incomparable, comme toujours et elle serait toujours reconnaissante envers Jimmy et c'était merveilleux -- mais pas plus qu'elle ne s'y attendait -- de voir toutes ces personnes aller au secours de leurs amis et collègues, mais Perry avait été tout aussi héroïque que n'importe qui. Il s'était trouvé partout, en homme bourru disant aux gens ce qu'ils devaient faire, les rassurant et les pressant pour qu'ils puissent réussir tous ensemble et il avait retroussé ses manches et s'était joint à eux. Un grand nombre de personnes devaient leur vie ou leur santé à cet homme...

'Que veux-tu de plus que ce que tu as maintenant ? D'un héros sorti tout droit d'un roman ? Eh bien le voilà. Tout ce que tu dois faire c'est de lui donner une chance.'

Alice sourit. Prendre des risques... dans un certain sens, c'est ce qu'avait été leur mariage pendant de nombreuses années -- certainement avant qu'ils n'aient des enfants. Mais ensuite ils avaient dû ralentir pour le bien-être de leurs fils et... n'avaient plus rien fait et avaient oublié ce que c'était. Perry avait passé quelques années plus tôt, une période où il avait pris quelques risques; il avait dit que c'était sa version de la crise de la cinquantaine. Si c'était le cas, quel dommage de ne pas l'avoir fait *ensemble*...

Peut-être était-il temps de commencer à penser à prendre quelques risques en formant à nouveau un couple. Dans ce cas, le premier serait de *redevenir* un couple.

Le médecin termina son examen et dit que ses blessures aux jambes étaient maintenant désinfectées et propres de tout corps étranger. Il fit quelques suggestions typiques propres aux médecins -- allez à la maison, reposez-vous bien, allez-y doucement pendant un jour ou deux -- puis passa au patient suivant. Alice le regarda avec un mélange d'amusement et d'ennui devant sa condescendance; entre élever deux fils actifs et accompagner Perry dans certaines de ses aventures, elle avait probablement plus d'expérience avec ce genre de blessure qu'il pouvait en avoir ! Mais bien qu'elle soit heureuse qu'il soit parti, elle ne voulait pas que quelqu'un entende ce qu'elle allait dire quand elle ferait le grand plongeon -- ce qu'elle avait l'intention de faire tout de suite !

"En parlant de rentrer à la maison..." murmura-t-elle, "le bail de mon appartement se termine dans environ six semaines. Crois-tu qu'il pourrait y avoir de l'espace vacant dans la niche d'un vieux fou que je pourrais occuper ?"

Perry était abasourdi et c'était visible. "Alice... chérie..." parvint-il à murmurer dans un souffle, d'une voix ne ressemblant en rien à celle d'un rédacteur en chef, "Est-ce que... *veux*-tu... ?"

Alice eut pitié de lui et remplit les blancs qu'il avait laissés dans sa phrase. "Est-ce que je te demande ce que tu crois que je te demande ? Est-ce que je veux revenir ?" Il acquiesça, totalement incapable de dire *quoi que ce soit*. Heureusement, Alice lui fournit la réponse. "Oui, espèce de grand fou, c'est exactement ce que je dis. Nous n'allons pas nous remarier, par contre -- pas tout de suite, du moins, j'ai toujours voulu vivre dans le péché depuis les années soixante et voici ma chance de le faire. Nous ne l'avons pas fait la première fois et je veux savoir pourquoi les gens en faisaient toute une histoire."

Elle sourit malicieusement, mais l'étincelle dans ses yeux exprimait des émotions plus profondes -- de l'amour, une réaction face au récent danger et même un peu de nervosité. C'était du moins ce que pensait Perry et cela l'inspira pour lui répondre. "Oh, et moi qui croyais que tu voulais que je sois un vieux protecteur. Je suppose que c'est mieux comme ça -- je ne peux pas me permettre d'héberger une femme qui a des goûts extravagants comme les tiens. C'est un peu dommage, par contre; j'ai toujours voulu revenir à la maison pour te retrouver portant quelque chose comme un négligé noir..."

Alice rougit et regarda autour d'elle pour voir si quelqu'un les avait entendus. Il lui semblait que non, elle en était fort heureuse et plus à l'aise maintenant qu'elle savait que leur conversation privée *était* privée, elle se redressa et soupira à l'oreille de Perry, "Ça peut s'arranger..." Perry grogna en riant et l'enlaça, ce dont elle se réjouit quelques secondes, avant de devenir plus sérieuse et de terminer sa phrase, "...à condition que tu te souviennes de *rentrer* à la maison."

Ces paroles le firent arrêter de rire et il la tourna doucement pour la regarder, l'air visiblement troublé. "Euh, Alice... chérie..." dit-il avec hésitation, en essayant vaillamment de ne pas s'embourber dans ses mots, car sachant que leur avenir ensemble -- s'ils en avaient un -- dépendait de ce qu'il allait dire.

"Alice," répéta-t-il, "Tu me connais. Le Planet tient une si grande partie dans ma vie et depuis si longtemps... peut-être une *trop* grande partie, mais c'est comme ça que je suis. Je n'ai jamais voulu que mon travail finisse par nous séparer... et j'ai un peu peur que cela ne se reproduise.

"Il faut que tu saches que la *dernière* chose que je veuille faire est de te blesser parce que je travaille trop... mais je ne peux pas te promettre que ça n'arrivera pas; parce que c'est comme ça que je suis et je ne connais pas d'autres moyens de faire mon travail." Il s'interrompit et indiqua d'un geste de la main la scène qui se déroulait autour d'eux -- les employés blessés, les ambulances, la police, les pompiers, les débris. "Et puis il y a *ce* genre de choses...

"Ce que je *peux* faire c'est d'essayer de faire ce que nous avons fait dernièrement -- ça s'est bien passé, n'est-ce pas ?" Alice acquiesça et Perry, soulagé continua, "Et je te promets que si tu me dis que je me défile ou que je travaille trop et que tu veux que je t'accorde plus d'attention, je t'écouterai et je ferai ce qu'il faut. J'ai au moins retenu *cette* leçon."

Il s'arrêta et prit une profonde inspiration, le visage plein l'appréhension, puis il lui posa la question piège, "Est-ce que ce sera suffisant ?"

'Eh bien, Alice, est-ce que ce sera suffisant ?' se demanda-t-elle en son for intérieur. 'C'est ce à quoi tu as essayé de réfléchir toute la journée, n'est-ce pas ? As-tu fait ton choix ou non ?'

Pendant un bref moment, elle regarda par terre, perdue dans un soudain retour vers l'indécision, mais elle croisa les yeux inquiets de Perry et ne put s'empêcher de lui sourire un peu. Et elle avait gagné; son homme était là, il voulait la reconquérir et il était prêt à faire ce qu'elle lui avait demandé -- mais il connaissait aussi ses limites et il était plus inquiet *qu'elle* ne soit pas blessée, que de ses propres désirs. C'était une combinaison convaincante et Alice n'essaya pas de résister, elle avait déjà pris sa décision, vraiment, et elle ne voulait pas faire marche arrière. De toute façon, elle connaissait maintenant la valeur de son rival, plus particulièrement parce qu'elle savait ce qu'elle voulait et ce que Perry voulait aussi et ces souvenirs lui avaient donné une idée. Peut-être était-il temps qu'il y ait un *autre* White au Daily Planet...

"On pourrait voir où ça va nous mener, non ?" dit-elle doucement, les yeux pétillants. Perry l'attira à lui et le monde autour d'eux disparut un instant.

Henderson regarda dans le bureau autour de lui avec les yeux d'une personne qui avait vu de nombreuses scènes de crime, même dans des lieux aussi luxueux que ceux-ci. Bien sûr, aucune des scènes auxquelles il avait assisté ne ressemblaient à celle-ci. Les meubles retournés et massacrés n'offraient rien de nouveau, pas plus que les signes qu'une bataille royale avait eu lieu; même les plus riches pouvaient se battre. Ce qui attirait son attention était plutôt les restes noircis d'une arme de haute technologie qui rendait la scène unique -- ça et d'autres petites choses comme l'étrange globe de cristal posé sur le bureau et le sabre ancien reposant par terre en petits morceaux.

Ce qui lui causait le plus de soucis pour le moment était le globe. S'il se fiait à ce que Superman et Lane lui avaient dit (et il fallait croire Lane quand elle se mêlait de quelque chose !), il s'agissait d'une preuve capitale, mais il était certain que, sitôt que les agents fédéraux en entendraient parler -- ce qui était évident, parce que la moitié des accusations qui pesaient contre Luthor relevaient de la Cour Fédérale (enlèvement, usurpation d'identité du Président, etc.) -- il disparaîtrait dans le trou noir appelé "sécurité nationale" et on ne le verrait jamais plus. Avant que cela n'arrive, il voulait que ses hommes trouvent des preuves dont aurait besoin le Procureur pour poursuivre Luthor. Incendie volontaire et tentative de meurtre étaient des délits majeurs et il ne voulait pas que les crimes de Luthor contre les gens de Métropolis soient oubliés et relégués au second plan au profit de ceux "plus importants" sur lesquels le FBI et les autres agences allaient se jeter.

"Oui, George," dit-il, dans son téléphone cellulaire, "Je veux une équipe complète dans dix minutes. Et faites venir Klein si vous le pouvez; il y a ici quelque chose qu'il doit voir avant que les fédéraux ne se l'approprient.

"Oui... Oui, d'accord. Très bien... On arrive. A tout de suite."

Il mit l'appareil en attente, le glissa dans la poche de son veston et jeta encore un coup d'œil dans la pièce, mémorisant ce qui devait être fait. La première chose à faire était de s'assurer que Luthor soit coffré dans une cellule du quartier général de la police. Il avait été arrêté dans les formes, on lui avait lu ses droits et on lui avait passé les menottes, il devait donc être simple de le sortir d'ici maintenant que la plupart des gens qui s'étaient retrouvés à l'extérieur du bâtiment après l'évacuation -- sans que personne ne sache pourquoi -- étaient retournés travailler ou avaient quitté les lieux.

Après cela... eh bien, il n'y avait plus grand-chose à faire. Ce n'était pas difficile, mais il restait encore beaucoup d'éléments d'enquête auxquels il fallait répondre. Il avait des témoins et ils seraient plus qu'heureux de faire une déposition. Superman avait déjà quitté les lieux après qu'ils aient convenu qu'il viendrait, lui aussi, déposer plus tard, et Lane attendait Kent pour retourner au Planet afin d'écrire sa précieuse exclusivité. Elle avait fait aussi sa déposition. Donc, après avoir averti les gars de l'identité judiciaire et le Dr Klein de ce qu'ils devaient faire, il pourrait retourner au Quartier Général et passer le reste de la journée à compléter la paperasse -- sans oublier qu'il devait pousser le bureau du Procureur à se presser. Et, bien sûr, les agents fédéraux arriveraient ensuite sur les lieux, mais il espérait avoir terminé le plus gros du travail avant qu'ils ne lui tombent dessus.

Il fit un signe à deux hommes en uniforme, qu'il avait choisis personnellement pour faire ce travail. Il pouvait leur faire confiance, sans arrière-pensée. "Bon, Shaw, Murray, vous savez ce que vous avez à faire. Emmenez-le au Quartier Général, mettez-le en cellule et assurez-vous qu'il soit escorté vers une prison de haute sécurité. Oh, et faites vérifier ses ecchymoses par un médecin, mais gardez l'œil sur lui. Pas de passe-droits, d'accord ?"

"Très bien, Inspecteur. Allez, mon vieux, vous avez rendez-vous avec une cellule de détention."

Luthor ne répondit pas, il vacilla en se dirigeant vers l'ascenseur escorté par les deux policiers. Ses yeux étaient vides, rivés droit devant lui et il paraissait ne rien remarquer. Ce n'est que lorsque Clark apparut en ajustant sa cravate qu'il réagit, jetant vers lui un regard plein de haine... mais il baissa la tête et se renferma quand le journaliste croisa son regard d'un air calme et posé.

Lois vit Clark émerger du corridor et le rejoignit en souriant. Il la vit et se retourna en la voyant s'approcher de lui... et manqua la scène qui se déroulait derrière lui, jusqu'à ce qu'il remarque l'expression de Lois se changer de surprise en appréhension.

Il se retourna et aperçut les deux policiers tousser et reprendre leur souffle dans un nuage de gaz provenant d'un petite bombe jetée par terre et vit Luthor tenter faiblement de se débattre de l'emprise d'un assaillant inconnu -- puis un revolver, un gros revolver, pointé dans la bouche de Luthor ! Plus tard, Lois lui dirait que l'homme était sorti de l'ascenseur, avait sorti sa bombe au moment où les trois hommes approchaient, juste au bon moment; mais pour l'instant, le plus grand souci de Clark était le revolver... et le fait qu'il croyait reconnaître la personne qui le tenait.

"Alex ? Est-ce que c'est vous ?"

"Oh, oui. Bonjour, M. Kent. Bonjour à vous aussi, Miss Lane. Faites-moi une faveur et dites à ces deux-là de reculer, s'il vous plaît ? Je vais m'occuper de notre petit Lex, mais je ne veux pas que d'autres soient blessés."

"Alex, qu'est-ce que vous faites ? S'il vous plaît, posez ce revolver," implora Clark pendant que Lois éloignait les policiers du gaz.

"Il n'en est pas question. Non, c'est terminé pour le grand M. Luthor. J'ai d'abord démoli sa compagnie et je vais maintenant avoir sa peau, comme je l'ai promis à Nicky."

Luthor, parvenant à peine à ne pas s'étouffer avec le canon du revolver dans la bouche, se tassa légèrement sur le côté, pour voir le visage de l'homme qui le retenait. Alex devina pourquoi et se mit à rire.

"C'est quoi ton problème, Lex ? Tu ne me crois pas ? Tu ferais bien, parce que je ne mens pas. Oh, non, je *veux* que tu saches qui t'a fait tomber et pourquoi. C'est moi, mon vieux -- avec un peu d'aide, je dois l'avouer, mais c'est surtout moi.

"Tu as été piraté à mort, Luthor, par le grand-papa de tous les virus informatiques. Mon programme ASSASSINLC -- c'est le diminutif d'Assassin de la LexCorp -- un chef-d'œuvre absolu. Combien d'argent as-tu perdu ? Dix milliards de dollars ou est-ce plus près de onze ? J'ai arrêté de compter après huit..."

Les yeux de Luthor s'écarquillèrent sous l'effet du choc et de la colère, mais il était trop faible et maintenu trop serré par le jeune pirate pour se libérer -- et spécialement pour retirer ce revolver de sa bouche. Il avait l'impression que personne ne pouvait l'aider; la police surveillait son assaillant -- Alex ? -- mais ne pouvait pas espérer le tuer ni même le *toucher* sans la presque certitude qu'il appuierait sur la détente. Et quant à Kent... ! L'ironie était à son comble : Superman était la seule personne ayant une chance de pouvoir le sauver -- mais il ne le pouvait pas, parce qu'il n'avait pas ses pouvoirs, à cause de la super arme de Lex !

"Pourquoi j'ai fait ça ?" demanda Alex pour la forme, anticipant la question suivante. "Parce que ce... ce *salaud*, cette *pourriture* est responsable de la mort de mes frères ! Tu te souviens de Chris Trifyllis, Lex ? Tu te souviens d'avoir envoyé ton chien de garde O'Reilly pour le tuer ? Sais-tu qu'Eeyore t'a vendu et qu'il sera le témoin vedette lors de ton procès pour le meurtre de Chris -- à part que tu *n'auras pas* de procès !

"Et ensuite ce qui est arrivé à Nicky.... Tu as envoyé tes tueurs après lui, parce que tu voulais t'approprier ses travaux, mais ils ont échoué ! Nous nous sommes enfuis et cachés et depuis j'ai piraté tes ordinateurs... mais Nicky est mort quand même, *et à cause de toi* !" sanglota-t-il difficilement. "Et c'est pour ça que ton temps sur Terre est terminé, Luthor !"

"Oh, Alex..." dit une voix douce. C'était celle de Lois. "C'est horrible. Mais vous n'avez pas besoin de tuer Lex. Il a été arrêté pour le meurtre de Chris et beaucoup d'autres choses aussi; le nombre d'accusations qui pèsent sur lui est *énorme*. Laissez-le s'en aller et laissez la Cour décider de son sort. Vous pourrez le voir aller en prison pour les crimes qu'il a commis... et *vos* mains ne seront pas aussi sales que les siennes."

"Lois a raison, Alex," dit Clark, aussi calme qu'elle. "Ne faites pas ça; pas pour l'honneur de Chris, pas pour celui de Nick et surtout pas pour le vôtre. Je n'ai jamais connu Chris, mais j'ai rencontré Nick, vous vous en souvenez ? L'impression que j'ai de lui est que c'était un homme bien, intéressé à aider les autres. Même ce qu'il a fait à Lois et à moi venait simplement du fait qu'il voulait aider les gens; il est simplement devenu... un peu obsédé, c'est tout. Je peux comprendre cela; Lois me dit toujours que je suis obsédé par des tas de choses..."

Malgré la situation tendue, Lois ne put résister à jeter un rapide regard à Clark, en souriant et en murmurant en un souffle, "Et c'est vrai, Cow-Boy," sachant qu'il pouvait l'entendre, que sa super oreille fonctionne ou non. Cependant Clark ne réagit pas, pour ne pas perdre le contact fragile qu'il avait le sentiment d'établir avec Alex.

"Et j'ai pu voir que Nick était comme ça, donc je *sais* qu'il ne voudrait pas que vous deveniez un meurtrier. Laissez Luthor *s'en aller*, Alex. Laissez la police et la Cour débattre de son cas, de la même manière qu'ils le font avec les autres criminels. Je veux le voir jugé pour ses actes tout autant que vous, mais le tuer *n'est pas* la bonne manière de le faire." Pendant un instant, Alex parut flancher, mais son expression se durcit visiblement et il appuya sèchement le revolver contre le palais de Luthor. "Non !" hurla-t-il. "N'importe qui, mais pas Luthor ! Il est mort une fois, vous vous en souvenez ? Et il est revenu. Il est allé en prison, mais il s'est échappé. Il a déjoué la justice *si* souvent... Je ne laisserai pas cela se reproduire !"

Personne ne l'avait remarqué, mais le numéro avec le revolver était autre chose qu'un numéro. Pendant que Luthor était distrait par la douleur, Alex avait fouillé dans une de ses poches et en avait sorti quelque chose de petit, de noir et de désagréable à regarder. Une grenade.

"J'y ai beaucoup réfléchi, depuis que j'ai décidé de ce que j'allais faire. Ce n'est pas suffisant de tuer le vilain Lex, pas plus que de lui enlever ce qui lui appartient et *ensuite* de le tuer. Non, il nous a déjà fait le coup et il y a trop de cinglés dans cette ville qui croient qu'il est… je ne sais pas... un *dieu* ou quelque chose comme ça. Des gens comme Gretchen Kelly, Miranda, Arianna Carlin, les Press... je ne sais pas comment de telles personnes ont pu être aussi stupides, mais *elles* l'ont été et il y en a encore beaucoup comme elles.

"Même si je le tuais et m'assurais qu'il ne puisse ressusciter -- disons en le coupant en morceaux -- qui sait si l'un d'eux n'essaierait pas de le *cloner* ? J'ai lu ces rapports que j'ai envoyés à Bernard Klein; ils ne pouvaient pas le faire il y a cinq ans, mais dans dix ans ? Je ne veux pas courir le risque. Je vais détruire toute trace de M. Lex Luthor sur cette Terre."

Il leva la grenade, puis la porta à sa bouche et tira la goupille avec ses dents. "Ceci..." dit-il à son auditoire, "...est une grenade thermique, un peu spéciale. Quand elle explose, la température est suffisamment élevée pour détruire toute trace d'ADN qui pourrait survivre à cette explosion. Elle a un temps de réaction de cinq secondes..."

Devant les regards horrifiés des policiers et des journalistes, Alex tira sur la goupille de la grenade et fit démarrer le compte à rebours à cinq secondes. Clark voulut se précipiter sur lui, mais Lois l'attrapa par le bras et tira aussi fort qu'elle le put. "Non, Clark !" cria-t-elle, "Non !" et Clark, pris par surprise, perdit l'équilibre à la ferme poigne de sa femme, trébucha et faillit tomber.

Pendant ce temps, Alex comptait doucement, "Un... Deux... Trois..." A 3, il pressa à nouveau la goupille, s'arrêtant de compter-- aussi longtemps qu'il tenait la grenade -- puis continua de s'adresser aux personnes se trouvant dans la pièce. "...il reste approximativement *deux* secondes. Je vous suggère de reculer, parce que je ne veux pas que quelqu'un, en particulier Miss Lane et M. Kent, soit blessé quand cet engin explosera."

"Et vous, Alex?" dit Lois. "Quand elle explosera, vous serez tué !"

"Je ne crois pas -- et si c'est le cas, ça importe peu. Maintenant *reculez-vous*, tous les deux ou je tue Luthor ici tout de suite et vous allez devoir courir le risque !"

"Faites ce qu'il vous dit, Lane," dit Henderson. "Vous aussi, Kent. Il a raison; vous ne pouvez rien faire pour l'arrêter, alors ne jouez pas au héros."

Lois et Clark échangèrent un regard, mais firent ce qu'on leur demandait. Sur ce, Lois s'éloigna des deux hommes, emportant avec elle un Clark angoissé. "Alex, *s'il vous plaît*," appela-t-il, "Ne faites pas ça ! Ne sacrifiez pas votre vie pour quelque chose d'aussi stérile que la vengeance !"

Alex ne l'écoutait pas. Il se mit un peu en retrait dans le couloir et poussa Lex contre le mur. "Il faut que je mette ça quelque part," grogna-t-il, brandissant la grenade, "et je connais l'endroit *idéal*."

Luthor pensait avoir vu toutes les profondeurs de la terreur et du désespoir qu'un humain puisse ressentir; mais il s'aperçut qu'il avait tort quand son geôlier enfouit la grenade dans son pantalon. Alex tenait toujours la goupille et il fallut à Luthor tous ses efforts pour se concentrer et garder la tête froide car la grenade se trouvait à quelques centimètres de son entrejambe.

"D'accord, il ne reste qu'une chose à faire : tu as reçu un message d'une personne que j'ai rencontrée -- l'aide dont j'ai parlé tout à l'heure. C'est quelqu'un d'intéressant; il vit dans le coin et il s'amuse beaucoup à te tendre des pièges, lui aussi. Parce qu'il te connaît, tu vois, et qu'il te déteste presque autant que moi -- peut-être même plus. Il voulait surtout que ce que je m'apprête à dire soit la dernière chose que tu entendes et je suis plus qu'heureux de le faire.

"Alors, au revoir, Lex... Jaxon te fait dire qu'il *te reverra en enfer* !"

On entendit un bruit ressemblant à un rire venant de quelque profondeur. Lex écarquilla les yeux de panique et Alex tira.

Le bruit de la détonation déclencha aussi pour la police le signal de tirer. Cela n'avait pour Alex aucune importance; il s'éloigna de Lex, paraissant ignorer la façon dont son corps tremblait quand les balles l'atteignirent. Puis il s'écroula... et la grenade explosa.

L'explosion se propagea dans le couloir et tout le monde se jeta par terre en se protégeant du mieux possible. L'alarme d'incendie retentit et les extincteurs automatiques se déclenchèrent, ajoutant à la panique. Les gicleurs étaient, naturellement, les meilleurs et les plus chers que l'on pouvait acheter; et quand les policiers trempés et étonnés -- ainsi que Lois et Clark -- se rassemblèrent, les oreilles martelées par l'alarme, ils se rendirent compte que le feu était presque éteint. Ils découvrirent également les restes carbonisés d'un homme, dont la tête avait une forme étrange -- et Alex, qui respirait encore.

La vue du "corps" -- il y avait peu d'expressions pour décrire ce qu'ils voyaient -- était horrible. Lois resta loin du cadavre et se couvrit la bouche et le nez avec un mouchoir, mais Clark et Henderson l'ignorèrent et se penchèrent sur Alex.

"Mon Dieu, il est encore en vie," s'exclama Henderson. "Pas pour longtemps, par contre. Il a des brûlures au troisième degré sur une grande partie du corps et quatre -- *cinq* blessures par balle." Il se retourna et cria à Shaw, "Appelez une ambulance!" Puis, d'une voix plus grave, "Ça ne changera pas grand-chose..."

"Je ne pense pas que ce soit important, Inspecteur," dit doucement Clark. "Regardez ça." Il releva les cheveux d'Alex et leur montra des écouteurs.

"Hé, qu'est-ce que c'est ?" demanda Lois. "Depuis quand porte-t-on un baladeur pour tuer quelqu'un ?"

"Ce n'est pas un baladeur, chérie. Par contre, je crois savoir ce que c'est. Tu ne te rappelles pas avoir déjà vu quelqu'un porter *ça* ?"

Clark leva le bras d'Alex et il retomba mollement, puis il fit les quelques gestes enseignés aux premiers secours -- Alex ne réagit pas; même ses réflexes involontaires étaient lents. Mais il était encore en vie, il respirait encore; il semblait juste qu'il n'y avait plus personne.

"Oh, mon Dieu... Il a les mêmes réactions que Jaxon quand il a fait sauter son ordinateur après nous avoir emprisonnés dans son monde virtuel ! Tu crois que..."

"Je ne sais pas, mais ça y ressemble beaucoup. Quand le Dr Klein arrivera, nous pourrons lui demander de le vérifier, mais je parierais que c'est un casque de réalité virtuelle."

"Et Alex... est allé rejoindre Jaxon ?"

Clark haussa les épaules et Henderson l'interrompit, "Ceci dit, pourriez-vous m'expliquer de quoi vous parlez ?"

Lois soupira. "C'est une longue histoire, Bill. Sortons d'ici et nous vous expliquerons tout ça."

Il n'y avait plus rien à faire pour les deux cadavres, et tous trois retournèrent dans le bureau. Lois et Clark s'enlacèrent, ayant besoin de ce contact pour oublier un peu les horreurs qu'ils venaient de voir. Henderson attendit patiemment, jusqu'à ce que, quelques instants plus tard, Clark dise, "C'était il y a trois ans environ, quand le salon de Réalité Virtuelle a ouvert..."

Les révélations sur Lex Luthor, son arrestation et sa mort se répandirent encore plus rapidement que ce à quoi on pouvait attendre des moyens de communications modernes. La première page du Daily Planet fut reprise par tous les médias du monde et les informations par téléphone, fax et Internet allaient si vite que les médias -- même les autres journaux ! -- voulaient en savoir davantage que le communiqué de presse émis par le bureau du Procureur et les articles exclusifs de Lane & Kent, qui semblaient les seuls à savoir ce qui s'était réellement passé. Ils n'arrivèrent à rien, inutile de le dire; Perry se fit un immense plaisir de dire à tous ces braves gens qu'ils allaient devoir attendre la prochaine édition -- et il leur rappela aussi que de tenter d'utiliser ou de copier le Planet sans une autorisation en règle se solderait par des poursuites.

C'est ainsi qu'une femme vivant sous le nom de Emma Saunders vint à lire les événements de Métropolis, en prenant son petit déjeuner, dans son nouvel appartement de San Diego. Elle lut aussi la disparition mystérieuse de la veuve de Luthor et cela la fit énormément réfléchir.

Devait-elle retourner là-bas ? Mais y retourner dans quel but ? Lex était mort, c'était une certitude -- du moins aussi sûr qu'on pouvait l'être en ce qui le concernait -- mais les luttes intestines légales et financières entourant la chute de la LexCorp allaient durer des années et il valait mieux qu'elle se tienne à l'écart de cette histoire.

Non, grâce à Alex, elle avait une nouvelle identité et suffisamment d'argent pour vivre très confortablement. Ce qui était arrivé à l'homme qui l'avait libérée était affreux tout comme ce qui était arrivé à ses frères, mais le mal était fait et la réapparition de l'épouse "disparue" de Lex n'apporterait rien de bon. Elle avait pu s'échapper de justesse de sa propre sottise et comptait bien tirer des leçons de cette expérience et *ne pas* retourner dans la fosse aux lions.

Beth Luthor n'existait plus et, avec un peu de chance, elle serait présumée morte pendant quelques années. "Emma Saunders" avait une vie confortable qui l'attendait et elle allait tenter de vivre cette vie le plus loin possible des embûches. Elle avait passé un moment sous les projecteurs et une fois suffisait.

Avant de lire les pages des nouvelles locales de son journal, Beth passa quelques instants à réfléchir aux trois personnes qui avaient été menacées par Lex. Lois et Clark avaient joué, elle le savait, un rôle clé dans la chute finale de Lex et elle les en remerciait. Elle souhaita également bonne chance à leur petite fille. Dans un certain sens, Laura était responsable de tout ce qui s'était passé durant cette dernière année ou presque; si Beth n'avait pas découvert le plan diabolique de Lex de l'enlever à ses parents, elle ne se serait jamais opposée, qu'importe si ses premiers pas avaient été quelque peu hésitants à l'époque. 'Que Dieu te bénisse, mon enfant,' pensa-t-elle. 'Pour moi et pour tes parents'. A cause de toi, j'ai perdu une vie de richesse et mon mari... mais j'ai pu conserver mon âme.'

"D'accord, Maman. C'est génial. On vous voit Papa et toi le 17. Au revoir."

Lois raccrocha le téléphone avec le sentiment de soulagement habituel qui accompagnait la fin d'une conversation téléphonique avec sa mère, mais elle était plus intéressée par le fait d'être arrivée au bout de sa liste. "Tout le monde a été prévenu," dit-elle à Clark, qui était dans la cuisine. "Et ils viennent *tous*", ajouta-t-elle avec surprise. "Ce sera la plus grande réception familiale Lane-Kent jamais organisée !"

"Ne sois pas aussi surprise," répondit Clark, qui venait d'entrer dans le salon, apportant deux verres de vin. "Tu t'attendais vraiment à ce que personne ne vienne au premier anniversaire de Laura ?"

"Eh bien, non... mais je *suis* surprise qu'ils puissent tous *venir*. Tes parents, mes parents, Perry et Alice, Jimmy et Penny, certains des enfants de la garderie et leurs parents... on va être nombreux. Même Lucy va venir -- *et* elle sait que Papa sera là !"

Clark ne dit rien et se contenta à peine de froncer les sourcils en s'asseyant sur le canapé à côté de Lois. Il sentit qu'il s'asseyait sur quelque chose et il se leva immédiatement et, après avoir posé les verres sur la table, il se mit à la recherche de ce que c'était.

C'était une petite enveloppe sur laquelle était écrit "M. et Mme Kent" d'une petite écriture d'autrefois. "Qu'est-ce que c'est ?" demanda Clark.

"Je ne sais pas," répondit Lois. "Comment est-ce que c'est arrivé *là* ? Oh, peu importe -- ouvre-la."

C'est ce que Clark fit, et il en sortit un petit mot de la même écriture soignée. "'Chers Lois et Clark,' lut-il, 'J'accepte avec grand plaisir votre invitation pour la réception que vous donnerez en l'honneur de l'anniversaire de votre fille le 17 août 1999. Bien à vous... H.G. Wells.'"

"Oh," dit Lois. "D'accord... un autre invité ne devrait pas poser de problème. J'aurais bien aimé que tu me dises que tu l'avais invité, par contre."

"Je ne l'ai pas invité, Lois -- je pensais que c'était *toi* qui l'avais fait."

"Moi ? Non. Alors, qui l'a fait ? Et quand ?"

Clark se tut un instant, puis sourit. "Je crois que *nous* l'avons fait, chérie; c'est seulement qu'on ne l'a pas encore fait. Il faudra qu'on lui demande quand on le verra à la réception."

"Oh," dit-elle à nouveau, en y réfléchissant. "Je suppose que tu as raison. C'est tellement étrange." Elle réfléchit encore quelques instants, puis son visage s'illumina. "Mais pratique. Il pourrait faire fortune en offrant un service de messagerie temporelle. 'Vous avez oublié un rendez-vous important ? Le jour d'anniversaire de votre femme ? De payer vos impôts ? Pas de problème -- laissez les Courriers Temporels Wells délivrer vos messages et vous ne serez plus jamais en retard !' Hé, tu crois que je pourrais avoir un pourcentage sur les bénéfices pour avoir eu cette idée ?"

Clark sourit. "Peut-être. Mais je ne pense pas. Il n'y a pas d'argent à Utopia, alors je suppose que les 'bénéfices' n'ont pas la même valeur que chez nous."

"Oh, eh bien... c'était juste une idée." Elle fit un petit signe à son mari. "Viens ici et assieds-toi. Je suis *crevée* et je veux un mari confortable sur lequel m'étendre."

Clark était heureux de cette proposition et Lois fut rapidement étendue sur le canapé, la tête posée sur son épaule. "Oui," dit Clark en buvant une gorgée de vin, "On a eu deux sacrées journées, n'est-ce pas ?"

"En effet," acquiesça Lois. Rédiger un article complet sur la chute de Luthor (c'était au moins du matériel pour un Kerth et Lois envisageait sérieusement un Pulitzer et/ou un prix Nobel), faire leurs dépositions à la police et au FBI, aider d'autres journalistes à chercher de possibles ramifications (Donna avait dit que les marchés financiers s'arrachaient les cheveux à cette nouvelle et que le Conseil Municipal était en session extraordinaire), rendre visite à leurs collègues blessés à l'hôpital (Ralph était hors de danger et conscient, il était encore très faible, mais il avait un perpétuel sourire et tentait sa chance auprès des infirmières du service des soins intensifs) *et* faire les choses quotidiennes comme élever une petite fille de presque un an, avaient vidé les deux journalistes et ils étaient exténués.

Perry, plus que fier de la façon dont sa salle de rédaction avait réagi à l'attaque, avait remarqué que tout allait bien et, après avoir vérifié les derniers articles écrits par "Lane & Kent", ils les avait jetés dehors, en leur disant qu'il ne voulait pas les voir jusqu'au lundi suivant, et Lois et Clark n'avaient pas discuté. Ils n'avaient pas non plus remarqué son sourire quand ils étaient partis; il travaillait dur lui aussi, mais là il avait la meilleure des raisons de ne pas exagérer, et il voulait bien être pendu s'il laissait quelqu'un d'autre que lui faire le boulot -- et surtout pas "la meilleure équipe de journalistes de la ville".

Lois posa son verre et s'étira. "Ohhhhh.... c'est beaucoup mieux. Je me réjouis *tellement* des deux jours qui vont venir."

"Oui... moi aussi. Ce sera génial -- juste toi et moi et Laura. Quel bonheur."

Lois fronça les sourcils "Pas Superman ? Comment te sens-tu ?"

"Très bien, en vérité. Mes pouvoirs reviennent peu à peu -- plus rapidement qu'à la Fête du Maïs, mais c'est ce que je pensais, parce que je les ai perdus graduellement -- mais ça prendra encore un bout de temps. Je peux tout faire, même voler; je suis simplement moins rapide et moins fort que d'habitude, alors à moins d'une *réelle* urgence -- comme des inondations au Bangladesh ou quelque chose comme ça -- je vais rester ici et me reposer. Laisse-moi quelques jours et Superman reviendra avec toute sa force -- à mon avis en même temps que notre retour au travail."

"Mmm.... je ne suis pas pressée. C'est tellement agréable de t'avoir dans les parages, en sachant qu'il n'y a aucune chance que tu disparaisses. Je pourrais m'y habituer, tu sais..." Sa voix était calme et détendue, presque endormie et elle se sentait très, très bien.

"Oui," dit-il en plaisantant, "mais c'est aussi ce que tu disais sur le fait de dormir au plafond."

"C'est vrai... oh, alors, je suppose que les bons côtés compensent les mauvais. Aussi longtemps que tu reviens..."

"Tu me connais, Lois. Je reviens *toujours*."

"Alors tu..."

Il se pencha vers elle pour l'embrasser doucement. Un baiser qui se prolongea en d'autres baisers, certains doux et langoureux, d'autres plus forts. Finalement, ils se détendirent et se réjouirent d'être ensemble dans un paisible silence.

Lois se sentit dériver dans un endroit chaud et merveilleusement confortable, loin du monde quotidien; elle ne savait pas exactement où, mais Clark était là et c'était tout ce qui importait. Elle aurait été ravie de rester là avec lui pour toujours -- du moins jusqu'à ce qu'elle ressente le besoin de bouger -- mais son esprit, toujours en action, ne la laissa pas se détendre complètement. Libres de toute contrainte, ses pensées défilèrent au hasard, s'arrêtant finalement sur un sujet -- une question -- qui l'agaçait depuis un certain temps. Elle s'en voulait un peu de ne pas se laisser aller à se détendre et d'apprécier la compagnie de Clark, mais puisqu'elle ne le pouvait pas, elle devait admettre que c'était le bon moment de poser cette question.

"Chéri.." murmura-t-elle, "Est-ce que je peux te demander quelque chose ?"

"Bien sûr, de quoi s'agit-il ?"

Elle s'éloigna de lui et le regarda, les yeux sombres et troublés. "Clark..." dit-elle, en s'interrompant, ne voulant pas déranger leur rare moment de paix, mais ayant besoin d'apaiser ses tourments, "Est-ce que tu pensais... est-ce que tu pensais vraiment ce que tu disais à Lex à propos... à propos de te moquer que le monde sache que tu es Superman ? Je veux dire, j'ai entendu ce que tu as dit , et je comprends que tu voulais que Lex arrête de te menacer de parler de ton secret -- et t'entendre dire cela a certainement réduit l'ardeur avec laquelle il te harcelait -- et je sais que tu avais raison, qu'ensemble on peut survivre à tout..."

Sa voix, qui était progressivement montée d'un cran, tant en volume qu'en débit (sans parler de nervosité) jusqu'à devenir un balbutiement signé Lane, mourut soudain quand elle réalisa ce qu'elle faisait. "Mais... mais maintenant qu'il n'est plus là..." sa voix reprit un ton normal -- mais toujours hésitant -- " pensais-tu *réellement* ce que tu disais ?"

Clark n'était pas sûr de comprendre ce que cela cachait, mais il savait que ce devait être important, puisqu'elle le lui avait demandé. Alors il prit son temps avant de répondre, tout d'abord en tournant doucement mais fermement Lois dans une position plus confortable sur le canapé, sans jamais la quitter des yeux. Son sérieux rassura Lois d'une certaine manière avant même qu'il ne commence à parler.

"Oui, chérie, je le pensais réellement. Je ne veux pas que le monde apprenne mon secret -- *notre* secret -- mais si quelque chose arrivait et que ce secret soit connu, nous n'aurions pas d'autre choix que de faire avec. Ce que je *sais* que nous pouvons faire, parce que je l'ai *vu*. J'ai vu le monde de l'autre Clark et sa vie, et il est heureux -- maintenant qu'il a trouvé sa Lois, il est enfin heureux. Et elle aussi. S'ils peuvent le faire, nous pouvons le faire nous aussi. Nous pouvons *tout* faire -- tant que nous sommes ensemble.

"C'est ce que Luthor n'a jamais compris," souffla-t-il, la tenant tout près de lui. "Toutes ces années, tous ses complots pour discréditer ou tuer Superman -- il n'a jamais su contre qui il se battait. Il passait son temps à m'attaquer ou encore à te contrôler... et a complètement manqué la cible à cause de cela.

"Superman est plus que moi tout seul; il l'a toujours été, dès le départ. Oh, j'ai les pouvoirs -- mais je n'ai pas à moi seul l'intelligence, et encore moins la moitié du cœur."

"Oh, je ne dirais pas ça..." soupira Lois en plaisantant -- mais aussi sans plaisanter. Aussi flatteur que ce soit de se voir attribuer le mérite de ce que Clark avait fait sous son autre identité, elle n'aimait pas l'entendre se rabaisser, et surtout pas quand cela concernait son "cœur". Elle savait, au plus profond de son âme, qu'elle n'aurait pas pu lui apporter l'aide et le support dont il avait besoin s'il ne l'avait pas inspirée à le faire. Sans l'exemple, sans la compassion, le support… oui, *l'amour*... qu'il avait montrés -- qui *émanaient* de lui, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés, elle savait que cette personne cynique, irréfléchie et bourreau de travail qu'était Lane l'Enragée, n'aurait pu trouver la force d'être son support, de lui donner les encouragements dont il avait besoin.

Et il avait donc fait surgir les qualités qu'il cherchait en *elle*, mais qui n'auraient pas été là ou n'auraient pas pu ressortir, s'il ne l'avait pas fait. Et il avait puisé sa force de ces qualités pour pouvoir continuer de les inspirer. C'était comme une... une partie de Ping-Pong, la "balle" étant l'aliment... émotionnel qui faisait le lien de Clark à Lois et de Lois à Clark.…

Elle rit à cette pensée -- *c'était* là une métaphore des plus étranges -- et elle resserra son étreinte autour de lui. Il lui répondit et posa un baiser sur ses cheveux, mais sans rien dire de plus, visiblement heureux de la tenir simplement contre lui. Sa réponse convenait à Lois, parce qu'elle voulait y réfléchir. Ce n'était pas seulement le "cœur" qu'ils échangeaient ; Clark ne pensait peut-être pas avoir toute l'intelligence -- eh bien, c'était très gentil et typique à lui de le reconnaître -- mais si les six dernières années avaient pu prouver quelque chose, c'était que Lois avait toujours été, et était toujours, une des meilleures journalistes d'investigation qui puisse exister et Clark Kent était presque aussi bon (pas autant, mais *presque*), et ensemble, "Lane & Kent" n'avaient pas d'égal.

Avant même de commencer à l'apprécier, avant même de l'aimer, Lois aimait bien travailler avec Clark. Ils... se stimulaient l'un l'autre et, si lors de leurs premières rencontres, ces étincelles étaient déplaisantes (pour sa part, en tout cas), beaucoup d'autres avaient apporté la lumière grâce à laquelle elle avait fini par voir qu'ils formaient une équipe du tonnerre -- une fois qu'elle avait fait l'effort de le voir.

Et une fois cet effort accompli, elle avait cherché encore plus loin pour découvrir l'homme véritable se cachant derrière ses lunettes et ses cravates étranges *et* le collant tape-à-l'œil... et ce qu'elle avait découvert était plus que ce qu'elle pensait pouvoir trouver chez quelqu'un, encore moins chez un homme. Et il avait découvert en elle autant de choses (c'est ce qu'il disait); elle ne le croyait pas vraiment, mais c'était un argument qu'elle n'avait jamais pu contredire -- et elle ne le voulait pas vraiment.

Elle se souvenait de la personne qu'elle était avant de rencontrer Clark et elle se dit que cette Lois Lane serait très étonnée de voir son avenir. Qui aurait pensé -- ou même *cru* -- à ce qui allait arriver ? Lois était pleine d'espoir; la route pour y parvenir avait été longue et périlleuse, mais ça en valait la peine. Elle avait encore quelques regrets et certaines choses étaient encore difficiles lorsqu'elles lui revenaient en mémoire, mais elle le referait, sachant que le résultat serait le même -- qu'elle se retrouverait finalement ici, avec cet homme, son amour et leur fille (et la promesse d'avoir d'autres enfants; après tout, M. Wells n'avait-il pas dit qu'Utopia avait été fondée par leurs descendant*s* ?).

Mais pour le moment, le passé et l'avenir importaient peu. Tout ce qui était important était *le présent*, d'être ici avec Clark. Lois se sentit soudain sur le point de pleurer et elle s'avança pour embrasser Clark. Il allait lui demander ce qui n'allait pas, mais le baiser se prolongea et il oublia ce qu'il voulait dire, tout comme elle oublia qu'elle allait presque pleurer, leur amour et ce qu'il signifiait se déversant dans ce baiser chassant leurs pensées et leurs inquiétudes.

Leurs bouches se séparèrent finalement, mais pas pour longtemps et la seconde vague de baisers fut plus passionnée que la première. Ils envisageaient tous deux sérieusement de se retirer dans leur chambre, quand une petite plainte flotta jusqu'au rez-de-chaussée. "Oups..." dit doucement Lois. "L'appel d'un dîner tardif -- et peut-être aussi une histoire de couche. J'y vais."

"Non," dit Clark, se levant et lui tendant la main, "*Nous* y allons. Ensemble."

Lois se leva avec son aide et passa un bras autour de sa taille. Ils se regardèrent dans les yeux et se dirigèrent lentement vers l'escalier, puis Clark entoura Lois de ses bras et le couple quitta lentement le sol et flotta vers le premier étage. Et le seul mot que l'on pouvait entendre était le plus doux des murmures venant de Lois: "Ensemble..."

FIN

[NOTE DE L'AUTEUR : Si quelqu'un se demande qui est Miyamoto Musashi, la plus simple des explications est de dire que c'était un célèbre homme d'armes japonais, un peintre et un auteur de la première partie du 17ème siècle. Ses livres "Les Trente-Cinq Articles sur l'Art de Manier l'Épée" et "Le traité des Cinq Anneaux" ont fait école dans le développement de la philosophie martiale japonaise. Son nom est probablement plus connu aujourd'hui pour avoir été donné au navire de défense Yamato, le deuxième de la Marine Royale Japonaise, le plus grand et le plus armé jamais construit.

Et enfin, cet épisode doit paraître sur le site Web de la S6 le 26 septembre 1999 -- qui aurait dû être le jour du 88ème anniversaire de mon père. J'aimerais lui dédier cet épisode, ainsi qu'à ma mère. Mes parents n'étaient pas des fermiers (même si Papa travaillait dans une ferme quand il a émigré en Australie à l'âge de 17 ans), mais ils étaient *mes* Jonathan et Martha et je connais la chance de Clark d'avoir été trouvé par les Kent. Et, tout comme Clark, j'ai l'impression que si je peux être à moitié aussi bon père pour mes enfants que mon père l'a été pour moi, alors j'aurai fait mon devoir.

Joyeux Anniversaire, Papa.

Phil]

Les personnages de cet épisode sont la propriété de DC Comics, December 3rd Production et Warner Brothers. Aucun non respect des droits n'est délibéré de la part de l'auteur ou du Season 6 group, toutefois, les idées exprimées dans cet épisode sont la propriété des auteurs © 1999.