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Saison 6, Episode 3

Deuxième partie

Écrit par Phil Atcliffe, Carol Malo et Erin Klinger

Avec l'inspiration et les idées de Betsy, Leanne Shawler et Jocelyn Atcliffe

Édité par Lynda D. Love

Version française de


Traduction Chantal Martineau

En regardant le bébé endormi, Cat se remémora ses propres parents et son enfance. Elle espérait que Laura puisse avoir autant de joie qu’elle en avait eu en grandissant. Puisque ses parents avaient divorcé quand elle avait deux ans, elle n’avait pas de souvenirs d’eux vivant ensemble, mais elle avait beaucoup de très beaux souvenirs d'eux deux ensemble. Ils étaient restés bons amis même après s'être l'un et l'autre remariés (en fait, ses parents étaient retombés amoureux) et Cat, son demi-frère Jason, sa mère et son beau-père passaient la plupart de leurs Noëls avec son père, sa femme et leur fils.

Elle avait toujours été proche de son père, elle avait toujours su, jusqu’à sa mort huit ans plutôt, qu’elle pouvait toujours compter sur lui. Son père lui avait appris beaucoup de choses. Comment travailler dur, comment naviguer contre le vent et surtout, comment passer du bon temps. Elle se rappelait combien il avait été fier que ses cheveux soient roux comme les siens. Roux comme ceux des Grant. Toux deux avaient toujours fait tourner les têtes quand ils entraient ensemble dans une pièce.

Il lui avait appris à skier presque aussitôt qu’elle avait commencé à marcher et ils avaient passé des journées exaltantes à fendre la neige sur les pentes de l’ouest du pays. Plus tard, ses deux jeunes frères les avaient rejoint, se moquant de la réticence de leur sœur devant le snowboard. Ce serait bon de les revoir à Noël; ça faisait un bout de temps et elle avait hâte de rencontrer la fiancée de Jason. Hmmm, encore un mariage...

Comme ses parents, Cat était extravertie et son enfance avait été remplie de connaissances qui allaient et venaient dans sa vie, disparaissant pour un an ou deux et réapparaissant dans leurs vies. Sa mère avait ce côté flamboyant, mais toujours sûr d'elle, transmettant à sa fille l'idée qu’elle pouvait être aussi outrageuse qu’elle le voulait, aussi longtemps qu’elle le faisait avec style et responsabilité. Cat sourit à la pensée de sa mère, remariée pour la quatrième fois et qui mettait probablement les dernières touches aux préparatifs des Fêtes dans sa maison du Nouveau-Mexique avant l’arrivée de sa famille et de ses amis.

Cat avait toujours aimé Noël. Elle s’était même mariée le jour de Noël. En Suisse. Le pays parfait pour un mariage le jour de Noël, pensa Cat, même si ce n’était pas comme ça qu’elle l’avait prévu. Elle et Richard s’étaient rendus en Suisse pour des vacances de ski, puis une chose en amena une autre. Maintenant, elle croyait qu’elle avait accepté sa demande en mariage à cause de la nostalgie qu'elle avait ressentie. Toute cette neige, les villages suisses pittoresques, les montagnes, Noël, c’était magique.

Le mariage dura huit mois avant que leurs différents styles de vie ne le fasse tourner au vinaigre. Un bref séjour dans la forêt Amazonienne, pleine de moustiques et de serpents, où Richard recherchait des plantes pour des médicaments miracle, l’avait ramené en hurlant aux Champs-Elysées, où elle avait respiré avec bonheur les gaz des tuyaux d’échappement, les autres fumées et s'était calmée.

Mais, elle aimait encore Richard. Elle n'en doutait pas. Ils s’étaient fréquentés à nouveau l’année précédente, lors de leurs démêlés avec les cosmétiques et, après que la poudre soit retombée, ils mirent un terme à leur relation. Ils appréciaient la compagnie l’un de l’autre et Richard était un amoureux attentionné et passionné. Il y avait deux semaines de cela, il lui avait redemandé sa main, menaçant l’équilibre que Cat avait réussi à établir depuis son retour à Métropolis. Il attendait sa réponse, mais elle évitait le sujet. Elle espérait qu’il ne soulève pas la question quand elle le verrait le lendemain soir.

Le problème était que Cat n'était pas la femme d'un seul homme, ne l’avait jamais été et croyait qu’elle ne le serait jamais. Le printemps passé, elle avait rencontré un riche et attirant homme d’affaires, Peter Maxwell, en faisant du jogging dans le parc de Métropolis. Ça avait été le coup de foudre au premier regard et, la passion subsistant, ils avaient découvert qu’ils se ressemblaient étrangement et avaient beaucoup de points communs. Cat était folle de lui et le sentiment semblait être partagé. Elle ronronnait presque à cet instant en pensant à lui et à leurs projets pour plus tard ce soir-là. C’était une bonne chose qu’elle ait insisté que la soirée du Planet soit limitée au personnel. Les deux hommes étaient au courant de la soirée et ils voulaient venir. Aucun d'eux ne connaissait l’existence de l’autre.

'Regarde les choses en face,' pensa-t-elle, avec surprise, 'tu as pour Peter et Richard des sentiments que tu n'as jamais ressentis pour aucun homme.' Elle sourit en réalisant qu’elle avait beaucoup changé au cours de la dernière année. Oh, son taux d’hormones augmentait toujours en présence d’hommes attirants et elle continuait de penser que cela faisait partie des bonnes manières de leur laisser voir qu'elle appréciait leur façon d'améliorer le décor dans lequel elle se trouvait, mais son cœur appartenait à Richard... et Peter.

Se levant pour s’étirer, Cat traversa la pièce jusqu’à la vitre donnant sur la salle de rédaction. Quelqu’un, probablement Jimmy, avait redémarré les CD; elle entendait résonner le rythme par la porte fermée de la salle de conférence. Il semblait que tout le monde se payait du bon temps. Quelques ballons rouges flottaient au-dessus des têtes des couples qui dansaient, se balançant parmi les banderoles rouges. Sans qu’elle ne sache comment, son boa de plumes s’était retrouvé au cou de Jimmy, et Penny s'en servait pour le tirer vers elle, tandis qu’ils dansaient sur une version rock de "Joy to the World". Juste au moment où la tactique de Penny s'avérait un succès, Alan, de la Comptabilité, leur déroba le boa et l’enroula autour de Lois Lane qui riait, l’attirant plus près de lui. Cat remarqua un léger haussement de sourcils sur le visage de Clark, à cet instant.

Elle se tourna pour regarder Laura un instant et vit sa poitrine se soulever doucement tandis qu’elle dormait. Elle paraissait si tranquille. "Chérie, j’espère que tu auras, toi aussi, beaucoup de joies dans ta vie. " murmura Cat. "Je vais m’assurer que tu en aies. Ton père est un gentil garçon et ta mère est une femme brillante, mais ils sont parfois un peu sérieux." Se rasseyant sur le canapé, elle prit une gorgée de la dernière eau minérale à la mode qu’elle traînait partout avec elle.

A ce moment, Laura commença à pleurnicher et Cat tendit automatiquement les bras pour la prendre, la berçant avec précaution, effrayée de ne pas bien le faire. Laura ouvrit les yeux et battit des paupières, sa bouche formant un petit sourire rond. Cat la berça doucement et Laura la regarda avec intérêt. Du moins, c’était ce que pensait Cat. "Tu sais, il y a beaucoup de choses dont tu dois te soucier, ma chérie. En premier lieu, tu dois connaître très bien tes parents. Pas seulement ce qu’ils veulent bien que tu connaisses d’eux. Ce sont mes amis et ils sont toujours prêts à aider quelqu’un qui a des problèmes, mais il y a des choses sur eux que tu dois savoir." Les risettes de Laura encouragèrent Cat à poursuivre.

"Ton père sera trop protecteur. Regarde comment il agit maintenant. Alors, tu vas devoir t'organiser prudemment. Je pourrai t’aider le moment venu. Et as-tu vu la nourriture qu’il mange ? Il a peut-être l'air superbe pour le moment, mais son régime est un désastre. Tu devrais voir toutes les cochonneries qu’il met dans son bureau." Cat eut un frisson involontaire à la pensée d’un beignet à la gelée. "Il aura une mauvaise influence sur toi si tu ne fais pas attention. Maintenant, ta mère... A mon avis, faire la fête n'est pas son genre, Laura. Sais-tu qu’elle a toujours trouvé une excuse pour éviter les réceptions de Noël ? Je mettrais ma main au feu qu’elle est venue à celle de l’an dernier à cause de ton père."

Laura se cala dans les bras de Cat, tandis qu’elle continuait : "Et tu dois avoir une carte de crédit le plus tôt possible pour apprendre à faire du shopping. Je t’aiderai aussi pour ça. Fais attention à ses goûts -- sa couleur préférée est le marron. La dernière année où j’étais au Planet, nous sommes allées à une vente de charité dont l'enjeu était les hommes célibataires et ta maman portait une robe noire qui avait été commandée par catalogue par sa grand-mère. Ce n’est pas surprenant que même Superman ne l’ait pas remarquée cette nuit-là.

"Cependant, ton père a meilleur goût pour les vêtements. Il est toujours très beau, mais il n’y connais probablement rien en ce qui concerne la mode féminine, alors je vais me charger de t'emmener à des défilés de haute couture. Ta mère n'y pensera pas. Et fais attention aux produits de beauté que tu utilises."

Remarquant que les yeux de Laura s'écarquillaient à la vue de sa boucle d’oreille, Cat enleva une des grosses boules argentées et la balança devant elle en souriant tandis que Laura tendait la main pour l’attraper, ses petites mains essayant de toucher la surface brillante. Doucement, Cat fit tinter sa boucle et les yeux de Laura s'écarquillèrent davantage. Cat rit gentiment. "Tu es une petite chose très étonnante." Elle posa sa boucle sur la table et continua à bercer doucement Laura, se demandant ce que ça pouvait faire d’être maman, d’avoir un enfant.

Cat repensa à la proposition de Richard. Peut-être devrait-elle donner au mariage une seconde chance. Elle aimait vraiment Richard et il semblait aussi très absorbé par son nouveau travail à la Biotech Pharmaceutique, mais qui aurait pu dire ? Une des choses qu’elle aimait en lui était son sens de l’aventure et sa bonne volonté à visiter des endroits comme Rome sur un coup de tête. Mais si cela voulait dire disparaître encore dans la jungle, le ferait-elle ? Elle n’était pas du genre à pouvoir vivre isolée.

Et si elle l'épousait, il allait probablement vouloir qu’elle en finisse avec Peter. Elle aimait Peter. Il avait un excellent sens de l’humour, il avait des tonnes d’argent -- qu’il aimait dépenser pour elle -- et il portait mieux les collants que Superman. Une combinaison imbattable. Cat ne pensait pas pouvoir le laisser s'en aller. Ces deux hommes allaient tous deux lui manquer à Noël.

Peter l’emmenait avec lui à Paris pour le Nouvel An. Elle avait du mal à attendre. Métropolis était une ville fabuleuse; dont on pouvait sentir le flot d’énergie vibrer dans les rues et où l'on avait toujours l’impression que quelque chose d’important allait arriver. Mais ce n’était pas Paris.

À Paris, on sentait la beauté ancienne et on avait toujours le sentiment que quelque chose d’extraordinaire allait arriver. Cat avait passé trois mois là-bas avant de revenir à Métropolis l’an dernier et elle était en extase, car le voyage se rapprochait de plus en plus. Peter avait fait des réservations dans un petit hôtel de la Rue Colbert sur la rive gauche de la Seine, juste à côté des rues étroites du cœur de la cité. Elle était restée en contact avec quelques-uns de ses amis de Paris et elle et Peter allaient assister à une grande réception pour le Nouvel An chez son amie Françoise. Et, bien sûr, il y avait les opportunités de shopping... Ça allait être parfait.

"Tu dois t’assurer de prendre des cours pour bien maîtriser ton français, Laura, pour pouvoir vivre à Paris pour un bout de temps. Métropolis est bien, Londres est magnifique, mais Paris... Paris est magique."

Laura avait perdu l’intérêt de ce conseil très important et s’était rendormie. Tendrement, Cat toucha la joue du bébé et la remit dans son siège, s’assurant que la couverture bleu foncé la couvrait bien. Une petite bulle sortit de la bouche de Laura tandis qu’elle dormait et Cat sourit.

Peut-être voulait-elle réellement avoir un enfant. Deux seraient bien -- une fille et un garçon. Elle pourrait leur apprendre toutes les choses que ses parents lui avaient apprises : comment s’amuser et prendre du bon temps et elle les amènerait à Paris au printemps et ils iraient rendre visite à leur grand-mère et leurs oncles pendant les vacances. Son père lui avait légué une certaine somme d’argent, son livre avait connu un succès modéré et elle gagnait bien sa vie au Planet. Elle était arrivée à un stade de sa vie où elle pouvait se permettre d’avoir des enfants.

Elle pourrait avoir un enfant avec Richard et un enfant avec Peter. Un enfant de chaque homme qu’elle aimait. Cat sourit en pensant à ça. C’était ce que sa mère avait fait et tout avait très bien tourné. Après tout, pourquoi mettre tous ses œufs dans le même panier ? Ajouter un peu de diversité. C’est ce que son conseiller financier lui avait suggéré il y avait des années de cela et ça semblait être aussi logique génétiquement. Peut-être devrait-elle commencer à prévoir ça tout de suite.

Puis, Cat fronça les sourcils un instant : elle ne voulait pas passer par tous les inconvénients physiques que Lois avait dû endurer l’année dernière. Ça semblait si difficile pour le corps ! Peut-être pourrait-elle demander à son médecin le Jour de l’An qu’il prélève des ovules et qu’ils soient congelés. Puis, quand elle sentirait que le moment est venu, elle pourrait demander à une mère porteuse de mener les embryons à terme. Ça serait beaucoup plus facile. Oui, pensa Cat, elle aimerait avoir des enfants.

Après son retour de Paris, elle présenterait Peter et Richard l’un à l’autre. Il était temps que les deux hommes se rencontrent; après tout, ils avaient tant de choses en commun. Son chat, Lucky, les aimant tous les deux et c’était de bonne augure. Ils allaient sûrement bien s’entendre et elle était certaine qu’elle arriverait à... les persuader de pouvoir les rendre heureux tous les deux. Après tout, elle ne voudrait pas que les deux pères de ses futurs enfants se sentent négligés, alors elle devait juste s'assurer de ne les négliger ni l’un ni l’autre.

Elle sourit encore davantage et s’étira voluptueusement. Le pari de garder ses deux hommes heureux semblait un défi intéressant à relever. Si elle y parvenait, et elle ne doutait pas un instant de réussir -- et qui pouvait le faire, sinon Cat ? -- il y avait des moments excitants dans l’air. *Son* genre de moments excitants.

Lois s'amusait bien. Pour la première fois dans sa vie d'adulte, elle appréciait vraiment la réception de Noël, irradiant la bonne humeur et "du bonheur pour toute l’humanité". Elle se sentait bienveillante envers tout le monde, elle aimait tout le monde -- même Ralph, avec qui, en ce moment même, elle dansait. Elle souriait, ses yeux sombres brillaient, tandis qu’elle dansait et valsait sur un vieil enregistrement de Noël disco que Jimmy avait trouvé on-ne-sait-où. 'Le petit joueur de tambour dans un costume blanc,' pensa-t-elle. 'La chanson, pas Jimmy.' Elle leva le bras droit en un salut disco et ricana.

Ralph, un des héritiers spirituels du disco, sentit ses espoirs augmenter en observant sa partenaire, une vision de prunes sucrées dansant dans sa tête. Elle devait certainement être fatiguée de Kent maintenant. Il reluqua sa partenaire avec anticipation; ce qu’il aimait le plus quand il était avec une femme mariée était qu’il n’y avait pas de pression pour s’engager. Alors que la musique se transforma en une version plus douce que Lois avait chanté auparavant, Ralph tendit la main pour rapprocher Lois de lui.

Avec une précision immaculée, Lois s’éloigna de lui et sourit. "Merci, Ralph. Ça a été agréable." Ses yeux s’éloignèrent de lui pour sonder la pièce. Repérant sa tendre moitié près du saladier de punch, elle mit le cap dans sa direction, entendant des fragments de conversations sur le football alors qu’elle se rapprochait. 'Bien sûr,' pensa-t-elle. Elle tapota le bras de L’homme qui était le plus près d’elle. "Notre danse, je crois," murmura-t-elle, alors qu’il lui souriait.

"Oui, en effet." Clark lui prit la main et la guida vers l'endroit qui avait été dégagé pour danser, glissant son bras autour de sa taille et l'attirant plus près de lui tandis que la voix de velours du chanteur réchauffait les paroles de la vieille mélodie. "Joyeux Noël, mon amour."

Lois se recula un peu pour le regarder dans les yeux. "Joyeux Noël, Clark." Il l'attira à nouveau plus près de lui et elle sourit tandis que sa joue touchait le côté de son cou. Ils dansèrent en silence, perdus l’un dans l’autre, loin de tous les autres dans la pièce. Quand la musique s'arrêta, ils restèrent ensemble, comme si c’était la toute première fois qu’ils dansaient ensemble et attendirent que la musique recommence.

Au moment où la musique reprenait, Alan s’approcha d’eux. "Un appel pour vous, Lois. Je ne voulais pas vous déranger..." Il leur sourit. "...alors, j’ai répondu sur votre poste. C’est votre sœur. Pourquoi ne prenez-vous pas la communication dans le bureau de Perry ? Je pouvais à peine l’entendre avec tout le bruit."

"Merci, Alan." Lois se retourna vers Clark, le regard anxieux. "Il y a quelque chose qui ne va pas, Clark, je le sens."

"Lo-is...." La voix de Clark était douce et il la prit par les épaules entre ses mains et la fit pivoter vers le bureau de Perry. "Qu’est-ce qui pourrait mal aller ? Probablement un retard dans le vol."

"Probablement," dit Lois, mais elle eut tout de même un petit frisson d’anxiété en se dirigeant vers le bureau de Perry. Fermant la porte, elle décrocha le téléphone et s’installa sur le bord du bureau. Délibérément, elle garda le ton de sa voix léger. "Salut, Luce. Quoi de neuf ?"

Un ton léger répondit au ton léger, et le cœur de Lois se fendit. "Pas grand-chose, Lois. Juste quelques imprévus dans mes prévisions de voyage. Le vol de ce soir est plein à craquer, alors je ne pourrai pas arriver avant le 26, tard dans la soirée."

"Oh non, Lucy." Lois ne put s’empêcher de cacher sa déception. "Et une autre compagnie ?"

"Elles affichent toutes complet. De toute manière, je perds mon argent si je change de compagnie."

"Quoi ? C’est une honte ! C’est ta compagnie qui commet une erreur. Ils doivent te rembourser. Lucy, j’avais tellement hâte que tu arrives. Nous n’avons pas passé de Noël ensemble depuis cinq ans."

"Je sais, Lois. J’avais -- j’ai hâte de vous retrouver, toi et Clark et plus spécialement ma petite nièce. Et je viens toujours vous voir. Seulement, ça ne sera pas avant le 27."

"Lucy, tu vas être toute seule à Noël." Lois avait passé quelques Noëls comme ça et était dévastée à la pensée que sa jeune sœur allait devoir endurer la même chose. Lucy et elle avaient passé tellement de Noëls malheureux quand elles étaient enfants que Lois voulait compenser tous ces moments, maintenant que les Kent, tous les trois, lui avait redonné le courage d’aimer à nouveau. Elle voulait que Lucy connaisse elle aussi cette chaleur. Lois resta un instant silencieuse, alors que ces pensées lui traversaient l'esprit.

"Ne t’en fais pas, Lois, je ne serai pas seule. Je vais passer la journée de Noël avec Jenny et sa famille. J’étais là-bas pour Thanksgiving, souviens-toi ? Ce sont des gens merveilleux, Lois. Une famille traditionnelle -- tu sais, où le père et la mère savent encore rire ensemble. Et ils me traitent comme si j’étais un membre de la famille."

"Je suppose que c’est parce que nous avons eu des moments très difficiles quand nous étions jeunes." La voix de Lois était douce, elle tentait d'alléger la douleur qu’elles avaient ressentie quand elles étaient enfants.

Le rire de Lucy avait un soupçon d’amertume. "Tu peux dire ça. Sais-tu de quoi je me souviens le mieux de Noël ? Le bruit. Maman et Papa qui criaient et les portes qui claquaient." Elle s'interrompit un instant et poursuivit, avec emphase, "Quand il était là, bien sûr. Je me rappelle le premier Noël où il était absent. Te rappelles-tu du sapin de Noël piteux que tu avais décoré ? J’ai trouvé qu’il était magnifique. Jusqu’à ce que je voie cet arbre, je croyais qu’il n’allait pas y avoir d’arbre de Noël du tout."

"Je m’en souviens aussi." Lois sentit ses yeux se brouiller et essaya de contrôler sa voix. "Écoute-moi, Lucy. Superman me doit une faveur. Je crois qu’il pourra t’amener ici."

Le rire de Lucy était franc, cette fois. "Garde ta faveur pour une autre fois, Lois. Je vais me débrouiller."

Lois comprit ce que sa sœur faisait vraiment. "Tu ne veux pas venir, c'est ça, Lucy ? C’est Papa, n’est-ce pas ? Tu ne veux pas le voir. C’est pour ça que tu évites de venir à Noël. C’est pour ça que tu n’as pas assisté à mon mariage, c'est ça ?"

"Lequel , Lois ?" la taquina sa sœur. "C’est difficile de prendre une invitation de mariage au sérieux venant de toi."

Lois rit. "Ne change pas de sujet, Luce. Je crois vraiment que Papa veut se rapprocher de nous. "

"Oh-oh. Eh bien, il devient vieux, tu vois et il a peur du noir. Ça m'est égal. As-tu oublié comment c’était, Lois? Rien n'était jamais assez bien, les disputes, les aventures, sachant qu’il n’était jamais là quand c'était important?"

"Je sais, Lucy, je sais. Mais si Maman peut recommencer à reconstruire une amitié avec lui, alors peut-être que toi et moi devrions aussi essayer." Lois croyait réellement ce qu’elle disait. Peut-être était-ce l’influence de Clark, la façon qu'il avait de prendre ce qu'il y avait de mieux chez les gens. C'était aussi son père. Peu importe comment elle ressentait son abandon, elle lui serait toujours reconnaissante d'avoir sauvé la vie de Clark, trois Noëls plus tôt. Il n’avait peut-être pas été là pour elle par le passé, mais il avait été là pour Clark cette nuit-là. Malheureusement, elle savait qu’elle ne pouvait pas raconter ça à Lucy.

"Maman joue encore le rôle de la victime, n'est-ce pas ? Pas moi." Le ton de Lucy était tranchant, puis elle s'adoucit en expliquant à sa sœur : "J’accepte assez bien la situation maintenant, Lois. Le Dr Friskin m’a vraiment aidé à comprendre comment tout ça nous a affectées. Savais-tu que je m'en voulais -- si seulement j’avais été plus gentille, alors Maman n'aurait pas bu et Papa serait resté. Je parie que tu t’en aies voulue aussi, Lois. Nos relations amoureuses passées avec les hommes sont des trucs classiques que l’on trouve dans les bouquins."

Lois soupira, se rappelant Lucy comme la petite fille qui se cachait dans sa chambre pendant de longs moments, refusant de sortir pendant que ses parents se disputaient dans la salle de séjour. Elle souhaitait désespérément pouvoir remonter le temps et réconforter cette enfant. "Lucy, promets-moi que tu seras là le 27."

"Je serai là. Tu me manques, Lois. Il est temps pour moi de mieux connaître Clark et je n’ai pas encore vu ma nièce. Tu ne peux pas toujours me tenir à l’écart !"

"J’espère que non. Je lui ai parlé de toi. Je lui ai dit que ton revers est meilleur que le mien et que tu étais la meilleure patineuse de la ville. Souviens-toi de cet hiver où grand-père nous a appris le patinage de vitesse et qu'on faisait semblant d'être des oies volant en formation, pendant qu'on le suivait ?"

"Oui ! Il m'a fallu si longtemps pour trouver mon équilibre et puis, tout à coup, c’était parfait ! Il m’avait pris dans ses bras quand nous sommes arrivés au bout de l’étang et il m’a fait tournoyer et s'est mis à rire. Il m’a appelé 'Le Démon de la Vitesse'."

"Luce, j’aimerais tant que tu puisses rester avec nous pour le Nouvel An," dit Lois, la voix pleine d’espoir. Puis, se forçant à garder un ton léger, elle suggéra, "Je suppose que tu ne peux pas annuler ce rendez-vous au réveillon du Jour de l’An ?"

Lucy rit. "Je ne crois pas, sœurette. Bryan a fait des réservations pour le dîner dans le meilleur restaurant de la ville et nous allons à une soirée organisée par Bob et Cindy. De toute manière, j’ai déjà acheté la robe."

"D’accord, d’accord. Nous viendrons te chercher à l’aéroport le 26. À quelle heure ton avion arrive-t-il ?"

"Assez tard. Vingt-trois heures trente."

"Nous y serons. Oh, donne-moi le numéro de Jenny pour que je puisse t’appeler le matin de Noël."

Lucy le lui donna et lui dit au revoir.

"Bye, Luce. Je t’aime." Lois replaça le combiné et resta assise un instant, les yeux remplis de larmes. Elle se souvenait du temps où Lucy et elle étaient petites et heureusement inconscientes des problèmes entre leurs parents et puis, plus tard, ces Noëls amers où ils prétendaient tous que tout allait bien et que les deux filles croyaient naïvement qu'en parvenant à faire passer un bon Noël à leurs parents, leur père resterait. Puis de la silencieuse douleur de leur premier Noël où leur père était absent et leur mère ivre et enfin, qu'elles avaient dû accepter qu’il n’avait pas vraiment été là pour elles depuis longtemps et qu’il ne le serait jamais. Lois sanglota, comme si elle luttait pour respirer.

Clark tourna la poignée de la porte du bureau sombre et s'avança vers elle, il posa la main sur son épaule et lui dit d’une voix douce. "Ça va, chérie ?" Il lui caressa les bras en essayant de la réconforter.

"Oh, Clark...." Lois était sur le point d’éclater en sanglots. "Elle ne viendra pas à Noël."

"Qu’y a-t-il ? Elle a des problèmes avec son vol ? Je peux régler ce problème assez facilement." Doucement, il prit son menton pour l'obliger à le regarder.

"Ce n’est pas aussi simple. Elle ne veut pas voir Papa."

"Ah." La voix de Clark était pleine de sympathie. "Et bien, nous allons devoir nous assurer lorsqu'elle viendra, de trouver le moment opportun pour qu'elle accepte de voir Sam." Penchant sa tête, il l’embrassa tendrement, puis se leva derrière elle et prit sa main. "Reviens à la réception, Lois. Perry a son costume de Noël d’Elvis et il s’apprête à chanter 'Blue Christmas.' Ça va être historique."

"Oh, non !" Mais elle le suivit néanmoins dans la salle, l'esprit en Californie avec sa sœur.

Perry était de bonne humeur -- quoique pas tout à fait -- en enlevant son costume de Père Noël dans son bureau. "Blue Christmas" avait été un franc succès; même Jimmy avait follement applaudi, s’écriant : "Encore ! Encore !" -- bien que ça concernait plutôt Penny, qui avait insisté pour l’accompagner, légère et court vêtue, sur une sorte de danse improvisée, bien accueillie par les membres masculins du personnel. Elle était, elle aussi, plutôt jolie, même si elle n'arrivait pas à la cheville d'Alice quelques années plus tôt.

Il sourit ; Jimmy pensait qu'Alice et lui et étaient vieux et dépassés -- ce garçon serait très surpris s’il apprenait sur quoi ils dansaient à son âge ! Et il ne croirait pas non plus ces films de famille montrant une Alice de 25 ans qui dansait ! Alice avait presque tué le type qui les avait pris ; il avait fallu à Perry une habile mise en scène pour réussir à les préserver pour la postérité -- ou, du moins, pour son propre plaisir.

Pendant ce temps, O'Halloran n’était toujours pas revenu de l’Hôtel de Ville et Perry, malgré toute sa bonne humeur du moment, commençait un peu à fulminer. Mais combien de temps fallait-il pour prendre une photo de la Nativité, même s'il s'agissait d'une manifestation ? Les trois quarts d’heure était passés depuis longtemps ; la prochaine édition attendait une bonne photo et ensuite on pourrait boucler. Si O'Halloran ne se pointait pas dans les dix prochaines minutes, il allait devoir refaire toute la Une ! Hmm... il pouvait peut-être demander à Cass de faire un croquis de la scène...

Ses pensées furent interrompues par le téléphone. C’était le Mark O'Halloran manquant, mais tous les reproches qu’aurait pu lui adresser Perry s'évanouirent quand le photographe lui raconta la raison de son retard. Il y avait des problèmes à la Nativité.

Selon Mark, tout allait bien et était tranquille au début et il n’avait pas eu de difficulté à prendre une série de photos de la scène sur les marches de l’Hôtel de Ville. Il avait pris quelques rouleaux de pellicule des "acteurs", des autres manifestants, ainsi que des gens de leur organisation et des porte-parole, de même que certains officiels de la Ville qui étaient venus et avaient accepté d'écrire un message et de signer une pétition. Il avait même réussi à prendre une photo de Superman qui saluait la foule en faisant sa ronde.

Jusque là, la manifestation avait été un modèle du genre, un parfait exemple de la façon dont les citoyens, même sans domicile fixe, pouvaient présenter leurs opinions à ceux qui détenaient le pouvoir. D'accord, c'était plutôt inhabituel de manifester à cette heure de la nuit, mais les organisateurs avaient leurs raisons et ils avaient obtenu les permis et tout était en règle. Ce qui rendit la suite encore plus catastrophique.

Les problèmes commencèrent à l'autre bout de la foule. Les manifestants s'étaient mis en demi-cercle autour du tableau sur le parvis et écoutaient un porte-parole qui décrivait la condition des S.D.F à cette époque de l’année, avec de subtils parallèles à l’histoire de la Nativité. Tout allait bien, mis à part les nerfs des officiels de la Mairie qui allaient devoir s’adresser à la foule pour fournir des explications, quand une bagarre éclata -- et que tout bascula.

Ce qui arriva par la suite, dit O'Halloran, était en gros que la confusion engendrée par l’événement avait rapidement tourné au chaos. Des manifestants avaient tenté d’arrêter la bagarre ; la police qui accompagnait la manifestation s'en était aussi mêlée, mais les manifestants s’étaient mis sur leur route. Les Policiers Municipaux avaient tenté de se frayer un passage à travers la foule agitée et nombreuse de l’autre côté et, dans leur mouvement précipité, avaient frappé une ou deux personnes. Ceci avait énervé leurs compagnons, qui s’étaient dirigés vers les "flics". C'est alors, hélas, que quelqu'un -- personne ne savait vraiment de qui il s'agissait, car les deux camps le niaient -- avait commencé à lancer des pierres et des bouteilles vides et la scène s'était transformée en une masse de combattants.

Ce n’était pas une révolte et ce n’était pas non plus une bagarre de rue -- ça ressemblait plus à une aire de jeu plus grande que nature et désordonnée, sans plus. Personne ne frappait vraiment, et les policiers pas plus que les gardes ne sortaient leurs armes, les manifestants ne faisaient que se dresser, mais fermement, et luttaient contre toute personne qui tentait de les passer et les autorités avaient compris leur stratégie, s'employant bien sûr à garder un certain contrôle sur les événements.

Le vrai danger venait des projectiles. O'Halloran avait pris des photos de la bagarre quand il fut touché à la tête par une bouteille. Un ambulancier proche de lui l’avait traîné hors de la foule pour examiner sa blessure, ce qui expliquait sa longue absence. La bagarre, telle qu’elle avait été, avait diminué d'intensité et maintenant, tout le monde cherchait à comprendre ce qui venait de se passer.

Perry demanda au photographe s’il allait bien, ce dernier lui assura que oui -- ainsi que sa pellicule -- et lui dit de revenir tout de suite au Planet, puis raccrocha. Il resta ainsi quelques instants à réfléchir, puis sortit de son bureau et balaya la salle de rédaction du regard à la recherche de Clark. Le remarquant qui parlait avec des gens de la publicité, il traversa la salle, évitant avec agilité les groupes qui discutaient. S’excusant auprès de ses collègues, Perry emmena Clark un peu plus loin pour lui raconter ce qui s'était passé.

"Bien que je déteste devoir ruiner votre soirée, Clark, j’ai besoin que vous alliez là-bas pour voir ce qui se passe. Si vous revenez avant 23 heures, je mettrai ça en première page pour l’édition du matin."

"Bien, Chef. J’y vais tout de suite." Clark était bouleversé; quand il avait survolé l’Hôtel de Ville à son retour de STAR Labs, tout semblait si calme -- et maintenant, ceci. La bonne nouvelle dans tout cela était que la bagarre était terminée et ça n’avait pas dû être si sérieux que ça sinon sa super oreille l’aurait détecté...

Il allait partir, quand Perry le rattrapa. "Oh, et Clark? Vous n’avez pas besoin d’en parler à Lois, du moins pas maintenant. Elle s'amuse et je veux la laisser faire. Si elle peut se détendre et s’amuser ce soir, elle aura peut-être plus de facilité à traverser la période des Fêtes. Noël avec un nouveau bébé est très plaisant, mais ce n’est pas de tout repos, si je me rappelle bien, alors laissez-la décompresser pendant qu’elle le peut."

Clark était moins certain de la sagesse de ces paroles -- Lois détestait être mise à l’écart, avec ou sans bébé -- mais, en y repensant, il n’y avait probablement rien qu’elle ne puisse faire à l’Hôtel de Ville qu’il ne pouvait faire et il n’aimait pas l’idée de laisser Laura seule sans un de ses parents, même s’il y avait des baby-sitters "expérimentées". Peut-être que Perry avait raison... Dans ce cas, il devait se rendre là-bas tout de suite, même s’il ne pensait pas avoir besoin de son costume -- pas tout de suite, en tout cas.

Lois s’éloigna du sapin de Noël pour jeter un œil à son mari et à Perry, perdus dans leur conversation, à l’autre bout de la pièce bruyante. Même si elle ne pouvait pas les entendre, elle était certaine de savoir de quoi ils parlaient. Ils complotaient. Elle les connaissait suffisamment tous les deux pour reconnaître leurs langages corporels respectifs : le sérieux du visage de Perry qui, d’une certaine manière, serrait les dents et la tête de Clark, légèrement inclinée, acquiesçant à ce que lui disait son aîné. Et elle savait que le complot parlait d'elle; du moins, elle savait que ça la concernait parce que c’était un complot dont elle ne faisait pas partie. Elle pouvait le dire à la manière dont Clark jetait vers elle des regards furtifs et constants.

Puis, Clark disparut, sans desserrer sa cravate. Les soupçons de Lois étaient confirmés. Quelque chose était arrivé, probablement à la manifestation et elle n’avait pas été envoyée pour enquêter sur cette histoire, que ce soit seule ou avec Clark. Pourquoi ? Elle ne trouvait aucune raison valable. N'était-elle pas une journaliste aussi compétente que Clark ? Elle possédait un mauvais sens de l’orientation et pouvait se perdre ? Toutes ces questions ne collaient pas. Elle ne pouvait pas traverser la rue en toute sécurité ? Elle était mère de famille...? Hah !

Les yeux de Lois se concentrèrent sur Perry en le regardant à l'autre bout de la pièce. "Alors, Perry, où est allé Clark ?" 'Demandé assez innocemment,' pensa-t-elle.

"Hum, eh bien, ma chérie, il suit la manifestation. Il vérifie certains événements de la soirée."

Le rire de Lois était léger et pas très sincère et à moitié étonné. "Zut, il n’a toujours pas fini cet article, c'est ça ?" Puis ses yeux se rétrécirent. "Voilà une bonne raison de m'envoyer avec lui."

"Écoutez-moi, ma chérie, Priscilla ne suivait pas Elvis partout, spécialement après la naissance de la petite Lisa-Marie." Ils comprirent tous deux qu’il venait de faire une erreur dès qu’il prononça ces paroles. "Écoutez, Lois, ce n’est pas une histoire importante. Clark peut très bien se débrouiller seul. Vous n’avez pas besoin de quitter tous les deux la réception pour cet article." Puis, la chance lui sourit : Jane, du service Juridique, lui demanda de l’accompagner sur la piste de danse.

Furieuse, Lois le regarda s’échapper et pensa à ce qu’elle allait faire. Elle pourrait couvrir l’histoire sous un autre angle. Tout d’abord, elle se dirigea vers la salle de conférence pour dire à Cat et à Laura, qui était endormie, qu’elle allait s'absenter un moment. Puis, elle prit un sac plastique et se fraya un chemin vers la table où était dressé le buffet, près de la grande fenêtre donnant à l’est de la salle de rédaction. Très vite, elle remplit le sac avec uniquement de la nourriture à effrayer un chirurgien de l'Hôpital Général , y ajouta un verre en plastique plein de punch et partit à la recherche de Bobby le Morfal.

Lois trouva Bobby à l’extérieur de la gare de Métropolis fraîchement rénovée. C'est plutôt lui qui la trouva. Il se retrouva soudain à ses côtés, les épaules recouvertes de cuir pour se protéger du froid, en se mettant dans ses pas. "J’ai entendu dire que tu me cherchais." Il ne la regarda pas en parlant.

"Bobby ! J’ai pensé que tu pouvais avoir faim. Je t’ai apporté quelques trucs."

"Tu as très bien fait, ma grande. Des friandises de la petite fête du Planet ? J’espère que tu as laissé les légumes. Rentrons dans la gare pour voir ce que tu m’as apporté."

Les gens grouillaient autour d'eux ou se tenaient à côté de sacs et de valises pleins de cadeaux de Noël, attendant le départ d'un train, l’achat d’un billet ou simplement se baladaient. "C’est géant, n’est-ce pas ? Il ont fait un bon boulot pour rénover cet endroit," dit Bobby, balayant de la main le revêtement rénové. Il la guida vers la partie est des quais de départ. "Là-bas, c'est le quai de départ pour Chicago." Ils se dirigèrent vers une petite alcôve où plusieurs sièges étaient libres. Lois s’assit sur le vinyle noir du siège qui les séparait.

"Tu as l'air en pleine forme, Lois. La maternité te va bien. On dirait que tu as pris quelques kilos. C’est bien. Comment va Kent ? Et le bébé ?" Tandis qu’il parlait, ses mains fouillaient dans le sac plastique, faisant une inspection préliminaire de son contenu. "Isaac Traiteur. Excellent choix. Je suppose qu’ils ne t’ont pas chargée du buffet."

Lois se rappela que Cat avait presque fait le même commentaire quand elle organisait la réception. Elle fronça les sourcils. Elle aurait pu faire du bon travail en s’occupant de la nourriture. Après tout, elle avait un agenda des meilleurs endroits de plats à emporter de tout Métropolis. Elle se ressaisit en hochant la tête. "Bobby, j'ai besoin d'informations."

"Sans blague. Délicieuse salade de pommes de terre. De la sauce à la moutarde. Super, super. Oh, des saucisses en croûte. Mmmm." Il réussit presque à en avaler une en une seule bouchée.

Lois l’observa, toujours aussi impressionnée. Comment pouvait-il manger tant sans prendre de poids ? "Bobby..." Elle essaya d'attirer son attention et fut récompensée quand il leva la tête pour la regarder, tout en continuant de manger. "Que sais-tu de la manifestation des sans-abri qui a eu lieu à l’Hôtel de Ville ?"

Il réfléchit entre deux bouchées. "Il n’y a pas grand chose à savoir. Ils sont tout à fait réglo."

"Mais qu’est-ce qui se passe en ce moment ?" Lois n’avait aucune idée de quoi il s'agissait; tout ce qu’elle savait c'était que ce devait être assez important pour que Clark aille couvrir l’histoire.

"Tu parles de la bagarre avec les Policiers Municipaux ? J’ai entendu dire que ça a commencé avec quelques gamins. Pourquoi ça t'intéresse ? Il n’y rien là-dedans. Ce sont des gosses de rue qui cherchent à s'amuser, à crier des insultes et à se bagarrer -- et tout à coup, ça devient d’une importance capitale." Il plongea à nouveau dans le sac. "T'as apporté le dessert ? Oui, un gâteau au fromage." Ses yeux brillèrent en le regardant, ajoutant un certain charme à son visage étroit.

Pendant un moment, Lois crut qu’il ressemblait à un petit Lex Luthor. Ses yeux s'écarquillèrent. Secouant la tête pour effacer cette image, elle se concentra de nouveau sur ce que Bobby avait à dire. Elle était déçue; il semblait qu’il n’y avait rien de sensationnel dans tout cela, après tout. Bobby continua de parler, la voix partiellement couverte par les bouchées du gâteau qu’il prenait et dont quelques miettes pendaient dangereusement à sa bouche. "Les choses sont très difficiles pour ces types à cette époque de l’année. Les rues ne sont pas un endroit où l’on doit passer l’hiver. C’est difficile de faire confiance à quelqu’un. Personne ne s'amène un beau jour pour te raconter ce qu'il sait ou il est prit dans une bagarre ou fait une overdose. Les gens vont et viennent. Il y a eu quelques incidents là-bas, depuis quelques semaines. La municipalité ne s’est pas beaucoup bougée pour les résoudre."

"Des incidents ?"

"Ouais. Un réseau d’eau a explosé où quelques vieux avaient l’habitude de trouver refuge. La malchance. Ça arrive tout le temps."

Lois soupira. 'Et bien, il n’y a pas grand-chose là-dedans. Simplement les suspects habituels,' pensa-t-elle. Elle se leva, puis boutonna son manteau. "Merci, Bobby."

"Pas de problème." Il mordit à belles dents dans un petit pain au fromage. "Dis bonjour à Kent de ma part. Rappelle-lui de bien nourrir la petite. C’est une bonne chose qu’elle ait un père en cas d’urgence."

"Qu’est-ce que ça veut dire ?!" aboya agressivement Lois.

"Hé, détends-toi, Lois. Rappelle-toi, j’ai pu voir ce que contenait ton frigo. Tragique." Il hocha la tête avec compassion.

Lois laissa échapper un soupir indigné, puis elle se calma. C’était, après tout, une période de réjouissances. "Elle va bien, Bobby. Hé, passe un joyeux Noël, d’accord ?" Elle eut le désagréable sentiment que peut-être il ne passerait pas de joyeuses fêtes.

"Je vais le faire." Ses yeux brillèrent. "Ma sœur Thelma et moi allons réveillonner ensemble. Sa farce est la meilleure de toute la ville. Et ses tartes, un délice !"

Lois rit de bon coeur. "Joyeux Noël, Bobby."

"Toi aussi, Lois, toi aussi." Il leva un petit pain en signe d'adieu, tandis qu’elle se retournait pour partir.

Lois retourna dans la salle de rédaction qui était plus tranquille que lorsqu'elle l'avait quittée, et même un peu trop calme. Elle n’était pas partie très longtemps -- en vérité, elle fut surprise d'avoir fait aussi vite, car Cat était encore dans la salle de conférence ! -- mais elle espérait que Perry n’avait pas remarqué son absence. Elle n’était pas très heureuse de cette histoire d'envoyer Clark pour couvrir cet article et qu'en plus il s’attende à ce qu’elle reste à l'écart à jouer à la petite maman, et son échec pour soutirer des informations à Bobby afin de déjouer ce "plan " la rendait encore plus mal à l'aise. Si Perry apprenait qu’elle avait foncé sans son autorisation, il allait prendre son air supérieur et réprobateur -- "Je vous avais dit que ce n’était pas un article important, Lois. Maintenant, vous allez écouter votre vieil éditeur quand il vous dit quelque chose, hein ?" -- et elle n’allait pas lui fournir de munitions pour la prochaine fois où il essaierait ça.

Bien sûr, en ce qui concernait Lois, il n’y aurait pas de prochaine fois ! Elle était peut-être mère, mais elle était également journaliste et avoir un bébé ne la condamnait pas à rédiger des articles sans intérêt le reste de sa carrière ! Surtout pas lorsque son époux et partenaire était là-bas à l’extérieur en train de survoler la ville, ramassant des scoops et récoltant des prix pour ses articles !

Pendant un bref moment, elle resta là à fulminer contre son éditeur et son mari. Puis, reprenant son comportement habituel des années passées, elle reporta sa colère sur tous les représentants de la gent masculine -- des sexistes, tous. Pourtant, comme ils refusaient résolument d'agir normalement, sa colère s'envola en fumée, elle se calma et se mit à réfléchir à sa situation. Elle réalisa qu’elle était probablement très injuste envers Clark, mais elle allait faire quelques réflexions à Perry. Il valait mieux ne pas la pousser dans ses extrémités ou il allait y avoir des étincelles !

Elle balaya la salle de rédaction du regard. La réception était plus calme qu’à son départ, mais des personnes étaient encore en train de danser, parler, manger et boire... En parlant de boissons, Ralph était, comme à son habitude dans une réception, assez ivre pour qu’on le remarque. Tandis qu’elle l’observait, il la vit et cria : "Hé, Lois ! V'nez on va danser -- vite, avant que Kent ne revienne !"

Il était difficile de dire ce qui était le plus révoltant : la perspective de danser avec un Ralph en état d'ébriété; la demande moins que discrète, articulée dans une sorte de plainte aiguë et avinée; ou l'insinuation qu'elle pourrait être intéressée d'aller avec n'importe qui derrière le dos de Clark, certainement pas lui. La question était discutable. Lois sentit monter sa colère, mais contrôla son envie de se diriger vers le type et de lui flanquer une raclée. Ça ne changerait rien; la peau de Ralph était aussi épaisse que celle d’un éléphant -- pas juste la peau, mais plutôt l’animal entier ! -- et il allait probablement interpréter son geste comme une "marque d’affection". Une fois réveillé, bien sûr.

An attendant, il était urgent de trouver une excuse pour ne pas rester à côté de cet ivrogne. La réponse -- Laura -- se présenta d’elle-même, mais Lois n’était pas ravie de se cacher derrière son bébé pour l’éviter. Elle détestait les hypocrites et évitait le plus possible d’en être une; alors, après avoir joué les indignées devant Perry quelques minutes plus tôt, utiliser l’excuse de la maternité pour éviter l’invitation de Ralph la faisait un peu rager. D’un autre côté, les situations désespérées requièrent des remèdes désespérés...

Elle jeta un coup d’œil à sa montre d'une manière qu’elle espérait maternelle, puis répondit. "Excuse-moi, Ralph. Il est temps que j’aille jeter un œil sur Laura. Je t'envoie Cat; peut-être que ça lui fera plaisir de danser avec toi..."

'Et peut-être qu’elle préférera se servir de toi comme paillasson. Je sais que je le ferais...' pensa-t-elle, en se dirigeant vers la salle de conférence. Elle se sentit coupable de laisser Cat entre les mains de Ralph, mais elle supposa qu’elle allait pouvoir se débrouiller. Elle avait fréquenté assez de "réceptions" célèbres; si certaines des histoires qu’elle lui avait racontées étaient à moitié vraies, elle allait être capable de s’occuper d’un ivrogne pathétique et lascif avec une botte rouge attachée dans le dos.

Lois allait ouvrir la porte de la salle de conférence quand ce qu'elle vit à l'extérieur la fit réfléchir. Cat était penchée sur le siège de bébé avec une expression inhabituelle à regarder Laura qui dormait. Inhabituelle pour Cat, du moins; Lois était à peu près certaine qu’elle avait vu la même expression sur le visage de Clark... et celui de Martha... et de Jonathan, de sa mère et de son père, de même que celui de Perry -- et elle soupçonnait fortement que cette expression apparaissait régulièrement sur le sien. Même si c’était difficile à croire, Cat Grant montrait tous les signes d'être hypnotisée par elle, sa petite fille à elle, Lois Lane !

'Bien, bien...' pensa-t-elle, fronçant les sourcils avec surprise. 'Qu’est-ce qu’on dit, à propos des horloges biologiques ?' Elle sourit, se demandant si elle pouvait se risquer à lancer à Cat quelques piques ; après tout, elle devait probablement à Cat des milliers de sarcasmes qui dataient de cinq ou six ans. Mais elle hésita; en fait, il n'est pas bien de narguer quelqu’un qui pense que votre petite fille est fantastique, que ce soit de manière gentille ou non.

Son sourire s'élargit en entrant dans la pièce. "Salut, Cat." Cat leva les yeux et lui retourna son salut. "Merci d’avoir surveillé Laura. Je vais prendre la relève, tu peux aller rejoindre la réception. Fais quand même attention : Ralph enquiquine tout le monde -- et toutes les femmes qui lui tombent sous la main."

Cat leva les yeux au ciel mais ne fit aucun commentaire sur les mains baladeuses de son collègue. Au lieu de cela, elle jeta un dernier regard sur Laura avant de répondre : "Ça me fait plaisir, Lois. Laura et moi avons eu une soirée du tonnerre. Je sais que quitter une réception pour aller surveiller un bébé n’est pas exactement ce qu’on s'attend à me voir faire, mais voilà, je l’ai fait ; j’ai vraiment aimé mon expérience. En fait, quand Imelda est venue me voir pour me remplacer peu de temps après que tu sois partie, je lui ai dit de ne pas s’en faire, que je m'amusais trop. Tu aurais dû voir sa tête !"

Les deux femmes se mirent à rire. Lois était étonnée; elle avait été assez surprise que Cat ait accepté de tenir compagnie au bébé et elle semblait être positivement enthousiasmée ! Il fallait qu'elle lui demande : "Et qu'as-tu fait pour t'être tant amusée ?"

"Oh, pas grand-chose. Nous avons joué un peu -- hé, elle adore mes boucles d’oreille; peut-être que tu devrais lui en acheter ou peut-être un mobile ou quelque chose avec des trucs qui pendent et qui brillent. Ça l'occuperait pendant des heures ! --et je lui ai parlé. Elle s'est endormie au bout d’un moment et j’ai eu la chance de la regarder et de réfléchir un peu. Je trouve que les enfants qui dorment nous amènent à réfléchir, tu ne trouves pas ?"

Elle baissa la voix, paraissant presque envieuse et Lois l’observa, abasourdie. Peut-être avait-elle raison en pensant que Cat songeait peut-être à avoir elle aussi des enfants. "Tant mieux, je suis heureuse de savoir que tu t'es amusée," dit-elle doucement, pas encore certaine de comprendre ce qui arrivait. "Merci encore."

"Pas de problème, Lois -- je crois que je vais aller m’excuser auprès d’Imelda ; elle semblait déçue et aussi choquée, quand je lui ai dit qu’elle n’avait pas besoin de venir surveiller Laura." Cat leva sardoniquement un sourcil, avec un petit sourire. "Tu sais, si cette soirée peut servir de guide, je crois que tu vas avoir une seconde famille non officielle pour cette charmante petite fille. Perry est tout désigné pour devenir grand-père et je vois très bien Jimmy, une fois qu’il aura surmonté sa peur de se trouver près d'un bébé, devenir pour elle un vrai grand frère. Il sera probablement être plus protecteur que Clark !"

Cat se mit à rire et Lois la suivit, même si elle ne riait pas tout à fait pour les mêmes raisons. 'Vous ne savez pas à quel point Clark peut être protecteur, mademoiselle Grant!'

"Peut-être bien que je vais me nommer tante adoptive de cette petite," songea Cat. "Laura va avoir besoin de quelqu’un pour équilibrer toute cette influence masculine, et qui est mieux placé que moi pour ça ? Cela ne veut pas dire que je vais être disponible comme baby-sitter ou autre chose -- du moins, pas avant qu'elle ne soit assez grande pour faire les boutiques..."

Ce fut le tour de Lois de lever les yeux au ciel à cette remarque, mais Cat se contenta de sourire. Elle se pencha par-dessus Laura pour lui toucher la joue du bout du doigt, en murmurant doucement : "Tu es une petite personne si magnifique..." Puis, elle se leva et se dirigea vers la porte, envoyant un "Ciao !" enthousiaste par-dessus son épaule en sortant de la pièce.

La porte de la salle de conférence se referma derrière elle et le bruit réveilla Laura. Lois prit la place de Cat et se pencha au-dessus du siège et attira l’attention de la petite fille maintenant réveillée. "Bonjour, mon trésor. Maman est revenue."

Laura semblait heureuse de la revoir et toutes les deux passèrent un moment à un jeu de doigts que Lois savait que sa fille appréciait -- ou qui pouvait au moins l'occuper pendant un long moment. Mais, la petite fille commença ensuite à s’agiter un peu dans son siège et la partie fut oubliée tandis qu’elle tendait les bras vers sa mère, ses gazouillements joyeux se transformant en une plainte urgente. Lois reconnut ce comportement. "Tu as faim, n'est-ce pas, mon ange ? D’accord... Je crois que je peux faire quelque chose."

Même si elle le faisait depuis des mois maintenant, Lois ressentait encore un frisson et un plaisir surprenant de pouvoir allaiter sa fille. Elle avait l’habitude depuis le temps et elle faisait les préparations habituelles dans sa façon de le faire. Après avoir sorti quelques petites choses du "sac de bébé" et les avoir placées afin de pouvoir les attraper facilement, elle prit un soin spécial à arranger les chaises, s’assurant de tourner le dos aux vitres de la salle de conférence; accepter d'allaiter son enfant en public était une chose, mais elle ne trouvait pas nécessaire de permettre à cet ivrogne de Ralph -- pas plus qu'à d'autres -- de lorgner pendant qu'elle allaitait son bébé ! Seul Clark avait ce privilège et il ne lorgnait pas.

Une fois tout organisé à sa satisfaction, elle déboutonna son chemisier et son soutien-gorge, prit la petite fille maintenant insistante et s'installa sur la chaise. Laura trouva rapidement son sein et commença à le téter avec enthousiasme.

Lois baissa les yeux vers le magnifique bébé qu’elle nourrissait. Cat avait raison; Laura était une petite personne fantastique -- même plus que quiconque ne pouvait le savoir, à part les quelques personnes qui connaissaient le secret de Clark. Cette petite fille superbe renfermait les espoirs et les rêves de ses parents et de leurs familles et ceux des vrais parents de Clark, morts depuis longtemps...

Son existence même était incroyable, si on y pensait. Malgré toutes les histoires de science-fiction d’enfants issus d'extra-terrestres et d'humains, de Star Trek à "Mars Needs Women", le fait était que les possibilités entre deux personnes de planètes différentes de pouvoir fonder une famille étaient littéralement astronomiques; et ce qui ne cessait d’étonner Lois était que les Kryptoniens et les humains se ressemblaient tant !

La nouvelle du Dr Klein disant qu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfants leur avait brisé le cœur sur le moment, mais une fois qu’elle y avait vraiment réfléchi, Lois était arrivée à une conclusion qui n’était pas très surprenante. Elle était humaine et Clark ne l’était pas -- même si, à part voler, leurs différences paraissaient mineures (et vive la différence, avait-elle dit en riant). Et cette idée leur avait expliqué le problème et avait raffermi sa décision de trouver un moyen de le contourner; même si Clark était né sur une autre planète et pouvait toujours être son âme sœur et l’homme de ses rêves (et quel homme !), en aucune façon elle n'allait rester assise et accepter ce que le Dr Klein leur avait dit sans se battre ! Mais où était donc le chocolat ?

Et, après tous ces soucis et tous ces efforts -- sans parler de beaucoup d’amour et de joie -- elle était là, leur petite fille très spéciale. Unique, tout comme son père était unique. Destinée, si l’on en croyait H.G. Wells, à être la première de leurs descendants à créer Utopia dans le futur. Un cadeau du ciel pour ce monde...

Les sourcils de Lois se dressèrent quand elle réalisa ce qu’elle disait. 'Bon sang,' pensa-t-elle, 'on dirait le vieux M. Drake du catéchisme…' Cette pensée la mit mal à l'aise, mais ses instincts de journaliste continuaient à faire des parallèles. Ceci dit, décida-t-elle instantanément, personne ne m'entendra jamais dire ça..

'Surtout pas Clark,' pensa-t-elle. 'Il serait horrifié. Il déteste que les gens le décrivent comme un "miracle" ou encore comme un "dieu". Mon Dieu, combien de fois l’ai-je entendu se plaindre à ce propos : "Je suis un homme, Lois, pas un dieu ; j’ai simplement… ces pouvoirs. J’aimerais tant qu’ils ne fassent pas ça..." L’idée qu’un dingue puisse sauter le pas et comparer Laura à Jésus-Christ le traumatiserait.'

Bien, le meilleur moyen d’éviter ça était de s'assurer que personne ne sache que Laura Kent était aussi la fille de Superman. De cette manière, personne ne pourrait faire le rapprochement, à moins que Laura n’adopte une identité secrète -- si elle le faisait un jour. Les pensées de Lois se focalisèrent sur cette distraction et elle passa un agréable moment à se demander si Laura adopterait le surnom d’Ultra Woman et si le costume lui irait.

Elle se sentit un peu mieux, mais elle s’était résolue de ne parler à quiconque de la naissance de Laura comme "ressemblant" à la naissance de Jésus. En ce qui la concernait, le seul miracle au sujet de Laura était tout d'abord que Dieu avait béni ses parents, et elle était ravie que ça reste comme ça.

Mais le besoin de garder ce qui était maintenant le Secret de la Famille Kent la mit de nouveau mal à l’aise, même si elle avait rit de la façon dont elle avait mis l’accent sur les mots dans sa tête. Parce qu’une personne qui n'était pas de la famille savait, elle en était certaine -- Lex Luthor -- et l’idée qu’il tente de mettre la main sur son bébé la rendait malade. Elle l’imaginait très bien orchestrer une "religion" avec Laura comme nouveau Messie. C'était exactement le genre de choses qu’il prenait un malin plaisir à faire.

Elle se contracta inconsciemment, son corps se préparant à défendre sa fille, même s’il n’y avait pas ici de raison de la protéger. Laura parut le sentir, elle commença à s'agiter. Lois la consola très vite, la berçant pour la rassurer en changeant la petite fille de sein. Très vite, la mère et la fille se calmèrent, mais Lois ne put s’empêcher de penser à quelque chose d’étrange qui était arrivé quelques jours auparavant...

Comme si elle n'avait pas été assez occupée avec Laura, elle avait dû passer toute la matinée à faire des courses. Ça avait duré une éternité, il y avait des tâches anodines comme aller à l’épicerie, déposer et reprendre des vêtements chez le teinturier et, la pire des choses, les cadeaux de Noël de dernière minute. Parmi tous les événements agités de ce jour-là, l'un d'entre eux était encré dans sa mémoire.

C’est arrivé lorsqu’elle était au centre commercial, elle cherchait un cadeau pour Lucy. Elle déambulait dans les allées de sacs à main quand elle se redressa et reconnut un visage qui lui était familier. "Beth, bonjour!"

Surprise, Beth Luthor avait levé les yeux du sac à main qu’elle inspectait. "Oh, Lois. Bonjour." Elle lui avait souri.

Lois avait remarqué que, malgré que le ton de Beth soit amical, son expression indiquait qu’elle restait tout de même sur ses gardes. "Est-ce que vous achetez vous aussi des cadeaux de dernière minute?" demanda-t-elle, essayant d’être agréable.

Beth acquiesça. "Tous les ans, je me promets d'acheter mes cadeaux plus tôt, mais ça ne marche jamais."

"Je vois ce que vous voulez dire," répondit Lois. "Et cette année, j’ai été plus occupée que d’habitude, car Laura me prend beaucoup de temps."

Beth sourit. "Oui, j’ai entendu dire que vous avez eu votre bébé." Elle baissa les yeux en direction de Laura, qui était endormie dans sa poussette. "Elle est adorable."

"Merci," dit fièrement Lois. "Mais il y a une demi-heure, vous n'auriez pas pensé ça. Elle a une bonne paire de poumons."

Alors, comme si elle savait qu’on parlait d’elle, Laura commença à gémir, puis à pleurer. Lois se mit à rire. "Vous voyez ce que je veux dire ?"

Elle se pencha pour détacher Laura et la sortit de sa poussette. "Qu’est-ce qui ne va pas, mon ange ?" demanda-t-elle, la berçant dans ses bras et souriant tendrement à l’enfant agitée. Elle posa Laura contre sa poitrine et la fit sautiller doucement. Laura, se sentant en sécurité dans les bras de sa mère, se calma tout de suite.

Quand Lois leva les yeux, elle vit que Beth la regardait intensément, avec une expression indéchiffrable. Il y avait un silence lourd. Finalement, Lois dit. "Bien, je suppose que je devrais terminer mes emplettes et ramener Laura à la maison. Tout ce shopping la rend grincheuse."

Beth sourit, sortant de sa torpeur. "Oui et je devrais moi aussi terminer mes courses. Ce fut un plaisir de vous revoir, Lois."

Pour l’œil exercé de Lois, le sourire de Beth semblait forcé. Mais Lois lui rendit gentiment son sourire. "Ce fut un plaisir de vous revoir aussi."

Avec un dernier signe de tête, Beth se retourna et s’éloigna.

Repensant à leur rencontre, Lois pensait qu’il y avait vraiment quelque chose d’étrange dans la façon dont Beth l’avait regardé agir avec Laura. En y réfléchissant, toute leur rencontre avait été étrange. Quelque chose venait de la frapper à propos du comportement de Beth.

Extérieurement, Beth avait toujours été amicale et polie, mais Lois remarquait qu’elle semblait ne pas trop vouloir parler d'elle. Elle paraissait toujours être sur ses gardes, comme si elle avait quelque chose à cacher. Ce qui rappelait à Lois la manière dont Clark agissait avec elle les premières années qu’elle le connaissait. Ce n’est que lorsqu’elle avait découvert la vérité sur son identité secrète que tout avait enfin pris un sens.

Eh bien, c’était la même chose avec Beth. L’expérience de Lois lui disait qu’il y avait réellement quelque chose qui clochait. Mais s’il y avait quelque chose, elle était tout simplement trop détendue pour réfléchir à ce que ça pouvait être et comment le découvrir. Elle avait d’autres choses plus importantes à penser, elle l’espérait.

Décidée à ne plus perdre de temps avec cela -- pour l'instant, du moins – elle reporta son attention sur Laura, déterminée à s’asseoir et apprécier ces quelques minutes de paix.

Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, Beth Luthor se rappelait aussi leur rencontre, alors qu’elle errait sans raison dans sa grande chambre à coucher, essayant sans succès de se détendre. Heureusement, Lex n’était pas encore revenu de ses "courses" ce qui lui laissait du temps pour réfléchir.

Depuis qu’elle avait rencontré Lois et son bébé au centre commercial l’autre jour, elle avait, au creux de l'estomac, un sentiment de malaise qu’elle ne pouvait apaiser. Quand elle pensait aux tentatives de Lex pour briser la famille Kent, son estomac lui faisait physiquement mal et elle ressentait un sentiment inhabituel de culpabilité. 'Pourquoi devrais-je me sentir coupable ?' pensa-t-elle avec colère. 'Je n’ai rien fait qui puisse me donner des remords. C'est Lex qui a essayé de leur enlever Laura. Tout ce que j’ai fait était de…'

Mais c’était ça, n’est-ce pas ? Ce dont elle se sentait réellement coupable, ce qui faisait qu'elle avait l'impression d'avoir un couteau dans le ventre, c’était qu’elle était au courant des plans de son mari... et avait osé essayer et était parvenue à les faire échouer.

Elle commença à frissonner, mais se reprit très vite. Elle devenait bonne à faire ça; elle le devait, parce qu'il était vital de ne jamais laisser Lex soupçonner quoi que ce soit qu’il n’aurait pas approuvé. Elle n’avait aucune raison de croire qu’il avait fait le lien entre elle et l’échec de son plan, mais la peur était une compagne qu’elle connaissait trop bien ces jours-ci -- même plus qu’à l’habitude.

Dans sa mémoire, elle voyait constamment Lois sortir sa petite fille de la poussette et la tenir dans ses bras, avec une incroyable somme de tendresse qui touchait profondément Beth. Heureusement, Lex n'avait pas réussi à priver la petite fille de cela. 'Mais que serait-il arrivé s’il n'avait pas échoué ?' se demanda-t-elle. La seule évocation de cette possibilité la remplit de remords.

'Non,' pensa Beth avec un hochement de tête. 'Je devais le faire. Je ne pouvais pas laisser Lex s'en sortir.' Cependant, ce qui la déchirait était qu’elle avait si peu fait. Un seul coup de téléphone prudent en plein milieu de la nuit, pour donner un indice à l’avocat des Kent... 'Mais qu'aurais-je pu faire d’autre ?' se demanda-t-elle encore. Lex était un maître qui opérait dans l'ombre; elle avait appris ce qu’il faisait et comment, juste dans les grandes lignes et seulement par accident. Maintenant que l’histoire était terminée, elle avait utilisé ses propres connaissances et les bulletins d'information pour comprendre ce qu'il avait fait, mais la seule… irrégularité dont elle connaissait les détails à l'époque, particulièrement lorsque le premier juge avait été remplacé, était la façon dont l'affaire en était arrivée là. Aussi c'était là la seule direction vers laquelle elle pouvait accuser quelqu'un : si les gens des Services Sociaux qui avaient déposé plainte étaient discrédités, avec un peu de chance l'affaire échouerait.

Ce qui, merci mon Dieu, était arrivé, même si elle n’était pas assez folle pour croire que ses actions avaient été significatives -- ce qui ne voulait pas dire que ça ne dérangerait pas Lex s’il apprenait ! Mais, alors que les semaines passaient après que le verdict ait été rendu et qu’il n’y ait pas eu de répercussions, elle avait commencé à se détendre un peu, jusqu’à ce que sa rencontre avec Lois ravive ses souvenirs. Pourtant, il semblait qu’elle était en sécurité -- pour le moment.

Jamais auparavant elle n'avait beaucoup pensé à la façon dont les plans machiavéliques de Lex affectaient la vie des autres. Mais quand elle pensait à ce qui aurait pu arrivé si Lex était parvenu à enlever Laura à ses parents qui l’aimaient et comment cette petite fille aurait pu en être affectée, de même que Lois et Clark, elle sentait monter sa colère. Elle avait tout de suite vu comme le lien entre Lois et sa petite fille était fort. Que pouvait apporter Lex pour remplacer cela ?

Même s'il était vrai que Lex n’avait jamais expliqué la logique derrière son souhait de vouloir leur enlever leur fille, Beth n'y voyait aucune raison valable. Si Lex voulait un enfant, qu’est-ce qui l’arrêtait d'en avoir un avec *elle* ?* Et si ce n’était pas la raison, quel autre mobile pouvait se cacher derrière son comportement autre qu'un pur et simple mobile de vengeance ? Et s'il s'agissait d'une vengeance, dans quel but? Pourquoi était-il si obstiné à ruiner la vie de Lois et Clark ? Elle pouvait voir la haine qui brûlait profondément dans ses yeux quand il parlait d’eux. C'était au-dessus de tout ce qu'elle l'avait vu ressentir. Est-ce que ça pourrait être quelque chose de si… mesquin comme s'être fait éconduire par Lois ?

Elle hocha lentement la tête. Il y avait des choses qu’elle ignorait à propos de Lex et qu’elle ne saurait probablement jamais. Mais c'était une femme intelligente; que Lex le réalise ou non, elle savait après quoi il courait et les choses qu’il avait faites pour parvenir là où il en était. Et elle sentait qu’elle avait rempli son rôle de femme fidèle et soumise, sans jamais intervenir ou poser de questions sur ses faits et gestes.

Mais cette fois-ci, ça la dérangeait.

Regardant dehors les lumières de Métropolis, elle commença à se demander si elle avait bien agi en aidant Lex à reprendre son ancien statut. Peut-être que ça n’avait pas été une si bonne idée, après tout.

Miracle ou non, il était gratifiant d’avoir contribué à la survie d’une autre espèce -- un autre monde, pensa Lois, ses pensées revenant à leur point de départ après un petit moment. La Nouvelle Krypton ne comptait pas, en ce qui la concernait. Ce qu’elle avait vu de ses habitants ne l’avait pas impressionnée et elle croyait fermement qu’ils ne méritaient pas que l'on parle d'eux de la même façon que Jor-El et Lara. Froids, sans émotions, sans sentiments, inflexibles, égoïstes et se donnant le droit de vie ou de mort sur leur peuple, ils étaient tous ainsi -- sauf peut-être Zara et Ching. C’était un mystère de savoir comment ils pouvaient venir de la même culture qui avait produit deux personnes ayant sans cesse travaillé à trouver le moyen que leur fils échappe à leur destin, qui avaient tout misé en envoyant leur fils bien aimé seul dans l'obscurité de l'espace parce que c'était la seule façon pour que lui, l’amour qu’il représentait, ainsi que leur race, ait une chance de survie.

"Tes grands-parents t'aimeraient, s'ils étaient là pour te voir, ma puce," murmura-t-elle. "Ceux de la Terre t’adorent, eux aussi."

La pensée de ses propres parents fit ressentir à Lois un mélange d’émotions -- comme toujours, semblait-il. Le refus de Lucy, de venir à Métropolis pour Noël l’avait contrariée, mais, en y réfléchissant, Lois devait admettre que, si elle en avait eu l'opportunité, elle aurait fait la même chose quelques années plus tôt. Mais ça, c’était AC -- "Avant Clark" -- et avec son amour et son support, de même qu’avec l’aide de Martha et Jonathan, elle parvenait à s’en sortir beaucoup mieux avec ses propres parents. Elle en était venue à mieux comprendre sa mère et ce qu’elle avait dû endurer après que son père soit parti; ça ne voulait pas dire qu’Ellen ne la rendait pas folle par moments, mais Lois avait beaucoup plus de respect pour sa mère aujourd’hui qu’elle n’en avait eu dans le passé.

À cause de cela -- ou parce qu’elle l’aimait de toute manière -- Lois était inquiète pour sa mère à ce moment précis. Malgré la tournure positive de l’audience pour la garde de l’enfant et malgré qu’elle ait été innocentée de toutes les charges de négligence envers sa petite-fille, Ellen avait été très troublée par toute cette affaire. Elle était bourrée de remords de savoir qu'on avait pu croire que Laura avait été négligée, et sa rude épreuve devant la cour avait encore entamé sa confiance en elle déjà très fragile. C'était typique du comportement des femmes Lane et Lois ne le savait que trop. Alors, elle n'était pas surprise que son réconfort et celui de Clark, l'assurant qu’ils n’avaient pas de doutes quant à la capacité d’Ellen à surveiller Laura, ne l'ait pas beaucoup aidé. Pas plus que les messages de Jonathan et Martha, qui étaient actuellement sur le chemin de retour vers Métropolis, après leur voyage touristique; une longue conversation téléphonique avec Martha avait égayé le désarroi d’Ellen pendant quelques jours, mais cette amélioration avait été de courte durée.

A la fin, Sam leur avait murmuré de le laisser avec Ellen. Des mesures draconiennes étaient peut-être la seule façon de briser le cercle vicieux des reproches qu’elle s’infligeait et, heureusement, il avait une idée. Cela signifiait qu’Ellen ne serait pas dans les parages pendant une ou deux semaines avant Noël et il espérait que ça ne les dérangerait pas trop. Ils serait effectivement de retour le 22... ou peut-être le 23 ?

Clark avait accepté tout de suite; Lois avait envoyé un regard tranchant à son père, avant de seconder son mari. Elle avait l’impression que "l'idée" de Sam était plutôt l'envie de rester seul avec sa mère que de restaurer sa confiance en elle; ça pouvait aussi marcher dans les deux sens, mais Lois croyait davantage que son père avait préparé quelque chose qui était déjà prévu, et que ledit plan n’était pas au départ, envisagé pour arranger les sentiments positifs ou négatifs d’Ellen. Mais ils étaient tous deux adultes...

Le résultat de toute cette intrigue, du moins en ce qui concernait ce soir, était que Lois et Clark s’étaient retrouvés sans baby-sitter à la dernière minute et avaient dû emmener Laura à la réception -- ce qui, pensa Lois, était finalement une bonne chose. Si Clark et elle avaient été seuls ici, Lois savait qu’elle aurait été crispée toute la soirée et ils seraient probablement déjà partis; comme ça, avec son bébé pas très loin et surveillé par des gens qu’elle connaissait et à qui elle faisait confiance -- même Cat, maintenant -- elle avait pu se détendre et vraiment s’amuser.

Bien sûr, ça n’était pas plus mal que la réception soit différente des soirées qui avaient été données les années précédentes. En y réfléchissant, pensa Lois, toute son attitude avait été différente en cette période de l’année. Pour la première fois depuis de nombreuses d’années, et elle ne se souvenait pas d'avoir ressenti cela, elle avait hâte d'être à Noël. Elle émettait encore ses réserves habituelles -- elle s'était attaquée à "la vulgaire commercialisation" et tout le reste quand les premières boutiques avaient commencé à faire de la publicité avant Noël, en septembre, et elle savait qu’elle et Clark auraient beaucoup de pain sur la planche dans les prochains jours pour que tout se déroule comme ils le voulaient -- mais elle se sentait enthousiaste en cette période festive, c’était en quelque sorte nouveau pour elle... Peut-être que c’était parce que c’était le premier Noël de Laura et que tout le monde voulait que ce soit parfait pour elle.

'C’est une chose pour laquelle je dois remercier Clark, je suppose,' pensa Lois. 'Tout d’abord, il m'a fait découvrir la magie de Noël, puis il m'a donné quelqu’un à qui je pourrai l’enseigner. Quel cadeau incroyable...'

Mais là encore, ce n’était pas vraiment ce qu’elle attendait de lui, même si, de temps à autre, elle se sentait presque indigne de la profondeur de sa générosité. Il avait tant à donner -- son temps, son aide, son support, son attention -- et il donnait tout cela si librement aux autres, si volontiers que c’était difficile pour un monde cynique (avec elle comme premier représentant) de l’apprécier ou même d'accepter et il y avait encore tant de choses qu’il voulait lui donner...

C'était quelque chose d'énervant au début de leur relation amoureuse, une fois qu’elle avait découvert son secret et qu’il se sentait à l’aise d’être lui-même auprès d'elle. Sa volonté de la couvrir de cadeaux, petits et grands, et l’aisance avec laquelle il pouvait le faire, avait été une des plus grandes choses le concernant qu’elle devait accepter; pendant quelques temps, elle avait senti qu'en découvrant sa véritable identité, elle avait ouvert une sorte de porte derrière laquelle se trouvait une marée et qu’elle perdait pied, courant le danger d’être submergée par tout ce qu’il pouvait faire et l'empressement impatient avec lequel il se servait de ses capacités extraordinaires pour satisfaire chacun de ses caprices.

'Disons, presque chaque caprice,' pensa-t-elle, en souriant tandis qu’elle se remémorait leur discussion sur l’île de Spencer Spencer concernant "voler à toute heure du jour et de la nuit" et "sauver le monde", sans parler qu’il les avait libérés de la cellule dans laquelle ils avaient été emprisonnés...

Plus tard, elle avait réalisé que c’était une partie indissociable de son être. Satisfaire ses moindres désirs, que ce soit du fromage de France, des perles japonaises, du chocolat Suisse ou autre chose, était facile pour lui à obtenir, alors pourquoi ne pas en profiter pour la rendre heureuse ? C’était sa véritable inquiétude -- son bonheur -- et elle avait finalement vu qu’il avait fait beaucoup d’efforts pour y parvenir depuis le premier jour où il l’avait connue. Ce qui était un peu plus lointain que le moment où elle avait découvert ce qu’il faisait réellement, ou même qu’il faisait quelque chose, et encore plus lointain que la façon dont il pouvait le faire quand il essayait.

Et peut-être, elle avait bien dit peut-être, que son plus grand exploit était sa manière de lui montrer qu’il y avait bien plus en cette période de l’année que la consommation outrancière, la concupiscence et la gloutonnerie qu’elle s’était contentée de voir pendant tant d’années.

"Mais c’était avant que je rencontre ton papa, mon trésor," lui murmura-t-elle -- leur merveilleuse petite fille. "Je me rappelle avoir marché avec lui dans la rue enneigée... oh, il doit y avoir quatre ans et il a dit que Noël était merveilleux et j'ai dit que c'était un jour de congé délicieux, comme la Fête Nationale ou la Journée de l'Arbre. Il essayait de m’expliquer pourquoi c’était si spécial mais, au beau milieu de son explication, il a dû aller aider une petite fille qui avait des problèmes -- il fait tout le temps ça, mais tu vas t’y habituer. Hé, peut-être que tu feras pareil quand tu seras une grande fille...

"C’est étrange de regarder en arrière maintenant, même si ça n'était pas comme ça alors. Tu vois, il avait entendu des gamins se regrouper autour de la petite fille pendant qu'il me parlait et il a dû trouver une raison pour partir et aller l’aider. Mais tout ce qu'il a trouvé, c’est qu'il avait à faire des courses de dernière minute et il a changé de sujet au beau milieu de sa phrase, alors son explication sur ce qu’il aimait le plus à Noël est sorti comme ça 'toute cette ambiance… commerciale' -- ce qui ne m'a pas vraiment fait changer d'idée.

"Plus tard, cependant, il m'a montré ce qu’il voulait vraiment dire bien mieux qu’il ne pouvait l’exprimer. J’aurais passé un Noël bien seule sans lui; Maman ne pouvait pas venir, Papa était seulement intéressé par son travail, Lucy avait un nouveau petit ami en Californie -- une espèce d'énergumène, je suppose -- et même après toute cette folie qui avait entouré ces Rats Atomiques, tout le monde comme Perry et Jimmy avaient quelqu’un avec qui passer Noël. Tout le monde sauf moi.

"J’étais déterminée à passer un merveilleux Noël, mais je me mentais à moi-même; il aurait été horrible d’être seule et tous les efforts que j’avais mis dans la confection d’un traditionnel repas de Noël auraient envenimé la chose. Alors... Clark est venu. Il a prétendu que son vol avait été annulé à cause de la neige -- pas une de ses excuses des plus inspirées, mais ça ne me dérangeait pas. J’étais si contente de le voir et la pensée qu’il avait abandonné un Noël avec sa famille, pour moi... J’aurais dû réaliser qu’il était plus qu’un ami quand Dillinger lui a tiré dessus, mais ça... c’était incroyable.

"Mais quand j’y ai repensé quelques jours plus tard, j’ai décidé que ce n’était pas incroyable, pas pour lui. C’était simplement une partie de l’être qu'il était. Il voulait que je puisse aimer Noël autant que lui et c’était une sorte de cadeau. La manière dont j'en parle aujourd'hui parait stupide, mais à ce moment, ça me semblait être juste un exemple de plus que Clark était là pour moi.

"Après tout, il ne s'est pas moqué de moi quand je lui ai parlé de mon penchant pour les petits sapins de Noël; il m'a offert une étoile spéciale pour celui que j’avais cette année-là. Une étoile très spéciale -- combien de personnes connais-tu qui possèdent une étoile de Noël qui vient vraiment de l’espace ? Nous en avons une. Et il a compati avec moi quand je lui ai parlé de certains des horribles Noëls que j'avais eus quand j'étais enfant et quand nous avons été tous les deux affectés par ce truc dans ces Rats, et... il a été gentil et compréhensif pour tout.

"Je crois que c’était ça le problème, vraiment: il a été fantastique tout le temps, mais il était toujours comme ça -- eh bien, la plupart du temps -- je ne croyais pas que ça signifiait plus que Clark était Clark, mon meilleur ami. Je suppose que j’ai eu peur. Je n’étais qu'un paquet de nerfs, déversant un torrent de paroles toute la soirée, mais je suis devenue pire par la suite. C’était plus facile de croire que Clark était simplement un bon ami que de réaliser que c’était plus qu’une amitié platonique, même si -- ou peut-être parce que -- c’était ce que je voulais que ce soit. J’étais si aveugle...

"Au Noël suivant, cependant, ce fut différent. J’avais découvert... pourquoi il me quittait toujours et nous nous sommes finalement avoué que nous nous aimions et nous nous sommes fiancés. Ton grand-père et ta grand-mère Kent étaient venus en ville pour les vacances et il semblait que j’allais avoir une vraie famille pour Noël pour une fois.

"Naturellement, ce n’était pas si simple, parce que mes parents sont arrivés -- tous les deux ! Maman et Papa ne s’étaient pas vus depuis des années et aucun d'eux ne s’attendaient à rencontrer Martha et Jonathan, et eux encore moins. Disons que ça a été le choc des cultures ! Un couple divorcé de la grande ville -- plus un robot, entre autres -- rencontre une famille d'un petit village du Kansas... une recette pour un désastre, s’il  en existait une.

"Et c'était plus dingue chaque fois qu’une des familles tentait quelque chose pour égayer l’atmosphère. La partie la plus drôle fut celle des arbres de Noël. Pas de petits arbres rabougris cette année-là, ah non. Papa était allé chercher un arbre artificiel argenté immense, pendant qu’au même moment, Martha et Jonathan achetaient un sapin coupé aussi grand. Et, naturellement, ils sont arrivés à mon appartement avec les sapins à quelques minutes d’intervalle. Cependant, les deux arbres paraissaient très bien l’un près de l’autre quand nous les avons décorés -- même s’ils prenaient beaucoup de place dans le salon."

Lois sourit à ce souvenir. Dans un certain sens, cette scène, avec les deux arbres côte à côte, était le début d’une époque qu’elle n'aurait jamais cru possible ; une époque où ses parents avaient trouvé le moyen de rester relativement en bons termes, d’avoir une relation amoureuse qui n’était pas faite de bagarres, de discussions et de reproches. Elle ne savait pas si cela durerait, mais jusqu’à maintenant, eh bien... ce n’était pas si mal...

"Mais avant cela," continua-t-elle, maintenant pleinement concentrée à raconter son histoire, "nous avions une situation très critique à traiter. Ton papa est tombé malade, très malade et a failli mourir . Une horrible femme appelée Mindy Church, qui prétendait être la plus stupide de toutes les blondes idiotes -- tu dois faire attention à ce genre de femmes, mon ange, surtout si son nom est Linda; elle prétendra être ton amie, puis se retournera contre toi et te poignardera dans le dos en te volant ton petit ami, tout ça en même temps -- bref, je reviens à mon histoire, elle a empoisonné Clark avec un horrible virus faisant partie d’un plan visant à la reconstruction d’une immense organisation criminelle que son mari et son beau-fils dirigeaient.

"Ton papa n’avait pas été malade comme ça depuis qu’il était petit garçon, alors le virus lui a vraiment fait du mal. Il lui a fallu -- à nous tous, à vrai dire -- beaucoup de temps avant de découvrir qu’il était malade, il avait toujours été si resplendissant de santé ! Nous avons eu du mal à le croire, jusqu’à ce qu’il ait une fièvre épouvantable, comme toute personne ordinaire.

"Ça a été un moment terrible. Quand Mindy a cru que Clark était hors d’état de nuire, elle a lâché une grande vague de crimes sur la ville -- des vols de banque, des agressions armées et tout le reste. Tes deux grands-mères se sont fait voler leurs sacs à main en faisant les boutiques, juste avant que ton papa ne s’écroule.

"Quand je l’ai ramené à la maison, Martha, Jonathan et moi ne savions pas quoi faire, et c’est alors que j’ai pensé à Papa. Il était médecin -- le meilleur médecin du monde, c’était ce que je croyais quand j’étais une petite fille -- et il était la seule personne en qui j’avais confiance et qui pouvait soigner Clark. Aujourd’hui, je suppose que je demanderais au Dr Klein, mais je ne le connaissais pas bien à cette époque. Et peut-être que c’était une bonne chose, parce que c’est Papa qui est parvenu à trouver la solution pour sauver ton père. C’était controversé, c’était dangereux... seule une personne qui n’avait pas peur des idées peu conventionnelles y aurait pensé et peut-être seulement quelqu'un qui soit médecin, mais qui n’ait pas pratiqué récemment -- il y avait quinze ans que Papa avait délaissé la chirurgie pour la recherche -- je ne savais quoi faire d’autre, mais c’est la seule chose à laquelle nous arrivions à nous accrocher.

"Et ça a marché ! J'ai senti que ça marchait. C’est la chose la plus extraordinaire qui soit arrivée; nous étions tous là-bas, à attendre -- c’était tout ce que nous pouvions faire et nous nous sentions si impuissants -- et finalement, Papa a insisté pour que je ramène Jonathan et Martha chez moi afin que nous puissions tous nous reposer. Il allait rester avec Clark et Maman a dit qu’elle allait rester aussi. Ça m’avait vraiment surpris; la veille au soir, elle avait insisté pour venir avec moi voir l'une de mes sources -- n'importe quoi plutôt que de rester seule avec Papa et son 'androïde' !

"Alors nous sommes retournés à mon appartement et Jonathan et Martha se sont endormis, mais je n'y arrivais pas. J’étais trop inquiète, alors je me suis assise près de la fenêtre et j’ai attendu. Finalement, je me suis endormie, toujours sur le fauteuil. Mais quand le matin est arrivé, Clark est sorti du coma et je le savais. Même avant que Papa ne nous appelle, je savais que Clark était réveillé et qu'il allait bien; je pouvais le sentir, le sentir devenir plus fort à chaque seconde. Je le lui avais dit, juste avant qu’il ne sombre dans le coma, de s’accrocher à sa force qu’il disait venir de notre amour et il l'a fait.. et il allait s’en sortir ! Nous étions tellement soulagés...

"Après ça, nous avons cru que le pire était passé et je suppose que c’était vrai, mais Mindy n’en avait pas fini avec nous. Elle avait engagé le même type qui avait empoisonné ton père pour saboter mon four à micro-ondes, là, c'est nous qui étions en danger. Mais Clark le savait, de la même manière que je savais qu’il était réveillé et il nous a sauvés. Puis, nous avons été cueillir le Bricoleur et l'avons jeté en prison, et même si nous n’avions pas coincé Mindy -- pas cette fois, du moins -- nous pouvions tous nous détendre.

"Tu parles d'un Noël ! Mais tu sais, quelque chose de positif est sorti de toute cette horreur et de notre peur de ce moment. Papa m'avait toujours traité comme une petite fille, mais quand il a trouvé son idée pour sauver Clark, il m’a demandé de choisir si nous devions le faire ou non. Je n’ai pas eu à répondre, puisque Clark s’est réveillé et a décidé lui-même, mais le fait est que Papa me l’a demandé... eh bien, c’est à ce moment que j’ai compris qu’il avait accepté que je sois devenue une femme, bien plus que quelques années plutôt quand je suis tombée sur lui et ses supers boxeurs. Et j’ai commencé à croire qu’il était sérieux quand il parlait de 'refaire ses liens.'"

Elle soupira. "Peut-être sera-t-il capable de bien s’entendre avec Lucy dans quelques années. En ce qui me concerne, ce qu’il a fait pour moi ce Noël était suffisant pour arrêter de lui en vouloir et je crois que maintenant nous nous entendons mieux qu'avant.

"Veiller sur Clark a également aidé Maman. Il était presque étrange de voir mes parents travailler en équipe; Maman avait toujours parlé d’eux comme étant 'un brillant chirurgien et son infirmière dévouée', mais de les voir en action... ils étaient très bons. Je crois que travailler ensemble les a rapproché un peu ou a empêché Maman de s’enfuir à toutes jambes. Je me rappellerai toujours qu’elle m’a dit de faire confiance à Papa -- et je l'ai fait, et il a sauvé ton père. Peut-être que Maman a appris à lui faire confiance un petit peu, elle aussi, ce soir-là.

"Et j’ai fini par avoir un Noël familial. Pas celui que j’avais en tête, mais peut-être était-ce meilleur dans un sens, parce que ça m’a aidé à sentir que je faisais partie d’une famille et que je n'étais pas simplement une solitaire ramassée par des gens gentils."

Lois devint silencieuse, les souvenirs des trois dernières années l’accablèrent pendant quelques instants. Laura laissa son sein et la regarda. Lois la serra contre d’elle, sentant un besoin de montrer l’émotion qui rappelait ce que le temps avait produit. Elle aurait souhaité que Clark soit là; maintenant, elle voulait vraiment le serrer dans ses bras, sans toutefois lui apporter autant d’attention qu’elle en donnait à Laura. Ces quelques jours avaient été horribles et elle ne savait pas ce qu’elle aurait fait si elle avait perdu Clark....

La pensée de perdre Clark lui rappela d'autres souvenirs, cette fois d'un autre Noël quand il avait représenté le seul espoir du monde -- littéralement. Laura la fixait toujours avec intérêt, alors Lois reprit son histoire. "L’année suivante, notre Noël a été très étrange : nous avons eu affaire à M. Mxy-picotin ! C'est un... gnome ou un lutin ou quelque chose comme ça; il dit qu’il vient de la cinquième dimension, peu importe ce que c'est, mais ça m'a l'air vaguement Irlandais -- va savoir. Tout ce que nous savons vraiment c'est que lorsqu'il se montre c'est un casse-pieds d'Irlandais !

"Oh, oui, il se prend également pour un dieu. Et c’est ce qui a causé tous les problèmes: il voulait être adoré de nous tous mortels et il a vu ton papa comme un rival -- Clark, parmi tous les autres !" Lois leva les yeux au ciel et grimaça de dégoût, avant de poursuivre, "Alors, il avait prévu d'envoyer ton père en exil -- il devait quitter la planète, tu imagines ? Où était-il supposé aller, Mixitruc ne l’a pas dit, bien sûr. Il ne voulait pas...

"Bref, ce lutin a essayé d'inciter Clark à partir en jouant avec sa conscience. Il avait réussi à créer une boucle temporelle, et nous revivions les quatre mêmes heures encore et encore -- mais personne, à part ton père, ne le savait -- et à chaque fois, le monde perdait un peu d’espoir. Les gens devenaient déprimés ou se disputaient et toutes les belles choses du monde -- comme le sapin de Noël que nous avions dans la salle de rédaction -- devinrent plus petites ou disparurent carrément, au fur et à mesure que les choses empiraient. Si cela avait continué ainsi, je suppose que la fin du monde serait arrivée; quelqu’un aurait commencé une guerre nucléaire et personne ne s’en serait inquiété. Sauf Clark, évidemment et c’est sur cela que comptait Mazeltov. Il disait qu’il allait prendre soin 'de tous ces mortels' si ton père acceptait de quitter la Terre ; sinon, la même boucle allait se répéter jusqu’à ce que l'on disparaisse.

"Des choses graves se seraient produites bien avant cela, et une d'entre elles était ton grand-père Jonathan ayant une crise cardiaque, ici, dans la salle de rédaction. Il en serait mort, sauf que la crise est arrivée quelques secondes à peine avant seize heures -- bien sûr, ça ne serait pas arrivé s'il n'y avait pas eu Mix-Tippex, mais ce petit lutin tordu a essayé de rejeter la faute sur Clark !

"Heureusement, mon trésor, ton père est plus fort que cela. J’ai cette image de lui disant : 'J’aime ces gens. Et c’est pourquoi... Je ne vais nulle part !' J’aimerais tant pouvoir répéter exactement ce qu’il a dit, mais c’est un peu embrouillé dans ma mémoire. Tu vois, le lutin ne pouvait apparaître qu’après avoir arrêté le temps, et seuls Clark et lui savaient ce qui se passait et j’étais supposée être figée sur place comme tout le monde. Mais quelque chose d’incroyable est arrivé : Mixedingue essayait de convaincre ton père que tenter de lui résister était sans espoir et qu'il avait entre ses mains le sort du monde, mais Clark a refusé de le croire et avec sa détermination, sa conviction qu’il y avait toujours un peu d’espoir dans l’esprit humain, je ne sais pas ce qui est arrivé mais il m’a fait sortir de ma paralysie.

"Le gnome était aussi surpris que nous de ce qui arrivait, et alors j'ai tout compris. Je ne me suis pas fatiguée à l’analyser, je savais simplement que ton papa m’avait délivrée -- encore. Et la dernière chose que je souhaitais était qu’il s'en aille, tout ça sans parler qu’il nous laisserait à la merci de cet ignoble petit… troll. Nous étions mariés depuis à peine deux mois ! Il avait déjà dû me quitter une première fois pour des gens qui ne le méritaient pas, ce qui avait été le pire moment de mon existence. Il n’était pas question que ça se reproduise !

"Parfois, je crois que le meilleur souvenir de ce Noël a été l’expression de Clark quand il a réalisé que je me rappelais de tout ce qui était arrivé. Il avait fait de son mieux pour se défaire de Mixbidule, mais faire ça tout seul l'avait mis à rude épreuve. Maintenant, il reprenait espoir et c’était tout ce dont il avait besoin, avec moi pour l’assister, nous savions que nous pouvions vaincre cette peste de la cinquième dimension.

"La première chose à faire était de contrecarrer les effets dévastateurs de la boucle de ce Mixmalin. S’il enlevait l’espoir au monde entier, nous devions le lui redonner ! Nous ne pouvions pas aider le monde entier, mais nous n’avons pas fait du mauvais travail ici à Métropolis et plus particulièrement dans la salle de rédaction. Entre nous, ton papa et moi avons eu affaire à un voleur qui hésitait à braquer une banque pour pouvoir offrir un beau Noël à sa famille, nous avons donné un coup de pouce à un vieil homme riche, qui vivait reclus, pour qu'il fasse le bien autour de lui, arrêté la tentation de ma mère de retomber dans l’alcool, aidé Martha et Jonathan afin qu’ils ne tombent pas malades, nous avons aussi donné quelques conseils sur la mode à la petite amie de Jimmy qui s’appelait Brenda (elle était superbe au début, mais après la troisième ou la quatrième boucle, elle ressemblait plutôt à Lulu 'les longues jambes'), nous avons organisé quelque chose de spécial pour Perry, nous lui avons demandé de se déguiser en Père Noël pour un groupe d’orphelins dont le centre (et tous les cadeaux) avait brûlé et nous avons en général égayé la salle de rédaction. Ce n’est pas rien, pour quelques heures de travail.

"Le lutin en était malade, c’était d’ailleurs ce que nous attendions. Nous avions découvert que si nous réussissions à lui faire prononcer son nom à l’envers, nous pouvions nous en débarrasser et c’était là notre chance. Il est très puissant, mais pas très brillant et il a un énorme ego, alors ça n’a pas été trop difficile de lui tendre un piège pendant qu’il observait ce que nous faisions. Quand il a disparu, toute sa magie a disparu et tout est redevenu normal, comme avant qu’il ne commence à jouer avec le temps.

"Une chose était pourtant différente, c’était moi. Avant que tout ait commencé, j’avais mon cafard habituel de la période des fêtes et ton père m’avait dit qu’il souhaitait me montrer ce que Noël représentait à ses yeux -- la magie qu’il y voyait. Après que Myxomatose soit parti -- après que nous nous soyons débarrassés de la magie réelle --j'ai réussi. J'ai réussi à ressentir tout l’espoir pour lequel nous nous étions battus, pour la 'bonne volonté de tous les hommes' -- et les femmes, mais je suppose que nous devons vivre avec ces vieux dictons, parfois. C’était… magique... et c’était grâce à Clark. Nous avons tellement de chance de l’avoir, ma chérie."

Lois serra Laura encore un peu plus fort, à défaut d’étreindre son mari. Puis elle réalisa que Laura avait fini de manger depuis un moment; elle avait besoin de faire son rot ! Et son père n'était nulle part dans les environs... Souriant légèrement à cette opportunité, elle leva son bébé sur une de ses épaules et commença à lui caresser le dos comme le lui avait montré les deux hommes de la famille Kent. Son sourire s'élargit quand Laura laissa échapper un gros renvoi.

Lois posa sa fille tout contre elle avec le sentiment du devoir accompli et les yeux de la petite fille commencèrent à se fermer. 'Elle va bientôt s’endormir,' pensa Lois. 'Si je continue à lui parler, elle va s'endormir.' Alors elle décida de continuer à parler de ses Noëls passés.

"Et l’an dernier... et bien, il y a eu cette affaire avec Grant qu'il a fallu résoudre, mais je ne veux pas en parler maintenant. La chose importante à retenir du dernier Noël est que tu allais venir au monde, mon trésor. Il n’y a pas autre chose à ajouter, vraiment. Ton père m’a donné le plus incroyable des cadeaux que quiconque pouvait me donner -- toi. Tout le monde était si heureux -- une fois que nous avons réussi à nous débarrasser de ce maniaque, 'Stick'. Nous allons nous assurer que tes Noëls soient comme ça... exempts de tueurs, bien sûr, regarde-nous bien."

Lois redevint silencieuse. "C’est difficile à croire..." dit-elle, après un moment, les événements des dernières années et la manière dont ils l'avaient affectée la touchaient après les avoir racontés, "mais depuis que j’ai rencontré Clark, Noël est devenu de mieux en mieux chaque année..." Puis, elle rit diaboliquement en pensant à quelque chose : "Wow, cette année, ça va être vraiment quelque chose !"

"Eh bien, je l’espère," dit une voix familière, depuis l’embrasure de la porte. "J’ai des projets..."

Lois se tourna à moitié, en souriant. "Bonjour," dit-elle, heureuse de le voir après ses réminiscences émotionnelles. "Comment ça c'est passé ?"

"Sans problèmes," répondit Clark, se rapprochant pour caresser la joue de leur bébé endormi. "Mark avait raison -- tout cette affaire, si on peut appeler ça comme ça, était terminée quand il a téléphoné à Perry. Quand je suis arrivé, tout le monde -- les policiers, les gardes de sécurité et les manifestants -- se tenaient là à partager un café. Tous ceux qui avaient été blessés avaient été soignés par les ambulanciers; seuls quelques-uns d’entre eux ont eu besoin d’aller à l’hôpital, ce qui était une bonne nouvelle.

"La chose intéressante est que les seules personnes qui ont été blessées ont été atteintes par des bouteilles et des pierres qui volaient. La soi-disant bagarre a plutôt été une bousculade qu’autre chose et, une fois tout le monde calmé, il n’y a pas eu de reproches. Un policier a même dit en plaisantant qu’il aurait souhaité inscrire le groupe à la 'manifestation annuelle' de la police -- une farce interne, je pense -- parce qu’ils étaient beaucoup moins difficiles à maîtriser."

"Oui, ça se tient," dit pensivement Lois. "Bobby a dit que les problèmes avaient commencé par un groupe venant de l’extérieur -- des enfants cherchant la bagarre. Ils ont commencé à jeter des projectiles derrière la foule et une chose en a entraîné une autre..."

Clark jeta un œil amusé à sa femme. Ce n’était pas difficile de savoir ce qu’elle avait fait pendant qu’il était parti. "Comment va Bobby?"

"Eh bien. Il a faim, bien sûr. Il attend avec impatience Noël et la dinde farcie de sa sœur. Et ses tartelettes."

"Je m'en doute." Il se dirigea vers l’ordinateur de la salle de conférence et l’alluma. Il tapa un nom de fichier qui apparut et commença à taper rapidement son texte. Quelques secondes plus tard, il envoya son texte en direction du bureau éditorial et ferma l’ordinateur. "Voilà," dit-il, satisfait. "Les trucs que Bobby a dit sont justement ce dont l’article a besoin -- et nous allons pouvoir le signer sous 'Lane et Kent', comme il se doit."

"Ne me raconte pas d'histoires," dit Lois, affligée -- mais sans bruit, pour ne pas déranger Laura. "Je t’ai vu comploter tout à l'heure avec Perry et laisse-moi te dire que --"

"Chérie, s’il te plaît," l’interrompit Clark, devinant pourquoi elle était contrariée et réalisant qu’il devait la rassurer à ce sujet. "Ce n’est pas ce que tu crois. Laisse-moi te dire ce que Perry me disait quand nous 'complotions'." Il lui raconta sa conversation. "Alors tu vois, Perry ne prévoit pas de te reléguer aux concours canins et aux nouveaux horaires d’ouverture des bibliothèques..."

Lois, bien malgré elle, sourit à ces derniers mots. Jimmy avait été si fier de son premier article -- tout comme elle, quelques années plus tôt. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance d’une nécrologie bien rédigée -- ou une annonce sur les nouveaux horaires d’ouverture des bibliothèques de Métropolis.

"...il voulait juste s’assurer que tu te détendes un peu avant Noël. C’est notre premier Noël avec un bébé et il veut simplement que tu puisses en profiter. Et moi aussi. Tu vois, comme je te l’ai dit, j’espère -- non, je sais que ça va être le plus beau Noël que j’aie jamais eu. Comment pourrait-il en être autrement, maintenant que je vous ai toi et Laura ?" Il déplaça une chaise près de la sienne et s’assit, passant son bras autour de l'épaule de Lois et la faisant pivoter pour qu’elle puisse s'appuyer contre lui. Lois se cala dans le creux de son cou, soupirant doucement en s'appuyant contre ses courbes solides. Laura s'étira un peu.

"En ce qui me concerne, le Père Noël n'a pas besoin de nous rendre visite cette année. Il peut venir pour vous deux et tout le monde dans la famille, mais je n’ai besoin de rien de plus que ce que j’ai ici. Et ici, dans cette pièce, sont présents les deux plus merveilleux et précieux cadeaux que quiconque puisse me donner : toi, ma partenaire, ma meilleure amie... ma femme; et notre enfant. Vous -- ma famille -- êtes ce que j’ai toujours voulu toute ma vie et que, pendant longtemps, je pensais ne pouvoir jamais avoir. Qu’est-ce que je pourrais demander de plus ?"

"Oh, Clark..." renifla Lois, luttant soudain contre un trop-plein d’émotions, elle était sans voix devant cet homme qui était si important pour elle et qui, à son éternelle surprise, était toujours plus important à ses yeux.

Elle devait soit bouger ou pleurer, alors elle fit très attention en se levant et posa Laura dans son siège. Se concentrant très fort pour ne pas déranger le bébé, elle arrangea ses vêtements, se laissant le temps de reprendre son contrôle. Une fois qu’elle fut de nouveau présentable, elle fit doucement glisser sa main sur le front de la petite fille, se redressa, se retourna… et courut jusqu’à son mari.

Il l’enveloppa immédiatement de ses bras dans une énorme étreinte et chercha sa bouche pour l’embrasser, longuement et passionnément. Lois se détendit et mit ses bras autour de son cou en lui rendant son baiser, ses soucis s’évanouirent.

Après leur baiser, une éternité plus tard, ils restèrent ainsi, sans bouger. Aucun d’eux ne prononça un mot pendant quelques instants, jusqu’à ce que Lois lève son regard vers Clark et murmure sournoisement : "Alors... je n’ai pas besoin de courir t'acheter un cadeau de dernière minute ?"

Clark se mit à rire et Lois en ressentit les coups tout près de sa joue. "Je n’irai pas aussi loin," répondit-il. "Après tout, j’ai un cadeau pour toi et je sais que tu détestes me devoir quoi que ce soit..."

"Oh, vraiment ? Alors tu dois aussi savoir que je déteste les surprises. Encore plus," taquina-t-elle. "Alors, pourquoi ne me dis-tu pas ce que c’est ?"

"Je ne crois pas, Lois," dit Clark, riant silencieusement. Il se demandait quand elle allait le lui demander; elle le faisait toujours. A vrai dire, il avait plusieurs cadeaux pour elle, en ajoutant celui auquel il n’avait pensé que ce soir-là -- un vol en Californie pour voir Lucy et ils seraient de retour la veille de Noël -- mais il n’était pas question de lui dire. Il décida d’employer une tactique qui avait fonctionné par le passé et l'attira contre lui pour un autre baiser du même genre.

Et sa tactique fonctionna. Lois cessa de penser aux cadeaux de Noël... cessa de penser à quoi que ce soit -- sauf, peut-être, pourquoi elle ne s'écroulait pas. Mais elle savait que cela ne se produirait pas, pas tant qu’elle aurait Clark. Il ne la laisserait pas tomber plus qu’elle ne le ferait, et pas tant qu’ils étaient ensemble. Et pas tant qu’ils avaient leur enfant.

Et c'était sans nul doute le plus merveilleux des cadeaux.

FIN

Les personnages de cet épisode sont la propriété de DC Comics, December 3rd Production et Warner Brothers. Aucun non respect des droits n'est délibéré de la part de l'auteur ou du Season 6 group, toutefois, les idées exprimées dans cet épisode sont la propriété des auteurs © 1998.