
Saison 6, Episode 9
Deuxîème partie
Écrit par Sheila Harper
Version française de
Épisode 9 : Walk In My Shoes
Traduction Hypérion

ACTE 3
"Salut chéri."
Clark se retourna en sursautant, se demandant à qui parlait le Clark de l'univers parallèle, pour finir par se cogner le nez contre la joue de Lois comme elle se penchait pour l'embrasser. "Oh." Ses yeux larmoyèrent et il se frotta le nez.
"Désolée," murmura Lois. "Ça fait mal, n'est-ce pas ?"
"Oui. C'est -- je n'aurais jamais cru--" Il hocha la tête, essayant d'ignorer sa faiblesse. "Quoi qu'il en soit j'ai des tas de choses à te dire."
"Moi aussi," lui dit-elle. "Et si nous allions dans la salle de conférence ?"
L'un des avantages de faire partie des employés les plus importants était de pouvoir se rendre dans la salle de conférence à n'importe quel moment. Une fois la porte fermée, Clark poursuivit, "Pendant que tu étais partie, j'ai téléphoné à Gendell. Trifyllis lui a fait hier une démonstration de son 'rayon conducteur', que Gendell dit transférer des informations d'un esprit à un autre. Ce serait une trop grande coïncidence que quelqu'un d'autre se soit trouvé dans son laboratoire à se servir d'un équipement ayant ce genre d'effets, aussi je pense que nous avons l'identité de notre assaillant."
"Bien, parce que je crois que j'ai trouvé le mobile." Lois posa sur la table la copie de deux portraits-robots.
"Qui--?" Il s'interrompit et regarda les croquis plus attentivement. "On dirait presque…"
"Nous. Oui, je sais. Ce sont les gens que Nick a vus quitter la maison de son frère avant de découvrir le corps."
"Alors il nous a vus dans son laboratoire et, quoi ? Il a paniqué et s'est servi sur nous de son appareil ?" avança Clark.
Lois haussa les épaules et acquiesça. "Je pense qu'il se cache de ces deux-là."
Il regarda les croquis. "Aussi longtemps qu'il ne fera pas partie des méchants, il pourra accepter de nous retransférer."
"*Si* nous pouvons le trouver et *si* nous arrivons à nous approcher suffisamment de lui pour le convaincre que nous ne sommes pas les assassins de son frère."
Clark sourit et lui caressa la main. "On va y arriver. J'ai foi en notre capacité d'enquêteurs. En parlant de ça, comment s'est déroulée l'enquête sur l'avion ?"
"Tu avais raison à propos de l'odeur et du résidu, mais l'analyse de l'huile n'a rien donné. Aussi j'ai porté un autre échantillon au Dr Klein et lui ai décrit l'odeur." Elle posa la main sur sa hanche et pencha la tête pour lui jeter un regard entendu. "C'était *bien* ce que tu voulais que je fasse, n'est-ce pas ?"
Il sourit. "Je t'avais bien dit que tu ferais ce qu'il fallait faire. T'ai-je déjà dit à quel point j'étais heureux que Perry nous ait associés ?
"Pas depuis 48 heures. Je commençais à être en manque," lui dit-elle en plaisantant.
Il se mit à rire. "Ce n'est pas de ce manque dont tu souffres. C'est--" Il se pencha et lui murmura la description de la privation dont souffrait son corps.
La porte s'ouvrit en grand. "Il vaudrait mieux que ce soit une mise au point sur les articles que je vous ai confiés et pas juste 'des petits riens murmurés' à l'oreille de votre partenaire," gronda Perry.
Lois et Clark sursautèrent, Clark sentant le rouge lui monter aux joues. "Je-- j'étais-- enfin," bégaya-t-il. "J'étais en train de dire à Lo-- *Clark*--" il se glaça devant ce lapsus et bredouilla. "que-- que j'avais appelé Owen Preece-- c'est le patron de la victime-- et il-- et il a dit qu'il avait le temps de nous parler."
"Alors on s'apprêtait à y aller tout de suite," ajouta Lois, sans se démonter.
Perry fronça les sourcils. "Non, vous n'y allez pas." Comme Lois ouvrait la bouche, il leva la main en un geste interrompant ses protestations avant même qu'elles ne soient formulées. "Clark je n'ai pas eu la suite de votre article sur le crash de cet avion que Superman a évité, et je veux cet article sur mon bureau dans--" il jeta un coup d'œil à sa montre-- "vingt-deux minutes." Il se détourna de Lois, mais comme elle ne bougeait pas, il se retourna vers elle et demanda, "Qu'est-ce que vous attendez ? Occupez-vous en."
En sortant de la salle de conférence, elle se redressa de toute sa hauteur avec indignation et frustration, Perry regarda Clark et poursuivit, "Et qu'est-ce que vous faites encore assise ici ? Vous n'avez pas un informateur à interroger ?"
Clark était déjà à l'ascenseur le temps de s'apercevoir qu'il avait laissé le sac à main de Lois dans son bureau et il dut se précipiter pour le récupérer sous le regard inquisiteur de Perry. "A plus tard, chérie," parvint-il à dire en passant à toute vitesse devant Lois qui lui fit un petit signe et se remit à taper. Dans l'ascenseur, il se demanda s'il avait le temps de s'arrêter à la garderie pour rendre visite à Laura. Mais en voyant Perry tourner dans la salle de rédaction comme un lion victime d'un mal de dents, il décida de ne pas le faire. Après le numéro que Lois et lui avaient fait pendant la réunion, il valait mieux ne pas s'y risquer.

"Mort ? Chris est mort ?" répéta Owen Preece incrédule.
Le bureau du directeur de l'informatique était couvert de piles de dossiers, de journaux et de disquettes, et Clark se pencha sur le côté pour voir derrière tout ce bazar. "Oui, il a été assassiné à son domicile hier après-midi. Savez-vous ce qu'il faisait là-bas à cette heure de la journée ?"
Preece ne semblait pas l'avoir entendu. "J'ai cru qu'il était malade ou peut-être qu'il avait trouvé un autre boulot, mais…" Il hocha la tête et regarda Clark. "Je suis désolé. Que disiez-vous ?"
"Qu'il a été tué à son domicile au milieu de l'après-midi. Alors savez-vous ce qu'il faisait là-bas ?" redit Clark patiemment. Il avait déjà vu de nombreuses fois ce genre de réaction à l'annonce d'une mort soudaine ou d'autres désastres.
"Au mil-- ? Oh, oui il travaille -- travaillait -- tard, et prend sa pose déjeuner en milieu d'après-midi, et il aime rentrer chez lui pour manger. C'est un introverti -- la plupart de nos ingénieurs informaticiens et programmeurs le sont -- et être tout le temps avec des gens le fatigue," Preece bredouillait sans s'apercevoir qu'il parlait toujours de Chris au présent.
Les années passées à travailler et à vivre avec une bavarde comme Lois avaient appris à Clark à regarder derrière le flot de paroles, et il se dit que l'homme débitait les mots pour masquer une réflexion sérieuse. "M. Trifyllis avait-il un problème ?"
"Un problème ? Que voulez-vous dire ? Comme le jeu ou autre chose ?"
Clark acquiesça. "Ou un problème au travail."
Preece se mordit la lèvre. "Mme Lane, vous -- vous autres reporters protégez vos informateurs, n'est-ce pas ? Même en allant en prison plutôt que de révéler qui ils sont ?"
Clark se pencha en avant. "Plus d'une fois."
Preece prit une profonde inspiration et se redressa comme s'il venait de prendre une décision. "J'ai quelque chose que Chris a écrit la veille de… de sa mort. Mais avant que je vous laisse regarder ces lettres, vous devez me promettre de ne pas les publier ou de dire à quiconque de qui vous les tenez."
"Je vous le promets," dit Clark sérieusement.
"Non, je ne plaisante pas. Je suis la seule personne qui ait pu les avoir et je suis un homme mort si ça s'ébruite." Une goutte de sueur coula sur le visage de Preece.
"M. Preece, Lois--" il allait dire 'et moi', mais il se reprit à temps et poursuivit habilement," --Lane est allée plusieurs fois en prison pour protéger ses sources. Si je vous dis que mon partenaire et moi ne publierons pas vos lettres et ne dirons à personne où nous les avons eues, vous pouvez y compter."
Le directeur de l'informatique hésita encore. "D'accord," dit-il enfin et, prenant avec précaution une pile de papiers, il en sortit deux feuilles et les tendit à Clark qui les prit sans les regarder.
"M. Preece, si c'est trop dangereux pour vous, pourquoi me montrez-vous ceci ?"
Preece regarda ses mains crispées et sa gorge se serra. "Je crois que j'ai dit quelque chose à quelqu'un et c'est ce qui a tué Chris… et je… ne peux pas vivre avec ça."
"Pourquoi n'allez-vous pas à la police ?" demanda Clark.
"Parce que je veux vivre plus longtemps que le temps de sortir du poste de police." Il prit une profonde inspiration. "Allez-y, lisez."
Clark les parcourut rapidement, puis les lut plus lentement et leva la tête, le regard interrogateur. "Je ne suis pas certaine de comprendre la signifi--"
Preece le coupa. "L'un des assistants de Lex Luthor est venu hier juste avant mon départ, a fouillé le bureau de Chris et m'a demandé de regarder dans les fichiers de son ordinateur -- les enregistrements de toutes ses activités. Il a pris ces deux lettres.
Quelques heures plus tard, Chris était assassiné. "Savez-vous à quels fichiers M. Trifyllis faisait allusion ?"
"A des fichiers concernant un vieux projet scientifique de la LexCorp. Quelqu'un a piraté le système en automne dernier et M. Luthor m'a demandé de charger le meilleur de mes hommes -- Chris -- de mettre en place et d'assurer la maintenance de protections pour sécuriser le programme."
Piraté en automne dernier ? Clark s'arrêta un instant de respirer. Ce n'était sûrement pas les mêmes fichiers que ceux que Jimmy et lui avaient copiés en s'introduisant dans le système de la LexCorp en automne dernier. "Un projet scientifique ? Vous voulez dire, comme ce vieux projet de clonage qui a créé tant de problèmes à Luthor ?"
"Peut-être. Je ne sais pas. Ils étaient cryptés la première fois que je les ai vus." Une autre goutte de sueur glissa le long de sa joue.
"Vraiment ?" dit doucement Clark, ses yeux bruns suivant la trace de la goutte de sueur. "Depuis combien de temps êtes-vous à la LexCorp, M. Preece ?"
"Huit ans. Mais je ne suis Directeur de l'Informatique," expliqua-t-il en aparté "que depuis deux ans."
"Et ces fichiers étaient déjà cryptés alors ?"
"Oh oui -- eh bien, je ne sais pas exactement s'ils l'étaient quand j'ai été embauché, mais, quand je suis venu travailler au service informatique, oui, ils l'étaient." Il était un peu trop enthousiaste, presque soulagé de la direction que la dernière question avait prise.
Clark l'examina quelques instants. "Avez-vous la clé des codes, M. Preece ?"
Preece se figea. "Au deuxième échelon, oui. J'ai eu les dossiers codés par Chris après que quelqu'un se soit introduit dans le système. Mais mon prédécesseur ne m'a pas donné la clé des originaux."
"Vous êtes à la tête de la Division Informatique et Technologique de la LexCorp et *vous* ne les avez pas ?" dit Clark sceptique, bien qu'il ressortait des mots de Preece une indubitable vérité. Il se repassa la dernière déclaration de l'homme : 'Mon prédécesseur ne m'a pas donné la clé.' Il y avait là deux possibilités. "Alors, où l'avez-vous trouvée ?"
Preece s'apprêtait à répondre mais sa bouche se ferma. Clark dissimula le triomphe qu'il ressentait et ferma son bloc-notes, le rangeant dans le porte-documents que Lois portait toujours. A tout autre moment, il aurait suivi ce lien menant à Lex avec cette sorte de ténacité de bulldog qui avait fait la célébrité de Lane et Kent, mais pour l'instant, cela devrait attendre que Lois et lui retrouvent Nick Trifyllis et reprennent leur corps. Mais après cela… <Je te tiens, Lex>. "Merci, M. Preece. Je garderai ses papiers et cette interview confidentiels."

"A ton avis, qui est cet Alex ou Alexios ?" demanda Lois, relisant les deux courtes lettres pour la douzième fois.
Clark hocha la tête. "Un ami ? Une relation ? Un copain mordu d'informatique ? C'est un diminutif avec une racine grecque -- comme Nick et Chris," ajouta-t-il devant sa mine étonnée, "mais, je ne sais pas si ça veut dire quelque chose car Alex est un prénom très utilisé dans beaucoup de langues."
Alertée par sa super oreille, Lois se leva et ouvrit la porte de la salle de conférence. "Jimmy a peut-être trouvé quelque chose."
"Hé, merci, CK," dit Jimmy, portant un paquet de dossiers et de papiers qu'il posa sur la table de la salle de conférence. "Bon voilà, les amis. Tout ce que j'ai pu trouver sur Trifyllis, Trifyllis et Trifyllis, *y* compris la copie d'un mémoire et la retranscription d'un procès," ajouta-t-il en souriant.
Lois et Clark ouvrirent la bouche en même temps. "Un procès--? *Et* Trifyllis ?"
Le jeune homme faisant office de photographe et futur reporter continua de sourire. "Amusez-vous." Il referma la porte de conférence derrière lui.
"D'accord, un de ces types a un dossier criminel," marmonna Lois, plongeant dans la pile en dispersant les papiers.
Clark les prit et les empila, tandis qu'elle les mettait sur le côté, en regardant chacun d'eux pendant qu'il les rangeait. "Et il se pourrait bien que notre mystérieux Alexios soit peut-être le frère des deux autres, après tout."
"Ah-hah !" cria-t-elle triomphante. "Alexander Trifyllis contre la Société Nano Ware." Elle tourna les pages de plus en plus vite tout en les lisant, jusqu'à ce qu'elle les ait toutes ouvertes. Elle releva la tête en haletant. "Wow, quelle dextérité tu dois avoir, chéri."
Clark sourit légèrement et continua de lire. "Oui, c'est parfois utile."
"Et tu as raison. Alex, Nick et Chris sont frères. Ils ont témoigné à son procès."
"On dirait que ça ne l'a pas beaucoup aidé. Il a quand même été bouclé aux frais des contribuables," ajouta Clark en lisant l'une des pages que Lois avait laissée.
Lois se pencha sur lui pour lire par-dessus son épaule. "Il est déjà dehors ?" dit-elle avec surprise. "Je pensais que Fences l'aurait fait enfermer à vie pour avoir saboté ses ordinateurs."
"Regarde la date. On avait déjà dévoilé l'affaire de chantage de Fences."
Elle acquiesça. "Et il avait déjà assez de problèmes de son côté. Qu'est-ce que tu cherches ?"
"Sa dernière adresse connue. Ou un contrôleur judiciaire."
"D'accord." Elle se leva, ferma les stores et quand elle se retourna les papiers volèrent dans tous les sens et se retrouvèrent proprement empilés. En souriant d'un air satisfait, Lois agita deux feuilles de papier. "Adresse et numéro de téléphone d'Alex Trifyllis et de son contrôleur judiciaire."
"Frimeuse," marmonna Clark, mais il rit devant son plaisir évident. "Tu t'es bien amusée ?" demanda-t-il.
Elle s'affala sur la chaise à côté de lui. "Honnêtement, chéri, je ne sais pas comment tu arrives à te retenir. Tu peux faire… tellement de choses."
Il acquiesça d'un petit signe de tête. "Habitude. Expérience. Et presque quinze ans passés à essayer d'être normal." Il prit les documents qu'elle avait sélectionnés.
"Tu veux toujours être normal ?" demanda-t-elle doucement, posant sa main sur la sienne.
"Non. Pour l'instant, je voudrais être à nouveau moi-même." Il sourit d'un air taquin, décrocha le téléphone et composa un numéro longue distance. "Tu es trop petite. Je suis obligé de me mettre sur la pointe des pieds pour attraper quelque chose."
Lois levait les yeux au ciel quand un petit coup timide frappé à la porte fut suivi quelques instants plus tard par Courtney, une jeune assistante de vingt et un an employée au service recherches, qui avança dans la salle de conférence avec une pile de papiers.
"C'était rapide," dit Clark en écoutant le message enregistré de la compagnie de téléphone. Il raccrocha et hocha la tête vers Lois en marmonnant, "Coupé."
"Merci," dit la jeune fille timidement en regardant "Lois" avec dans les yeux une adoration envers un héros.
Lois et Clark échangèrent des regards amusés. Pour une fois une femme portait son attention sur Lois au lieu de Clark, mais c'était toujours lui qui était visé. "Qu'est-ce que vous avez pour nous ?" demanda Lois.
Courtney fut troublée par la question de son séduisant héros de mari et elle fouilla dans ses dossiers; "Oh, c'est la liste des passagers et -- et la liste des offres de rachat et des avocats contre le constructeur et la compagnie." Elle sortit un autre dossier et se retourna vers "Lois". "J'ai aussi trouvé une liste de personnes pouvant avoir les connaissances techniques pour faire quelque chose ressemblant à ce que vous avez décrit, Mlle Lane." Elle baissa les yeux, hésita, puis poursuivit. "Jimmy Olsen m'a aidé à la comparer aux criminels connus et aux gens qui avaient accès à l'avion." Elle agissait comme si elle était embarrassée d'avoir été aidée.
"C'est très bien," lui dit Clark en lui prenant des mains la pile de dossiers. "Jimmy est le meilleur pour ce genre de recherches et travailler en équipe avec le meilleur--" Il regarda derrière elle et croisa le regard brûlant de Lois--" est une excellente façon d'apprendre les ficelles.

"Il n'y avait personne là-bas, M. Luthor," dit Enrico O'Reilly en s'affaissant dans le fauteuil face au bureau de Lex.
Lex leva les yeux de l'écran qu'il était en train d'étudier. "Là-bas ?"
"A son laboratoire. Ce scientifique avec la pierre. Le docteur Trife-machin ou 'quelque chose comme ça'." Devant la soudaine attention de Lex, O'Reilly poursuivit. "Vous savez, le frère de ce malade de l'informatique que vous m'avez demandé d'éliminer. Il n'a pas été là-bas de la journée et il n'est pas chez lui non plus."
Les pièces commençaient soudain à s'imbriquer. "Trifyllis ? demanda Lex posément. "Est-ce que c'est ça que vous essayez de me dire ? Dr Trifyllis ? C'est le frère de Chris Trifyllis ?"
"Oui, bien sûr. En tout cas il a le même nom, et c'est au même endroit que je suis allé quand j'ai trouvé les disquettes du frère informaticien. A moins qu'Asabi ne m'ait donné la mauvaise adresse. Alors que voulez-vous que je fasse maintenant ?"
Lex fronça les sourcils. "Rien… pour le moment. Je vous le ferai savoir plus tard." O'Reilly sortit et Lex regarda son écran les yeux dans le vague. Asabi n'avait jamais mentionné le nom de son petit protégé… Bon sang ! Il pouvait difficilement offrir une situation à un Trifyllis à la LexCorp quand cet homme avait vu son assistant quitter la scène du crime d'un autre Trifyllis.
Lex se jeta en arrière dans son fauteuil. Non seulement le Dr Trifyllis avait la pierre Zelig, mais vu les fameuses lettres qu'Enrico avait dénichées, il avait probablement les disquettes codées du fichier sur le clonage que son frère avait volées *et* il pouvait peut-être bien relier Lex au meurtre à travers Enrico. Le milliardaire grinça des dents. S'il n'avait pas été sûr de son assistant -- pas seulement qu'il n'était pas le saboteur, mais aussi qu'il ramènerait ce nouveau Trifyllis indemne -- il aurait envoyé Enrico après lui. Mais il ne faisait pas confiance à son homme de main pour obéir à ses ordres quand son intérêt personnel était en jeu, il devait donc trouver quelqu'un d'autre. Il se tourna à nouveau vers son écran et fit défiler une liste d'employés; puis il décrocha le téléphone.

"Sa ligne a été coupée ?" demanda Lois.
Clark acquiesça en composant un autre numéro. "Je vais essayer son contrôleur judiciaire," dit-il.
Lois hocha la tête, puis se retourna et radiographia les documents que Courtney avait apportés, en lisant les pages aussi vite qu'elle pouvait les tourner. L'enthousiasme de Clark, "Oui ? Comment dites-vous?" attira son attention et elle se pencha pour lire l'adresse qu'il écrivait.
"C'est dans l'état de New York," dit-elle. "C'est à cinq ou six heures de route. Est-ce qu'il a un numéro de téléphone ?"
Clark hocha la tête, essayant de la faire taire pour terminer sa conversation, et Lois attendit impatiemment en prenant en super vitesse des notes sur les dossiers qu'elle lisait. A son "Au revoir," elle laissa tomber ses recherches. "Est-ce qu'il a un numéro de téléphone ?" demanda-t-elle à nouveau.
"Non. Mais j'ai son adresse actuelle, et il faut qu'on s'arrange avec Perry pour avoir le temps d'aller demain--" commença-t-il quand un whoosh l'interrompit, faisant voler ses cheveux. La porte de la salle de conférence s'ouvrit en claquant et, dans la salle de rédaction, il entendit les jurons et les prières de quelqu'un disant "Fermez la fenêtre !" tandis que les gens essayaient de ramasser les papiers qui s'étaient envolés des bureaux.
Abandonnant ses notes, Clark se précipita vers la radio de la police et écouta les appels d'urgence. Au milieu des codes habituels, il retint une adresse et son cœur se serra en reconnaissant le code d'urgence qu'utilisaient les expéditeurs. Il se dirigea vers l'ascenseur, se souvint que les clés de la Jeep se trouvaient dans le sac de Lois, et retourna vers son bureau.
"Sapristi !" Perry sortit de son bureau et regarda le bazar d'un air écœuré. Au nom d'Elvis que se passe-t-il ? Lois !" hurla-t-il au moment où Clark passait devant lui à toute vitesse.
Clark l'ignora et se précipita vers la rampe d'accès. Mais le second "Lois !" attira suffisamment son attention pour qu'il s'arrête un instant. "Elle est--" commença-t-il à dire, puis il se reprit devant ces mots appropriés à Clark mais tout à fait inhabituels venant de Lois. "Qu'est-ce que vous voulez, Chef ?"
Perry se renfrogna. "Où vous précipitez-vous de la sorte ?"
"Une explosion à la Garderie Winkie Tink."
Le rédacteur en chef resta bouche bée et dit, "Eh, bien, allez-y, ma fille."
Mais il parlait dans le vide. Clark était déjà dans l'ascenseur.

"Oui, M. Luthor. Je vais tout de suite chez lui pour voir si je peux trouver une photo," dit Lindsay Barrow. Puis la femme hésita. "Mais après cela… savez-vous comment je peux pister sa carte de crédit ?"
Lex fronça les sourcils. Il n'avait pas l'habitude d'expliquer ce genre de choses à Enrico ou Asabi. Ils connaissaient suffisamment sa façon de fonctionner pour savoir ce qu'ils avaient à faire. "Allez voir William Gleasing au centre Informatique et Technologique de la LexCorp. Il trouvera les numéros des cartes de crédit de Nick Trifyllis et vérifiera ses dernières transactions pour que vous puissiez suivre sa trace."
Lindsay se dirigea vers la porte et il l'arrêta. "Mlle Barrow, je ne veux pas qu'il arrive quoi que ce soit au Dr Trifyllis. Il détient des objets importants et je veux m'assurer que nous les retrouvions tous avant qu'on ne lui fasse du mal. Vous comprenez ?"
Elle acquiesça. "Oui, monsieur.

Le boom d'une explosion et les hurlements qui suivirent firent sortir Lois de la salle de conférence du Daily Planet. Elle arriva sur le lieu de l'incendie avant les véhicules d'urgence et le survola, épouvantée. Le bâtiment s'était effondré et la poussière de béton s'élevait vers le ciel comme un nuage de fumée. Personne n'a pu survivre à cela, pensa-t-elle avec horreur, mais les cris terrifiés d'un enfant la firent revenir de sa stupeur et elle plongea pour rechercher des survivants.
Elle émergeait des gravats fumants, tenant un enfant dans ses bras, quand la Jeep s'arrêta derrière l'ambulance qu'elle avait suivie. Clark se jeta hors du véhicule. "Que puis-je faire pour t'aider ?"
Elle posa le petit garçon, les cheveux bruns collés par la poussière, le visage taché de sang provenant de coupures sur ses mains, dans les bras de Clark. "Emmène-le dans un endroit sûr. Il faut que j'aille chercher les autres." Et elle disparut dans les décombres dans un brouillard bleu et rouge.
Le temps que Clark atteigne la rue, les ambulanciers avaient dressé une unité médicale avancée et l'attendaient avec une civière. Il confia l'enfant à leurs soins, puis repartit vers les ruines du bâtiment de la garderie. Derrière lui, les ambulanciers l'appelèrent pour l'arrêter, mais il les ignora. S'il pouvait prendre les enfants que Lois sortait des entrailles du bâtiment, elle aurait plus de temps pour sortir ceux qui pouvaient survivre si elle pouvait les atteindre suffisamment vite.
A l'endroit le plus proche des décombres par où elle était entrée, mais hors de danger d'un quelconque effondrement, Clark commença à dégager les débris afin que Lois ait de la place pour poser les survivants et que les ambulanciers puissent installer les civières. Quand elle sortit de l'immeuble, il lui prit des bras un bébé qui pleurait et, à nouveau, elle disparut.
Cette fois, il rejoignit l'autre équipe d'ambulanciers à mi-chemin de la rue et de l'endroit qu'il avait dégagé, et il allongea le bébé sur une civière. Et quand il revint pour dégager davantage d'espace, il avait une couverture, obligeamment donnée par l'un des badauds. Une fois encore, les gens découvraient qu'ils pouvaient être des héros à leur façon.

"Oui, M. Preece, avez-vous l'adresse du plus proche parent de Chris Trifyllis ? Je voudrais présenter mes condoléances à sa famille."
"Oh -- oh, bien sûr, Mme Luthor. Je vous la donne tout de suite."
Beth Luthor attendit patiemment dans la cabine téléphonique pendant que le supérieur de Chris Trifyllis cherchait le renseignement. Elle était censée faire des courses, ce qui était une bonne couverture pour passer des coups de téléphone qu'elle ne pouvait pas risquer que Lex découvre. Bien qu'il n'y ait rien d'extraordinaire au sujet de *cet* appel -- à moins que certains membres de la famille de Chris Trifyllis ne veuillent prendre le risque de faire tomber l'homme qui l'avait tué.
"Mme Luthor ?"
"Oui ?"
"Je l'ai."
Elle écrivit l'adresse de Nick Trifyllis à Bakerline d'une main tremblante, prenant la décision de combattre Lex au lieu de se contenter de contrecarrer ses plans.
FIN DE L'ACTE 3

ACTE 4
Deux heures plus tard, Clark ne pouvait plus rien faire. Une fois que les équipes d'urgence étaient arrivées, il s'était trouvé sur leur passage et était donc allé aider les parents hébétés et terrorisés se tenant à l'extérieur du périmètre que la police avait établi. Il leur avait apporté des tasses de café et de thé ainsi que des informations sur l'endroit où leurs enfants avaient été conduits, mais maintenant, il avait fait tout ce qu'un étranger pouvait faire. Ceux qui attendaient toujours avaient besoin d'être réconfortés par leurs proches, pas par un étranger, aussi compatissant fut-il.
Il ne pouvait d'ailleurs pas en faire plus en temps que reporter. Il en savait suffisamment pour ne pas ennuyer les équipes avec des questions, et il avait déjà envoyé son premier article par téléphone. Il n'y aurait pas d'autre communiqué du responsable des Sapeurs Pompiers avant au moins une heure et il était certain qu'il n'y aurait pas d'autres informations qu'il n'avait déjà.
Il n'avait qu'à partir. Il n'avait qu'à retourner au Planet et prendre Laura puis la ramener à la maison et la faire manger. Il hésita un peu, combattant la fatigue, ses bras et ses jambes le faisant souffrir, et il était vaguement conscient qu'une désagréable impression de vide l'envahissait. Peut-être *devrait-il* rentrer à la maison et manger, lui aussi.
Mais Lois était encore là à fouiller les ruines pour chercher les victimes du brasier, et il voulait être présent pour elle. Il voulait la prendre dans ses bras la prochaine fois qu'elle ramènerait un bébé sans vie; il voulait effacer cette expression figée sur son visage.
Mais que pouvait-il faire ici ? Il ne pouvait pas la prendre dans ses bras devant un auditoire national. Tout ce qu'ils pouvaient faire était de se regarder de façon maladroite en prétendant avoir une attitude professionnelle et en essayant de parler de manière elliptique pour cacher ce qu'ils ressentaient. Ça ne servait à rien de rester là. Il ne pouvait aider personne -- ni les enfants ni Lois; il avait tout ce qu'il lui fallait pour écrire son article et Laura avait besoin de lui. Il fallait qu'il s'en aille.
Mais il restait là, attendant que Superman sorte à nouveau de l'immeuble en ruines. Quelques minutes plus tard, Lois sortit du bâtiment d'un pas lourd et pesant, la tête baissée, tenant un petit corps dans ses bras. Clark sentit sa gorge se serrer. Il n'y avait pas besoin de se presser devant la mort.
Quand elle se retourna vers les ambulanciers, elle le vit et lui fit signe de la rejoindre. Il se glissa sous le ruban jaune de la police, poursuivant son chemin à travers les débris pour s'arrêter quelques mètres plus loin.
"Est-ce que Laura va bien ?" demanda-t-elle doucement.
Il hocha la tête. "Elle allait bien la dernière fois que j'ai appelé. Je vais aller la chercher dans quelques minutes et je vais la ramener à la maison."
"Bien. Je serai là dans un petit moment, mais je me sentirais mieux si--
"-- si elle n'était pas toute la journée à la garderie ?" dit-il en souriant avec tristesse du coin des lèvres. "Je sais." Clark baissa encore un peu la voix. "Je t'aime."
Lois prit une profonde inspiration. "Je--" son regard se dirigea vers l'endroit où se trouvaient les autres membres de la presse qui regardaient la scène avec avidité -- "Je sais."

Le tambour grinça en s'arrêtant et Clark, passant devant Laura, se dirigea de la cuisinière au lave-linge pour l'arrêter. "On dirait que tu vas enfin avoir quelques pyjamas propres," lui dit-il en sortant une pleine brassée de vêtements de bébé de la machine et en les fourrant dans le sèche-linge. Il mit le sèche-linge en route et retourna devant la cuisinière où la sauce des spaghettis mijotait lentement.
Il la remua, puis prit un carton de bouillie et une boîte de riz du sac d'épicerie. "Le temps que le dîner soit prêt, je vais ranger les courses." Il posa les boîtes dans le placard et se retourna vers Laura. "Tu sais," dit-il, "nos conversations vont devenir beaucoup plus intéressantes quand tu vas commencer à faire autre chose que rire."
Mais à peine avait-il dit ces derniers mots de sa voix "tendre-bavardage-avec-ma-petite-fille", que Laura, naturellement, se mit encore à rire, et Clark fut forcé de s'accroupir et de frotter son nez sur le sien en un baiser d'Esquimau. "Je t'aime, mon bébé," murmura-t-il et il la serra contre lui jusqu'à ce que le crépitement de la sauce des spaghettis ne le ramène devant le feu.
Rassembler les recherches sur le sabotage de l'avion et l'adresse qu'il avait trouvée pour Alex Trifyllis, récupérer Laura à la garderie, faire les courses en rentrant à la maison et préparer le dîner tout en rangeant les provisions et en faisant une lessive était un *énorme* travail. Il ne voyait pas d'inconvénient à passer un peu plus de temps avec sa fille, mais aider les gens blessés ou en danger lui manquait. Clark ne s'était jamais contenté d'attendre quelqu'un d'autre pour résoudre un problème ou prêter une main secourable, et il ne pouvait satisfaire ce besoin d'aider les gens en déversant son énergie dans des enquêtes, de la façon dont le faisait Lois.
Lois. Plus que n'importe quoi, il était inquiet à son sujet, craignant la détérioration de son aura qui avait conduit Woody Samms à devenir vulnérable aux balles de revolver. Lois ne se trouvait pas prise au milieu d'un échange de coups de feu, mais une explosion de gaz naturel ou une bombe cachée pourraient être tout aussi mortelles. Et même si elle allait bien, il savait combien il était difficile de se trouver face à tant de morts violentes et soudaines. <Reviens vite, chérie.>

"Tu as payé la dépanneuse avec ta carte de crédit ?" dit Alex incrédule. "Jésus, Nick, est-ce que tu es fou ? Je croyais que tu voulais te cacher !"
Nick s'irrita, "Je n'avais pas beaucoup d'espèces."
"Tu ne te rends pas compte qu'on peut te retrouver grâce à ta carte de crédit ?"
"Oh, ça va," protesta Nick, essayant d'ignorer son inquiétude. "Personne n'a accès à ces trucs, excepté les banques -- et je ne sais pas pourquoi, mais je ne pense pas que ces deux-là soient des banquiers."
Alex se renfrogna. "Ecoute, tu as dit que tu pensais que la LexCorp était derrière tout ça. Crois-moi, mon vieux, *ils* peuvent mettre la main sur tes comptes s'ils le veulent."
Nick remonta ses lunettes, sentant un frisson d'angoisse comme quand il avait vu les assassins se diriger vers son bureau. "Qu'est-ce que je vais faire ?"
"Reste tranquille. Nous allons peut-être devoir élaborer une fausse piste pour que tu aies l'air d'avoir quitté la ville après que ta voiture ait été réparée." Alex tapota son doigt contre ses dents.
Nick regarda son frère quelques minutes, puis risqua, "Et mes animaux ?"
"Quoi, tes animaux ?"
"Il faut que j'aille les chercher ou que je prenne des dispositions pour eux…" Il baissa la voix devant l'expression de son frère. "Ou autre chose," marmonna-t-il.
Les yeux d'Alex s'embrasèrent furieusement. "Pourquoi est-ce que tu ne passes pas une annonce dans le Planet pendant que tu y es, Nick ? Mon Dieu ! Tu ne comprends pas ? Ces types te *tueront* s'ils te trouvent !" Il traversa la petite salle de séjour en tempêtant et regarda par la fenêtre une minute, puis il se retourna et ses yeux gris étaient remplis de larmes. "Ils ont déjà eu Chris, Nicky. Je ne veux pas te perdre toi aussi."

Clark était fatigué… et inquiet pour Lois… et ennuyé que Laura ressente sa tension, et particulièrement depuis que le moment du dîner et celui du bain avaient été tous deux animés par ses pleurs. Redoutant la répétition des difficultés de la veille, il la serra contre lui et défit ses vêtements. Lois allaitait si facilement, et pourtant même avec deux tétées couronnées de succès, il se sentait toujours mal à l'aise et presque… embarrassé.
Il soupira. Probablement parce qu'il regardait le corps de Lois avec les yeux de Clark, et même après deux ans et demi de mariage, il ne considérait pas cette nudité comme naturelle. Oh, mon Dieu, il voulait retourner dans son corps.
Mais aucun dieu bienveillant ne semblait disposé à répondre à sa prière, et Laura avait décidé qu'elle avait plus envie de jouer que de manger : elle tétait un peu puis se reculait pour regarder autour d'elle, caressant la courbe de son sein et le regardant en souriant. Il ne pouvait pas la gronder, pas quand elle paraissait si heureuse, mais il ne savait pas non plus comment faire pour l'encourager à manger, alors elle pouvait aller au lit.
Il pensa soudain qu'il avait sauté l'heure de raconter une histoire -- sa contribution personnelle à la routine du coucher. Après une journée de travail, après avoir apporté son aide sur les lieux de l'explosion et s'être occupé seul de Laura toute la soirée, il était si fatigué et si préoccupé par ses besoins physiques qu'il avait oublié de jouer avec elle. Après avoir arrangé ses sous-vêtements et son chemisier, il posa sa fille sur sa hanche et ils traversèrent la chambre pour examiner la petite étagère de livres. <Lois, je suis désolé,> pensa-t-il. <Je ne comprenais pas.>
Six livres plus tard, Laura décida qu'elle était prête pour un en-cas, et elle s'installa dans ses bras sans se précipiter. Il caressa sa petite joue et lui murmura des petits mots doux pendant que ses yeux bruns, si semblables à ceux de Lois, le regardaient intensément. Ils étaient tellement concentrés l'un et l'autre qu'ils sursautèrent tous deux au bruit annonçant le retour de Lois.
Laura se mit à pleurer et Clark éloigna son attention de Lois pour consoler leur enfant effrayée, la serrant contre lui en la berçant. "Chh, Chh, trésor. Maman et papa sont là tous les deux. Tout va bien, Laura chérie." Après quelques minutes, elle se remit à téter et il leva la tête pour regarder sa femme.
Mon Dieu, était-ce à cela qu'il ressemblait après une catastrophe comme celle-ci, couvert de poussière et de sang, le regard fixe et sombre ? Il lui tendit son bras libre, l'invitant à venir s'y blottir, mais elle était figée, le regard fixé sur le bébé tétant son sein. "Lois ?" demanda-t-il.
Elle sursauta et leva les yeux vers lui. Il entendit sa gorge se serrer presque douloureusement et elle passa une main sale devant ses yeux et hocha la tête. "Non, je vais me laver et… je te laisse la coucher."

L'eau bouillante ne calma pas la tension de ses muscles et ne lava pas les images de son esprit, spécialement la dernière. Elle avait volé jusqu'à la maison après avoir sorti tous les survivants et les victimes de la catastrophe, impatiente de se jeter dans les bras de son mari et de se faire consoler. Elle ne l'avait pas vu préparer Laura le matin et si elle y avait réfléchi, elle aurait pensé qu'il lui avait donné un biberon. Mais de les voir tous les deux, un sentiment de vide l'avait poignardée comme si quelqu'un lui avait volé son bébé. Les émotions, déjà à fleur de peau, elle n'avait pu regarder cela, elle n'avait pu regarder son mari prendre sa place si totalement, et elle s'était enfuie aussi vite qu'elle le pouvait.
L'eau coulait sur sa nuque et elle prit le savon et commença à se frotter pendant que l'eau était chaude, prenant son temps pour ne pas avoir à se retrouver face à face avec Clark et Laura. En y réfléchissant logiquement, elle savait qu'il ne lui avait pas plus volé son bébé qu'elle ne lui avait volé ses pouvoirs. Il ne faisait juste que s'occuper de *leur* bébé aussi bien qu'il le pouvait. En fait, en préservant sa réserve de lait, il faisait de son mieux et *sans* rien lui enlever. Dans le cas contraire, si cet échange devait se prolonger, elle n'aurait plus la possibilité d'allaiter quand ils retourneraient dans leur corps respectif. Mais tout cela ne lui enlevait pas ce sentiment d'abandon et elle resta sous la douche jusqu'à ce que l'eau refroidisse, puis elle se sécha et mit un jean et un tee-shirt propres.
A la porte de leur chambre, Lois réfléchit, espérant qu'elle avait attendu assez longtemps pour que Clark finisse de nourrir Laura. Elle n'avait pas remis ses lunettes et elle regarda à travers le mur et vit que Clark tenait la petite fille contre son épaule. Bien. Etre avec son bébé lui manquait et après les urgences de la journée… Elle se dirigea silencieusement vers la chambre de sa fille et murmura. "Est-ce que je peux la coucher ?"
Il sourit et lui tendit le bébé endormi. Lois serra Laura dans ses bras, respirant non seulement l'odeur de shampooing et de poudre de bébé, mais aussi l'odeur de lait et les autres odeurs qui étaient tout simplement 'Laura". Elle pressa sa joue contre les doux cheveux de sa fille, reconnaissante envers ce monde capricieux de pouvoir tenir son bébé dans ses bras. Les larmes lui montèrent aux yeux au souvenir des petits corps qu'elle avait sortis des décombres de la garderie, et elle serra Laura encore davantage.
"Tu veux t'asseoir dans le rocking-chair ?" demanda Clark doucement, et Lois acquiesça, incapable de répondre en raison du nœud qui lui serrait la gorge. Il lui caressa les épaules. "Je vais me coucher."
Elle hocha la tête et se laissa tomber sur le fauteuil -- qui lui avait paru si spacieux la veille mais semblait aujourd'hui à peine assez grand -- tandis que Laura dormait, la bouche ouverte, son corps se détendant et s'abandonnant au sommeil. Lois se balança sur la chaise et les larmes coulèrent sur son visage.

Tenir Laura pendant près d'une heure avait renvoyé la jalousie de Lois à la pénombre à laquelle elle appartenait, mais ses larmes silencieuses ne lui avaient apporté aucun réconfort. Dans sa chambre, la lumière de la table de nuit était allumée, mais les papiers que Clark avait lus étaient posés sur son ventre et il avait les yeux fermés. Elle se dit qu'il avait l'air épuisé, reconnaissant les marques de fatigue sur son propre visage. Il était resté à la garderie pendant des heures, tout d'abord pour aider à mettre les enfants en lieu sûr, puis pour couvrir le reportage sur l'explosion et réconforter les parents horrifiés et éplorés. En se rappelant cela, elle retint les larmes qui menaçaient de couler et se retourna pour se déshabiller. <Laissons le dormir,> se dit-elle, même si elle souffrait qu'il ne la prenne dans ses bras pendant qu'elle évacuerait en sanglotant sa réaction à la douleur et à la mort qu'elle avait vues de si près.
Elle posa les papiers sur la table de nuit et éteignit la lumière, et le matelas s'affaissa sous son poids alors qu'elle se mettait au lit. Il tourna la tête vers elle, ses yeux endormis s'entrouvrant. Sans un mot, il ouvrit les bras et elle se blottit contre lui, enfouissant son visage contre son épaule. Ses bras glissèrent autour de ses épaules sans la serrer, mais elle sentait son amour et son énergie, et elle avait besoin de cela plus que d'un réconfort physique. Elle laissa échapper malgré elle un sanglot et essaya de retenir les autres. Il la serra contre lui et murmura, "Ne te retiens pas, chérie. C'était… terrible." Sa voix tremblait et elle réalisa que lui, plus que n'importe qui, savait ce qu'elle ressentait, et elle se détendit et laissa ses larmes laver ses insupportables souvenirs.
Quand ses sanglots se transformèrent en soupirs tremblants et qu'elle eut essuyé ses yeux et se soit mouchée, Lois dit d'une voix grave, "Je pensais pouvoir supporter cela. Je pensais… mais ils étaient si petits, et il y en avait un qui--"
Elle se tendit soudain en entendant un cri au loin et leva la tête pour écouter. Elle essuya ses larmes et sortit du lit en jurant.
"Que se passe-t-il ?" demanda Clark.
"Un enlèvement." Elle tourbillonna pour revêtir le costume et se précipita par la fenêtre dans un nuage rouge et bleu.

La lumière éblouissante du matin frappait le pare-brise tandis qu'ils approchaient de l'atelier de carrosserie, et Alex ralentit. "Nous y--"
Nick remarqua une femme sortant d'une voiture devant le bâtiment et il retint sa respiration. "Ne te gare pas devant. Va te garer dans ce parking." Il indiqua l'autre côté de la rue.
"Qu'est-ce-- ?" Mais Alex tourna docilement à gauche et se dirigea vers le parking. Il s'arrêta sur une place vacante et se tourna vers son frère. "Bon, alors que se passe-t-il ?"
Nick avait tourné la tête pour regarder par la vitre arrière. "Tu vois cette femme qui entre chez le carrossier ?"
Alex regarda une petite femme aux cheveux bruns. "Jolie poupée," remarqua-t-il. "Qu'est-ce qu'elle a ?"
Se retournant vers l'avant, Nick s'effondra sur l'appui-tête. "C'est la femme qui sortait de chez Chris quand je suis arrivé. Celle que la police pense être l'un des assassins." Il respirait de façon saccadée et ses mains tremblaient. "Alex, tu avais raison. Ils m'ont retrouvé. Il faut que je file d'ici." Il tendit la main vers le volant.
"Attends," dit Alex. "Tu ne peux pas juste… partir et rouler. Laisse-moi réfléchir."
Nick continuait de regarder derrière si la femme les avait remarqués. Sa bouche se tordait et il remettait ses lunettes en place à chaque minute. Il sursauta quand Alex lui jeta les clés de la voiture sur les genoux. "Quoi ?"
"Ramène ma voiture à la maison, je vais prendre la tienne. J'ai une idée."

Clark fut réveillé par la sonnerie stridente du réveil et donna une grande claque sur le bouton d'arrêt. Le réveil resta intact, mais sa main le cuisait et il gémit. Oh, non. S'il vous plaît, faites que ce soit un mauvais rêve, supplia-t-il. Les yeux toujours fermés, il toucha doucement sa poitrine… et soupira, puis il tendit la main de l'autre côté du lit pour chercher sa femme endormie. Sa main se posa sur le drap froid et il se redressa brusquement. Où--?
Il se rallongea et se souvint. Oh, oui, la guerre des gangs qui avait éclaté à Hell's Gate après que Lois soit revenue de la tentative d'enlèvement. "Sois prudente," murmura-t-il. Cela faisait 36 heures et Lois n'avait montré aucun signe qu'elle perdait son invulnérabilité, mais il était toujours inquiet.
La sonnerie retentit à nouveau et, cette fois, il se tourna pour l'éteindre. Il se rejeta en arrière, énumérant la longue liste des tâches qui l'attendaient avant d'aller travailler. Ce n'était pas un problème pour un homme possédant une super vitesse.
Excepté… qu'il n'était pas un homme et n'avait pas de super vitesse et que les cheveux de Lois mettaient un temps fou à sécher. Clark regarda d'un air horrifié les chiffres lumineux de la pendule et se leva du lit en trombe.

Deux minutes après être revenue de sa dernière urgence, Lois descendit en courant l'escalier, cravate en main. Elle avait attrapé le coup pour se changer et pour les douches en super vitesse et elle se séchait les cheveux sans difficulté, mais elle n'arrivait toujours pas à se raser et ne parvenait pas à attacher convenablement sa cravate. "Chéri ?" appela-t-elle. "Est-ce que tu peux--"
Elle s'arrêta brusquement. "Oh, bonjour, Mar-- Maman," bégaya-t-elle. "Que faites-vous ici ?"
Martha Kent tendit les bras pour embrasser son "fils". "Lois nous a demandé de nous occuper de Laura aujourd'hui pendant que vous cherchez ce témoin."
Clark, élégant dans un costume pantalon bleu ciel, arriva dans la salle de séjour. "J'ai dit à… Martha que nous ne savions pas combien de temps ça prendrait étant donné qu'il est dans l'état de New York."
Lois prit ça sans sourciller, quoique ce soit la première fois qu'elle entende qu'ils avaient la permission de passer la journée à chercher Nick Trifyllis. "C'est exact," dit-elle d'un air absent, distraite par les chaussures de Clark -- noires, arrondies et trop basses pour aller avec ce pantalon. Elle manqua de peu le commentaire de Martha.
"Est-ce que tu te laisses pousser la barbe, Clark ?
Lois hocha la tête. "Excuse-moi, quoi ?"
Martha passa la main sur la joue mal rasée de Lois. "C'est une chose que Clark porte la barbe mais ne crois-tu pas que ça va soulever certaines questions en ce qui concerne Superman ?"
"Oui, eh bien, c'est--" Lois lança un regard suppliant à son mari.
Il s'interposa. "Il en a besoin pour son enquête et étant donné que nous ne serons pas en ville, il ne devrait pas y avoir d'appels pour Superman. Bon--" Il attrapa Lois par la manche et la tira jusqu'à la porte-- "vous avez tout ce qu'il faut pour Laura ?"
Martha acquiesça et Lois ajouta, "Nous ne savons pas où nous serons, mais vous avez notre numéro de portable en cas de problème."
"Vous ne restez pas pour le petit déjeuner ?" demanda Martha. "Jonathan a presque terminé les gaufres."
Lois et Clark échangèrent un regard et elle entendit son estomac gargouiller. "On va rester," répondit-elle au même moment où Clark disait, "On n'a vraiment pas le temps."
Martha dressa les sourcils et regarda de l'un à l'autre. "Ce qui veut dire ?"
"Nous avons le temps de manger un morceau," dit fermement Lois, ignorant les tentatives de son mari pour communiquer avec elle derrière la tête de sa mère.
Clark saisit la main de Lois quand Martha retourna dans la cuisine. "Je ne peux pas faire ça," dit-il.
"Alors dis-leur," dit Lois, "et tu n'auras pas à le faire."
"On ne peut pas. Ils vont vouloir en discuter et nous n'avons pas le temps -- pas si nous voulons aller à la recherche de Nick Trifyllis et retourner dans nos corps respectifs."
"Il n'a pas un numéro où on peut le joindre ?"
Il hocha négativement la tête. "Juste une adresse. Alors il faut qu'on aille là-bas pour vérifier."
Lois réfléchit, reconnaissant la vérité dans ce qu'il disait. "D'accord, mais je veux quand même manger avant de partir. Si tu as peur que tes parents se doutent de quelque chose, contente-toi d'avaler des gaufres et de sourire."
"Depuis quand la nourriture t'intéresse-t-elle tant ?" marmonna Clark.
Elle se mit à rire et le regarda par-dessus son épaule. "Depuis que j'ai arrêté de me soucier des calories."

Comme à l'ordinaire, Lois conduisait, mais cette fois, elle avait de supers réflexes pour prendre le relais et ils arrivèrent de l'autre côté de New York sans que Clark ait enfoncé plus de deux fois ses doigts dans l'accoudoir. Une fois les mégalopoles de Métropolis, Gotham City et New York derrière eux, ils suivirent l'autoroute au-dessus de l'Hudson, puis vers l'ouest, sur le côté sud d'Adirondack Park. "J'espère qu'il est chez son frère et pas autre part," dit Lois. "Je veux juste qu'on soit changés et qu'on redevienne normaux."
Clark la regarda curieusement. "Tu n'aimes pas être Superman ?"
"Non, je n'aime pas." Un coin de sa bouche se leva à regret. "Je n'aimais pas ce genre de responsabilités quand j'étais Ultrawoman, et c'est encore pire quand ce n'est pas mon propre corps. Il faut que je réfléchisse à chaque instant *comment* faire les choses car mon approche est mauvaise ou trop éloignée du sol ou--" Elle s'interrompit, essayant de trouver un exemple. "C'est comme descendre un escalier quand tu lis quelque chose et que tu rates la dernière marche, car tu mets tout le poids de ton corps au même niveau que la marche précédente, mais qu'il n'y a rien après."
"Je sais. Je peux facilement me blesser quand je n'ai pas mes pouvoirs -- juste parce que je n'ai jamais appris à faire attention -- mais ça c'est pire." Il entoura son pouce de ses doigts pour le protéger.
Lois remarqua son petit geste. "Tu t'es fait mal ce matin ?"
Il fit comme s'il ne l'avait pas entendue et elle leva la main d'un geste pressant. "Laisse-moi regarder."
"Chérie, ce n'est rien. J'ai juste frôlé l'appareil à gaufres. Je vais bien." Il jeta un œil à la sortie qui approchait. "Prends cette sortie et tourne à droite."
Le virage les amena de l'autoroute vers les collines et ils pouvaient apercevoir les montagnes au loin. Lois regarda son mari. Il était évident qu'il ne voulait pas parler de sa brûlure, aussi elle aborda le sujet dont elle voulait parler au préalable quand elle avait évoqué à quel point elle désirait revenir dans son corps. "Ce n'est pas la seule raison pour laquelle je veux retrouver mon corps."
Les paroles de Lois le transpercèrent et il la regarda avec un petit sourire. "Quoi ? Mis à part les différences évidentes dans la salle de bains."
Elle leva les yeux au ciel. "Je ne plaisante pas. La vision infrarouge n'est pas la seule chose avec laquelle j'ai des problèmes."
Cela déclencha un éclat de rire chez Clark. "Tu peux t'asseoir, tu sais."
"Je sais. Mais-- oh, je ne sais pas." Elle se tortilla légèrement. "Tout cela me donne l'impression de violer ton intimité."
"Oui. Je sais." Il regarda par la vitre, les yeux fixés sur les arbres qui bordaient la route. "Je ressens la même chose à chaque fois que je-- tu sais-- que j'allaite Laura."
Elle tourna la tête vers lui. "Vraiment ?"
Il acquiesça. "C'est… embarrassant. Je veux dire, c'est bien-- maintenant que nous savons comment nous y prendre? Et je me sens vraiment très proche d'elle et j'adore ça, mais…" Il hocha la tête. "ce n'est pas… normal."
"Tu sens que--" Elle s'interrompit soudain, penchant la tête pour écouter quelque chose. Il attendit un instant, puis demanda, "Qu'y a-t-il ?"
"Une ambulance. Il y a eu un accident un peu plus loin. Une voiture a quitté la route." Elle reporta son attention sur la voie, appuya sur l'accélérateur et les arbres défilèrent dans un nuage de couleur verte.

Quelques kilomètres plus loin la route tournait sur le flanc de la colline, descendant vers la rivière du côté opposé. Deux voitures de patrouille, une ambulance et une dépanneuse bloquaient la circulation, et des véhicules contournaient le secteur. Lois se faufila sur les lieux de l'accident, le regard figé sur quelque chose au pied de la falaise; puis elle trouva une place un peu plus loin sur le bas-côté et se gara. Clark et elle se dirigèrent vers le secteur condamné par des cônes oranges et montrèrent leurs cartes de presse aux policiers surpris de voir Lane et Kent enquêter sur un accident de la circulation.
Lois se mit à rire. "Nous n'en serions pas arrivés où nous sommes sans être curieux."
Le jeune policier rougit un peu sous sa casquette à larges bords. "Je suppose que non. Nous n'avons pas encore identifié les occupants." Il indiqua, en contrebas, la voiture d'où s'élevait encore une colonne de fumée de plusieurs mètres et ajouta, "Ça va sans doute prendre un certain temps." Se tournant vers son véhicule, il consulta ses notes. "Mais nous avons relevé le numéro d'immatriculation et avons trouvé à qui appartient le véhicule."
"Pouvez-vous nous donner le nom du propriétaire ?" demanda Clark. Il regarda une dernière fois les débris du véhicule, puis suivit le policier.
"D'après ce que nous savons, le véhicule appartient à Nicholas Trifyllis, New Troy."
Clark trébucha soudain et Lois le rattrapa. leurs yeux bruns se croisèrent, puis, comme s'ils avaient la même idée, ils se retournèrent pour regarder le ravin. Tout en bas, la voiture continuait de brûler.

FIN DE LA 2EME PARTIE, "METS TOI A MA PLACE"
CONCLUSION DANS LA 3EME PARTIE; "MIROIR, MIROIR"
Les personnages de cet épisode sont la propriété de DC Comics, December 3rd Production et Warner Brothers. Aucun non respect des droits n'est délibéré de la part de l'auteur ou du Season 6 group, toutefois, les idées exprimées dans cet épisode sont la propriété des auteurs © 1999.
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