La dernière fois que j'ai vu Elvis - 1 de 2 PDF Imprimer Envoyer

 

Saison 6, Episode 4

Première partie

Écrit par CC Malo 

Édité par Laurie Farber et Lynda Love

Version française de


Traduction Chantal Martineau

Métropolis est une ville comme beaucoup d'autres. Le jour, la cité fourmille de travailleurs pressés, de touristes s'attaquant à des listes "de choses à voir" et de taxis fonçant à des rendez-vous. La vie nocturne de la cité sent la restauration rapide, est animée de noctambules fréquentant les clubs, les théâtres et les cinémas, et palpite de musique et d'une énergie saccadée. La nuit comme le jour, les rues de la ville sont ouvertes aux affaires, ce sont des endroits où des rendez-vous sont donnés, des affaires conclues et où l'on mène une vie mouvementée. Isolé de tout cela, se trouve le ciel de la cité, habité par les riches, à l'écart dans leurs appartements et leurs bureaux, bien au-dessus du Métropolis ordinaire. Et il existe aussi une cité souterraine pour les gens qui sont perdus ou essaient de s'échapper. Parfois, ces cités se rencontrent et les frontières se mélangent.

Un jeudi soir de janvier, par un froid glacial, deux hommes, l'un d'un certain âge et grisonnant, l'autre plus jeune grand et mince, marchaient côte à côte sur le trottoir d'une rue obscure dont le pavé était couvert d'une légère couche de neige fraîche. Les deux hommes luttaient contre le vent, le plus âgé parvint même à allumer une cigarette avec l'habileté de quelqu'un ayant fait cela dehors depuis des années. Aucun d'eux ne parlait et ils continuaient à marcher dans la rue presque déserte. Quand ils arrivèrent à l'intersection, ils atteignirent les lumières et la circulation d'une des artères principales de Métropolis, ses trottoirs bordés de restaurants plus ou moins à la mode, ses cinémas, ses clubs et ses affaires de nature un peu douteuse. Ralentissant le pas, les deux hommes tournèrent au coin d'une rue et se dirigèrent vers le nord, se lançant dans une conversation dans laquelle ils furent rapidement absorbés.

Dans la partie de la ville où les hommes venaient d'entrer, l'obscurité d'une petite partie de la cité souterraine venait juste d'être pénétrée par un intrus dans un élan de pitié, la luminosité des couleurs primaires qu'il portait était d'une incongruité absolue dans ce décor sombre et sinistre. En un éclair, il fonça vers un endroit assez éloigné dans le tunnel caverneux où il avait repéré deux personnes grâce à son extraordinaire vision. Les deux personnes dormaient, tassées dans la tiédeur des couvertures qu'elles possédaient. Si ce n'était à cause de sa connaissance des gaz fumigènes dans les environs, il aurait hésité à les déranger. Les réveillant avec précaution, il prit chacun d'eux par un bras et, moitié en volant moitié en courant vers la sortie du tunnel, les amena à la surface dans le froid mordant. Doucement, comme s'il transportait quelque chose de précieux, il les posa tous les deux.

"Vous allez bien ?" Sa voix douce paraissait inquiète et il les regardait, cherchant des signes de blessure.

La réponse fut agressive. "Pourquoi avez-vous fait ça ? On dormait."

"Vous n'auriez pas dormi encore longtemps." Un jeune ambulancier, dont le visage indiquait les longues heures de travail, s'approcha du trio. "Il y a eu une fuite de gaz et nous évacuons le secteur jusqu'à ce que ce soit réparé. Superman s'assure que personne ne manque à l'appel." Calmement, il prit une des deux personnes par le bras et l'escorta jusqu'au véhicule d'urgence stationné à côté. Son compagnon suivit. "Si ça ne vous dérange pas," dit l'ambulancier, "nous allons vérifier si toute trace de gaz a disparu de vos poumons et nous allons vous trouver un endroit pour dormir cette nuit."

Superman était déjà retourné dans le tunnel.

Pas très loin des tunnels où Superman se trouvait, Martha et Jonathan Kent, accompagnés de Perry et Alice White, sortaient du "Nostalgie", une salle de cinéma spécialisée dans les vieux films, et marchaient sur le trottoir. Tous quatre avaient l'air de bien s'amuser et riaient en parlant des moments forts du vieux film qu'ils venaient de voir. Le film en question, "G.I. Blues", était en partie une rétrospective des films d'Elvis Presley, une oeuvre sous-estimée, d'après Perry White.

"Oeuvre ?" Alice fronça les sourcils à ce mot.

"Tout à fait, ma chérie. Une 'oeuvre.' J'ai fait l'article Arts et Spectacles dans l'édition du week-end." Perry bomba un peu le torse en disant cela. "J'ai dû les convaincre de faire un article sur Elvis."

"Alors, pourquoi ses films sont-ils si peu appréciés, Perry ?" demanda Martha les yeux pleins de malice.

"Ah, vous voyez, Elvis représentait ce qu'était le Sud quand nous étions gosses," lança-t-il. "Vous savez bien, les petites villes poussiéreuses, pas beaucoup d'argent, mais de bons amis et de superbes voitures toutes chromées et polies. Et la musique ! Ah, cette musique. De l'énergie pure et simple ! Il n'y a rien eu de semblable depuis."

Martha allait répliquer, quand Jonathan lui poussa soudain l'épaule en se faisant bousculer par un homme grand pauvrement vêtu, ne faisant pas attention à ce qui l'entourait pendant qu'il discutait avec son compagnon.

"Hé, mon vieux, faites attention où vous mettez les pieds."

Martha se retourna pour jeter un oeil à l'homme et son regard se posa sur son compagnon, la rude incandescence des lumières de la rue faisant ressortir les traits anguleux de son visage. Pendant un instant leurs regards se croisèrent, intrigués et comprenant à peine, aucun d'eux n'écoutant les autres. Martha resta bouche bée et les deux hommes disparurent rapidement dans la foule de gens qui marchaient sur le trottoir .

Ébranlée, Martha dit : "Ce ne sont pas les souvenirs que j'ai du Sud."

Ailleurs, dans la petite chambre d'une demeure, quelques pâtés de maisons au nord du théâtre, Lois Lane endormie chantait une vieille chanson de Stephen Foster que Perry White aurait reconnue. "Pour toi mon amour, je t'aime et t'aimerai toujours." Elle inventait certaines paroles en chantant, ses cheveux foncés tombant vers l'avant alors qu'elle se penchait vers le petit être satisfait qui tétait son sein. En fait, Lois était, elle aussi satisfaite, absorbée par une tâche aussi simple et plaisante que celle qu'elle faisait maintenant, fascinée par la moindre des expressions traversant le visage de son bébé. Pendant un instant, elle gazouilla en regardant sa fille, de doux morceaux qui n'avaient aucun sens pour le monde sauf pour elles deux, s'arrêtant seulement quand Laura bredouillait, sa petite bouche se détendant de sa prise ferme sur le sein de sa mère. Lois sourit ; Laura s'était endormie. Se levant lentement du vieux rocking-chair dans lequel elle était assise, Lois emmena sa fille vers le berceau et la coucha, en espérant que cette nuit allait être une nuit de sommeil. Embrassant son doigt, elle se pencha au-dessus du berceau et toucha la joue de Laura. "Bonne nuit, mon poussin."

Pendant un instant, Lois resta accoudée à l'embrasure de la porte, contemplant sa petite fille endormie. Puis, comme elle allait éteindre la lumière, elle sentit le bras de son mari entourer sa taille et elle tourna un peu la tête en lui souriant en guise de bienvenue. Aucun d'eux ne parla et ils restèrent un instant dans la pénombre à observer leur enfant.

Le jour suivant, la résidence Kent était levée tôt, le rythme de la matinée déterminé par la routine de Laura et les préparatifs de ses parents pour aller travailler. Dans le couloir à l'étage, Clark Kent portait sa fille, qui avait été lavée, changée, habillée, allaitée et avait fait son rot. Il la tenait contre son épaule tandis qu'elle lui gazouillait ses pensées sur la nouvelle journée qui commençait. Clark la regarda en souriant. "Bien sûr, mon poussin, tout ce que tu veux. Viens avec moi. Allons dire bonjour à Grand-Père et Grand-Mère."

Depuis qu'ils étaient revenus de leur voyage, Martha et Jonathan Kent étaient résolus, avec Ellen Lane, à prendre soin de Laura les jours où Lois et Clark étaient tous deux au Planet. Dernièrement, le vieux couple avait été plus souvent chez Lois et Clark, permettant à Ellen de séjourner en Floride avec trois de ses amies dans un voyage qui avait été planifié l'automne précédent. De toute manière, avec le stress engendré par le procès, ses occupations à la Fondation Superman pendant la période de Noël et la pression de Sam pour qu'ils se réconcilient, Ellen avait besoin de cette pause.

Quand Martha et Jonathan s'occupaient de Laura, ils arrivaient tôt de manière à ce que Martha puisse préparer le déjeuner. Cela permettait à tout le monde de commencer la journée dans la détente, disait-elle. Ce matin-là, alors que Clark descendait les escaliers, il aperçut le regard de son père, qui paraissait inquiet, tandis qu'il se dirigeait vers la cuisine.

"Bonjour, Papa."

"Hm, bonjour, fiston." Jonathan s'arrêta en plein milieu du couloir, s'égayant en jetant un œil à sa petite-fille. "C'est vraiment une petite beauté."

"Oui, tu as raison, Papa," dit Clark en déposant doucement Laura dans ses bras. Suivant son père dans la cuisine, il remarqua que sa mère avait préparé un repas qui ressemblait tout à fait à un repas traditionnel à la ferme. Cela confirmait ses craintes ; quelque chose n'allait pas. Sa mère avait contraint son père à une diète assez sévère, sans gras, ce qui voulait dire que l'odeur du bacon était absente de la maison des Kent depuis que le vieux couple était venu s'occuper de Laura après le retour de Lois au journal.

"Bonjour, Maman," dit Clark en installant Laura sur son siège de bébé. S'asseyant, il prit un des muffins que Martha avait posés au centre de la table, puis tourna la tête dans sa direction. "Comment était le film hier soir ?"

"Le film était bien, Clark. Ce qui est arrivé ensuite ne l'a pas été, par contre."

Inquiet, Clark s'arrêta de manger et regarda de nouveau sa mère. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

"On m'a volé mon portefeuille," répondit Jonathan, encore ébranlé de cette perte. "J'ai voulu le sortir pour payer les cafés que nous avons pris après le film. Il n'y avait plus rien. Je suppose que c'est arrivé quand nous sommes sortis du cinéma, quand deux hommes nous ont foncé dessus. Nous avons cru sur le coup que c'était un accident. C'était des voleurs." En soupirant, il ajouta : "Nous avons eu de la chance que ta mère ait eu assez d'argent pour payer la note." Clark acquiesça, sachant que son père n'aurait jamais voulu utiliser une carte de crédit pour régler l'addition d'un dessert et d'un café. C'était le plus sûr moyen de s'endetter.

"C'est une vraie plaie, Clark. Ton père n'avait pas beaucoup d'argent, mais il a perdu son permis de conduire, ses cartes de crédit et ses cartes d'assurance…"

Clark regarda son père avec sympathie, ressentant une pointe de regret de n'avoir pu être là à cet instant. "Je suis désolé, Papa."

"Merci, fiston. Ça va prendre un bout de temps avant de pouvoir remplacer toutes ces cartes, mais ce n'est pas la pire des choses." Il avait l'air maussade, son désespoir se reflétant par l'affaissement de ses épaules. "Je pensais que j'étais très fort pour deviner ce qui se passait autour de moi."

À ce moment, Lois, sans veste ni chaussures, mais très jolie dans un chemisier blanc et un pantalon gris foncé, apparut dans l'embrasure de la porte. "Qu'est-ce qui s'est passé ?"

Martha répéta l'histoire et ajouta : "Ainsi, Jonathan va passer la matinée au téléphone avec les banques, les compagnies d'assurance et la Régie automobile du Kansas."

"C'est dégoûtant, Jonathan. Avez-vous pu voir les deux hommes ? La police a peut-être leurs photos dans ses fichiers."

"Non, je ne les regardais même pas quand c'est arrivé. Nous discutions du film. La seule chose dont je me souvienne est que l'un deux était plus grand que moi. Il était vraiment grand. Je crois que Martha les a mieux vus que moi."

"As-tu remarqué autre chose, Maman ?" demanda Clark.

Martha hésita, puis répondit à la question de son fils. "J'étais comme figée." Tendant un verre de lait à Lois, elle changea de sujet. "Tenez, Lois. Comment aimez-vous vos œufs ?"

"Merci, Martha. Brouillés, s'il vous plaît. Vous nous gâtez trop, vous savez." Elle sourit un peu à Martha. "Mais je crois toujours que Jonathan devrait raconter ça à la police." Lois n'était pas une personne qui laissait tomber facilement.

Martha fredonnait tranquillement en faisant cuire les oeufs de Lois : "Je ne crois pas qu'il y ait de résultat. Nous ne reverrons jamais ce portefeuille."

Martha avait tort. Plus tard ce matin-là, quelques instants après que son fils et sa belle-fille soient partis travailler, elle ouvrit la porte d'entrée pour aller chercher le courrier. Elle fut surprise de trouver, en plus du courrier habituel, le portefeuille de Jonathan. Tout y était encore, même l'argent.

"Je n'y crois pas, Martha," dit Jonathan, interloqué en vérifiant le contenu de son portefeuille. "Pourquoi se donner le mal de voler mon portefeuille et de me le retourner ensuite ? Et comment a-t-il su qu'il fallait me le rapporter ici ? Ça n'a aucun sens."

"Je sais, Jonathan." Intriguée, Martha sourcilla. "J'aurais aimé voir la personne qui a apporté ça ici. Je ne sais pas si les voisins ont remarqué quelque chose." Elle ouvrit le placard du couloir pour prendre son manteau. "Je crois que je vais aller jeter un œil."

"Tu perds ton temps, Martha. Même si quelqu'un a vu quelque chose, la police ne fera rien. C'est un truc qui arrive tout le temps et ces types disparaissent toujours dans la nature."

"Ça va satisfaire ma curiosité," murmura Martha en ouvrant la porte.

En traversant la rue, elle repensa à ce qui s'était passé la veille. Maintenant, elle était certaine d'avoir reconnu la personne qu'elle avait vue et en était ébranlée. La chose étrange était que, c'était le film qu'ils avaient vu qui avait fait resurgir ce souvenir dans sa mémoire. La dernière fois qu'elle avait vu Elvis dans un film, c'était avec lui, pendant cet extraordinaire été et c'était le même film qu'elle, Jonathan, Perry et Alice avaient vus la veille. Quand le film était sorti en salle la première fois, son ami l'avait désapprouvé, de même que les valeurs qu'il véhiculait ; mais Martha voulait tant voir Elvis que tous deux s'étaient mis d'accord pour y aller, discutant et riant par la suite à propos de ce qu'ils avaient vus sur le grand écran. La veille au soir, elle s'était souvenue avec une certaine tristesse, de cette histoire impliquant ce jeune homme passionné pour qui elle avait eu tant d'affection, qu'elle croyait mort, tué dans un incendie qui avait détruit le bureau du shérif d'une petite ville, en 1962.

Elle était surprise de ne pas l'avoir reconnu au début. Mais les gens changent au fil des ans et il était censé être mort. Il avait dû lui aussi la reconnaître, du moins plus tard, quand il avait vu le nom de Jonathan dans le contenu du portefeuille volé.

Ce n'est qu'après qu'elle ait parlé à la quatrième voisine, Madame Sarrazin, que Martha eut de la chance. La vieille dame était en train de boire son thé du matin attablée près de la fenêtre quand elle avait remarqué un grand homme aux cheveux argentés déposer quelque chose dans la boîte aux lettres des Kent. Toujours inquiète de rencontrer des voleurs potentiels, elle s'était irritée de voir cet homme, pauvrement habillé, approcher la porte d'entrée des Kent. Toutefois, il avait quitté les lieux rapidement, sans s'arrêter à une autre maison de la rue, puis elle était retournée à son journal du matin.

Pendant un instant, les deux femmes discutèrent du Daily Planet, du dernier article écrit par le fils de Martha et sa belle-fille et de la naissance de la nouvelle Kent. Avant de prendre congé, Martha se ravisa. Elle allait le retrouver. Elle voulait savoir ce qui était arrivé. Elle était aussi furieuse; elle avait été déçue. Quelque chose qu'elle croyait terminé, mais qui en fin de compte ne l'était pas. Mais comment allait-elle trouver un homme qui ne voulait pas être découvert dans une ville de la taille de Métropolis ?

Clark sentit sur lui les yeux de Lois pendant qu'il travaillait à son ordinateur sur la suite de la fuite de gaz de la nuit dernière. Il essaya de dissimuler un sourire et décida de ne pas lui donner la satisfaction de lui faire savoir qu'il avait détecté son signal, se demandant combien de temps elle pouvait garder son regard posé sur lui avant de parler. Il jeta un œil à écran. Il se passa exactement trente secondes avant qu'il n'entende sa voix. Pivotant sur sa chaise, il lui fit un grand sourire, étirant ses mains derrière son cou.

"Oui, Madame Lane ? Vous avez besoin de mon aide ?"

"Pas du tout !" fut sa réponse immédiate.

"Ah," dit-il, en se retournant vers son écran.

"Clark."

"Alors, tu as besoin de mon aide." Posant son coude gauche sur son bureau, il fit reposer son menton entre son pouce et son index, sourcilla et lui porta à nouveau toute son attention.

"Non. Sois sérieux, Clark."

Il soupira et dit, "D'accord, qu'y a-t-il ?" Il se jeta en arrière sur sa chaise et la regarda.

"Ta mère. Tu ne trouves pas que sa réponse était bizarre ?"

"Excuse-moi ?" Maintenant, il nageait en plein mystère. Toutefois, tandis qu'il s'apprêtait à approfondir le sujet, Perry s'arrêta, s'asseyant un instant sur le coin de son bureau.

"Comment va Jonathan ce matin, Clark ?"

"Il va bien, enfin, je crois. Il est encore un peu ébranlé."

"Quelle plaie ! Il n'y a même plus moyen de bien finir une soirée." La voix de Perry était dure.

"Avez-vous pu voir les hommes qui ont fait ça, Perry?" demanda Lois.

"Pas de chance, Lois. La chose s'est passée si vite. Martha a été très choquée quand c'est arrivé -- elle est restée figée sur place. C'est une mauvaise expérience pour vos parents. C'est toujours désolant de voir des gens qui vivent hors de la ville se faire voler." Perry s'adressait à eux avec une sympathie grinçante, puis se leva et traversa l'immense salle de rédaction vers le poste de travail du meilleur journaliste financier du Planet.

"Tu vois ?" Lois franchit la distance qui séparait leurs deux espaces de travail.

"Je vois quoi ?"

"Ta mère. Quelque chose est arrivé hier soir."

"Oui, mon père s'est fait voler."

"Autre chose aussi."

"Et qu'est-ce que ça pourrait être ?"

"Je ne sais pas."

"Ah," dit-il, un air suffisant illuminant son visage. "Ça explique tout."

"Clark, je crois..." Lois n'eut pas le temps de terminer sa phrase, en remarquant une expression familière sur le visage de Clark.

"Hum, est-ce qu'on peut continuer ça plus tard, Lois ?" Clark se leva brusquement, dénouant sa cravate en se dirigeant vers la cage d'escalier.

Lois leva les yeux au ciel et soupira.

Martha passa le reste de la matinée à faire des tâches domestiques. Au fil des ans, elle en était arrivée à trouver une certaine sérénité dans la répétition de tâches familières, croyant qu'il était possible de trouver le calme dans la simplicité de ces gestes. De toute manière, faire des tâches ménagères lui avait toujours donné le temps de réfléchir au genre de défis auxquels elle faisait actuellement face, elle pouvait prévoir une nouvelle sculpture, un nouvel écrit ou encore méditer sur les problèmes de sa famille ou de ses amis. D'ordinaire, lorsque la lessive était finie ou que le dîner était prêt, elle était parvenue à un plan d'action. Parfois, son plan était de ne rien faire, mais ce n'était pas le cas ce matin.

Elle avait pris la décision de poursuivre seule son enquête, sans en parler à Jonathan. Cependant, cette décision la troublait, Jonathan et elle n'avaient pas de secrets l'un pour l'autre, du moins, pas pour ce genre de choses. Mais elle s'inquiétait de la santé de Jonathan et cette dernière année, il n'avait pas semblé réagir au stress de la même manière qu'il l'avait fait auparavant. Elle repoussa l'idée qu'elle était en train de rationaliser la situation et que peut-être, pour le moment, elle voulait garder cela secret. De toute manière, après plus de trente ans de mariage, elle connaissait très bien Jonathan. Même s'il l'encourageait toujours, il était aussi, d'une façon silencieuse et têtue, très protecteur envers sa famille. Clark était comme lui, pensa-t-elle. Elle sourit. C'était peut-être quelque chose que Clark avait appris de Jonathan. C'était une pensée agréable. Mais, en ce moment, c'était contre-indiqué.

Une autre chose était à considérer, elle était encore gênée de ce qui s'était passé, même après tant d'années. Jonathan et elle en avaient un peu parlé à leur retour à Smallville cet automne-là, mais par la suite, il ne lui en avait jamais reparlé. Conscient de sa relation amoureuse avec Cliff, mais ne comprenant pas réellement, Jonathan avait toujours considéré cet été comme une période où elle l'avait rejeté. Après que tout ait été fini, Jonathan l'avait simplement ramenée à la maison et ils avaient commencé à construire leur vie à deux. De toute manière, pensa-t-elle, je veux seulement savoir ce qu'il en est. Et quand j'aurai trouvé, ce sera fini.

Tôt dans l'après-midi, après que Laura se soit endormie sous l'œil attentif de son grand-père, Martha se dirigea vers la station de métro la plus proche et réussit à attraper une rame se dirigeant vers le sud, dans le quartier où était situé le Cinéma Nostalgie, pas très loin de l'annexe du vieux marché, au sud de Kingston. C'était, pensa-t-elle, un bon endroit pour commencer ses recherches.

Comme la porte du wagon se fermait, elle remarqua, pour la première fois, les tunnels étroits et sombres qui coupaient la ligne principale de la voie, vers l'obscurité la plus complète. Elle se demandait pourquoi ils avaient été construits et si c'était là que, la veille, Clark avait sauvé des gens. Puis, la rame s'arrêta complètement, ses portes s'ouvrant toutes grandes pour la laisser sortir sur le quai à moitié désert. Marchant rapidement vers la sortie la plus proche, elle monta l'escalier, passa devant deux personnes assises sur les marches, aux affaires entassées dans des sacs de plastique vert, qui la fixèrent. Elle s'arrêta et leur donna quelques pièces.

Le quartier était plus pauvre qu'elle ne l'avait cru la nuit précédente quand ils étaient allés voir le film. La plupart de ces endroits paraissent plus accueillants la nuit, l'obscurité transformant la réalité en un décor romantique ou mystérieux, il y a un temps où tout est possible. Dans la lumière du jour, les premières réflexions de Martha étaient que la ville de Métropolis devrait élargir le budget pour la collecte des ordures et le balayage des rues. Un peu plus de poubelles et quelques arbres amélioreraient la situation.

Elle traversa la rue vers le petit cinéma où ils s'étaient rendus la veille. La jeune femme du guichet aux longs cheveux roux n'était pas occupée. Martha lui expliqua ce qui s'était passé la veille au soir et lui posa quelques questions. Sans cacher son mépris à la naïveté des questions de Martha, elle lui fit savoir que les pickpockets étaient quelque chose à ne pas ignorer dans une grande ville, qu'il fallait faire attention, que la police n'était d'aucune aide dans ces cas-là et que tout le monde à Métropolis pouvait disparaître sans laisser de traces. Elle haussa ses maigres épaules et retourna à la lecture de la dernière édition du National Whisper.

Le prochain arrêt de Martha fut le petit bar où l'on vendait des magazines et du café juste à côté du cinéma. Les affaires étaient calmes et l'homme derrière le comptoir était loquace. Tout en buvant son café, Martha modifia son récit, laissant les voleurs de côté et disant qu'elle cherchait un portefeuille égaré. Sympathisant devant sa situation, l'homme l'écouta, ses yeux sombres montrant l'attention qu'il lui portait.

"Je ne pense pas que vous allez le retrouver. Beaucoup de gens ici pourraient se servir de l'argent, vous savez."

"Je suppose que vous avez raison." Martha regarda par la fenêtre, dans la rue. "Les temps sont durs, par ici ?"

"Ouais. On est à l'extérieur du "village", alors l'argent venant pour la réhabilitation et la rénovation des bâtiments de Kingston n'est pas encore arrivé jusqu'ici pour le moment."

"Peut-être que ça va venir." Voulant l'encourager, elle poursuivit : "Il y avait du monde hier soir quand je suis venue ici avec mon mari et mes amis."

"Ouais. On fait la plus grosse partie de notre chiffre d'affaires le soir. Mais faites très attention à la foule. Nous avons beaucoup de voleurs le soir, qui cherchent de l'argent. Le portefeuille de votre mari est probablement dans une poubelle quelque part, dépourvu de ses cartes de crédit et de l'argent. C'est facile de voler une personne qui est distraite par ses amis."

"Alors, mon mari était une cible facile ?" dit-elle, d'une voix douce.

L'homme lui adressa un petit sourire en remplissant encore sa tasse. "C'est vous qui le dites, pas moi. Probablement."

"Maintenant que j'y pense, peut-être avez-vous raison. Nous avons été bousculés la nuit dernière en sortant du cinéma. Par deux hommes. Mais je dois vous dire que ni l'un ni l'autre ne paraissaient être des voleurs. L'un d'eux était costaud. Je croyais qu'un pickpocket était plus petit. L'autre homme avait à peu près mon âge, avec des cheveux gris." Martha étudia sa réaction pendant qu'elle parlait et fut récompensée. La franchise naturelle de son visage plaisant se ferma comme les volets sur une fenêtre. Sa voix n'était pas coopérative en lui répondant.

"Il y a beaucoup de gens dans le coin qui correspondent à votre description." Il se dirigea vers le bout du comptoir et tira une pile de menus d'une étagère au-dessus de lui, puis s'occupa à insérer les tarifs dans chacun d'eux.

Martha était sûre que sa description lui avait rappelé un souvenir, mais elle n'était pas certaine de ce qu'elle devait faire par la suite. Que feraient Lois et Clark dans cette situation, se demanda-t-elle. Ça doit arriver tout le temps. "Je ne veux pas aller me plaindre à la police et je sais que tout l'argent s'est envolé. Mais ça rendrait les choses plus faciles si on pouvait récupérer les papiers personnels qui se trouvaient dans le portefeuille."

"Pourquoi vous ? Pourquoi pas votre mari ? Ce sont ses affaires."

Martha lui jeta un petit sourire un peu méchant. "Il pense que c'est peine perdue."

Il déposa les menus sur le comptoir et la regarda. "Vous devez faire attention, madame. Nous ne sommes pas dans une petite ville au milieu du pays. Les gens, là dehors, feraient n'importe quoi pour avoir leur prochain repas, leur prochain verre ou leur prochain gros coup. Et ils se fichent pas mal à qui ils le font."

"La plupart des gens ne sont pas comme ça. Je ne crois pas que ces hommes soient comme ça."

Il soupira. "Laissez tomber, madame."

Martha interpréta sa réflexion comme un signe. Elle paya sa note et se dirigea vers la porte. En sortant, elle remarqua pour la première fois une petite affiche annonçant l'exposition d'œuvres créées par une coopérative d'artistes marginaux et dont le dessin contrastait avec les affichettes et les publicités placardées sur la porte du café.

En voyant cela Martha eut une nouvelle idée.

Un fin d'après-midi, Lois Lane passait la grande porte du Planet, ses longues jambes la menant énergiquement vers l'ascenseur. Jetant un coup d'œil à sa montre, elle pensa qu'elle avait juste le temps de terminer l'article qu'elle était en train de rédiger avant de rentrer à la maison. Depuis son retour au travail après son congé de maternité, elle avait conservé un horaire régulier les jours où elle allait au Planet, emmenant avec elle les articles et les recherches non terminés sur lesquels elle travaillait quand Laura était couchée. Laura lui manquait et il lui semblait que sa petite fille remplissait chaque minute de sa vie et elle était surprise qu'une petite partie de son cœur se déchire chaque fois qu'elle devait quitter son bébé. Elle ne doutait pas que son retour au travail était la meilleure chose à faire pour une tonne de raisons, mais c'était quand même difficile, plus difficile encore qu'elle ne l'aurait cru. Elle se demandait si Clark éprouvait la même chose ?

Dès qu'elle serait seule avec lui, elle lui demanderait.

Le Daily Planet n'allait pas assez vite, au goût de Lois, à mettre en place sa garderie. Mais le projet avait connu des problèmes en raison du bilan annuel, des prélèvements obligatoires sur les salaires du personnel de la garderie et des enquêtes juridiques sur les éventuelles responsabilités auxquelles le Planet devrait faire face. En entrant dans l'ascenseur, Lois pensa qu'elle ferait bien de trouver de nouveaux arguments ou Laura entrerait au collège avant que la garderie n'ouvre ses portes.

"Lois, attendez." La voix était celle d'un homme à la trentaine avancée, sportif et bien nourri, avec une allure de boxeur. Il pressa le pas en direction de l'ascenseur aux portes sombres dans lequel se trouvait Lois.

"Bonjour, Bentley. J'ai lu ta critique sur l'architecture de la Tour Bronson." Lois appuya sur le bouton menant à la salle de rédaction, alors que la lourde porte se refermait.

"Et ?" Bentley J. Hoolihan, le critique d'art du Daily Planet, sourit à la femme à ses côtés.

"Elle est très bien." La voix de Lois était sincère. Elle avait aimé ses commentaires sur l'utilisation des espaces urbains. Elle n'avait jamais, avant cela, pensé à ce genre de choses de façon systématique et ses chroniques avaient suscité un élan de conscience de la ville qu'elle aimait si passionnément et qu'il avait l'air de si bien comprendre. "Je suppose qu'on t'a fait des reproches."

"Certains. Le gars des relations publiques chez Bronson croit que je suis subversif parce que j'ai écrit que le bâtiment était un gigantesque cuirassé sanglant envoyant par le fond les pauvres et les sans-abri. C'est une critique désobligeante très bien écrite. Ce type a dû prendre des cours d'anglais avant de se lancer dans des études de gestion."

"Leur chantier n'est pas très loin de l'endroit où il y a eu la fuite de gaz dans la nuit d'hier, n'est-ce pas ? Tu crois qu'il serait possible que quelqu'un essaie de saboter le projet ?"

"Quelqu'un devrait le faire, mais qui sait ce qui se passe réellement. Ton ami Superman était là. Qu'en dit-il ?"

"Et alors, comment le saurais-je, Bentley ?"

"Je croyais que Superman te disait tout," dit-il en plaisantant. "Kent doit en avoir marre, parfois."

Lois garda son sang-froid. "C'est à Clark qu'il a parlé de la fuite de gaz de la nuit dernière."

"Sérieusement, Lois, je crois que tu pourrais avoir raison en parlant de sabotage. Ça ne me surprendrait pas, même si je sais que ça aurait pu être pire hier. Je sais qu'il y a un groupe d'activistes qui oeuvre dans le secteur. Mais ils sont plus directs. Ils font de l'art radical, du théâtre de rue, ce genre de choses. Tu te rappelles cette scène de la Nativité pour les sans-abri à l'Hôtel de Ville juste avant Noël ? C'est eux qui l'ont organisée. Je suis passé cet après-midi à l'endroit où la fuite s'est produite. Tu sais, à l'Annexe, à l'est du chantier de construction de la tour Bronson." Pendant qu'il disait cela, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et il la suivit dans la salle de rédaction, faisant quelques pas avec elle.

La curiosité de Lois était piquée. Jetant son sac à main sur son bureau, elle s'assit sur le coin, jambes et bras croisés. "As-tu entendu quelque chose à ce sujet ?"

"Non. Il n'y a eu que l'inquiétude des effets secondaires qu'aurait pu provoquer le gaz. Superman s'en est débarrassé très rapidement. Comment fait-il ça, à ton avis?" Il la regarda, attendant une réponse.

"Comment le saurais-je, Bentley?" Elle haussa les épaules. Repérant Clark qui venait vers eux, sortant du bureau de Perry, et elle ajouta : "Peut-être que Clark le sait."

"Savoir quoi ?" Clark se mit à côté de Lois et lui sourit, un signe de bienvenue bref et privé, qui excluait Bentley quelques instants.

"Comment Superman s'est débarrassé du gaz, la nuit dernière," dit Bentley.

"Lis mon article, Ben, pas seulement le gros titre."

"Oups." Bentley rit et changea de sujet. "J'étais en train de dire à Lois que j'étais à l'endroit où la fuite s'est produite cet après-midi. J'ai visité les lieux. C'était intéressant, en tout cas. Dur et puissant. Oh, oui," dit-il en revenant au sujet principal de la conversation. "Je crois que j'ai vu ta mère, Clark. Elle ne m'a pas vu, par contre. Elle regardait une petite toile."

"Je ne pense pas que c'était elle, Ben. Elle est à la maison avec Laura." Clark glissa ses mains dans ses poches tout en parlant.

"Elle lui ressemblait drôlement. La même couleur de cheveux, les mêmes lunettes, la même énergie en marchant. Je suis certain que c'était elle. J'ai essayé de la rattraper, mais elle ne m'a pas vu et je me suis lancé dans une discussion avec un nouveau sculpteur qui vient de rejoindre l'atelier. C'est très vigoureux, ses trucs. Vous devriez aller y jeter un oeil."

Lois rit. "Si jamais on en a le temps."

Bentley sourit. "Fais attention, Lane. Tu deviens casanière. Je suis vraiment content de t'avoir connu avant," dit-il avec un sourire moqueur, " Lane le chien enragé. Impressionnant."

Clark passa son bras autour des épaules de sa femme. "Elle l'est toujours, Ben. Elle l'est toujours."

Bentley haussa ses larges épaules. "Je dois y aller. J'ai un article à rédiger."

Lois resta silencieuse quand il partit, à peine consciente de la sollicitation de Clark : "Qu'est-ce qu'il y a, ma chérie ?"

Elle ne répondit pas pendant quelques instants et se dirigea vers son bureau. Rassemblant ses pensées, elle jeta un oeil à son mari. "Je suis contente que Martha soit sortie cet après-midi, Clark. J'ai toujours admiré son intérêt pour les arts."

"Ce n'est pas ce qui te trotte dans la tête, Lois." Clark se tourna vers elle, croisant ses yeux sombres tandis qu'il tentait de la calmer. "Ne prends pas Ben au sérieux. Il plaisantait."

"Oui," elle enterra le commentaire de Ben au fond de sa mémoire, juste à côté de sa peur de ne pas pouvoir mener simultanément maternité et carrière. "Peut-être que Martha a acheté cette toile."

"Lois, je crois que Ben s'est trompé. Maman n'a jamais dit qu'elle devait sortir aujourd'hui."

"Oh, alors elle doit demander la permission à toi et à Jonathan chaque fois qu'elle veut sortir, c'est bien ça ?" le taquina Lois. "Je ne savais pas."

Clark sourit. "Nous, les hommes Kent, aimons savoir où sont nos femmes."

Les yeux de Lois brillèrent. "Clark, je vais dire à Martha que tu as dit ça."

"Tu n'oseras jamais."

"Tu crois ?" Elle fronça les sourcils et survola son corps du regard, sa musculature à peine voilée par le tissu sombre de son pantalon et de sa chemise de coton. "Bien sûr, il y aurait moyen de me persuader, contre un paiement, pour que je garde le silence," lança-t-elle.

Clark se pencha en avant et posa ses mains sur son bureau de manière à se trouver au-dessus d'elle, le visage près du sien, et dit lentement, d'une voix grave, "Chérie, pour toi, je suis prêt à payer n'importe quel prix, aussi vite que tu le désires."

"Si on a le temps, " soupira Lois, en touchant le nœud de sa cravate et en glissant légèrement ses doigts le long du tissu soyeux.

Jimmy les interrompit d'une voix excitée leur rappelant qu'ils étaient encore, après tout, au travail. "C.K., j'ai entendu dire qu'il y a eu une alerte à la bombe au chantier Bronson au coin de la 23ème et Hamilton. Ce n'est pas très loin de chez moi. Que s'est-il passé ?"

"Clark ?" Lois était surprise.

"Il ne s'est rien passé." Clark grimaça. "Pas de quoi faire un article. C'était une mauvaise plaisanterie. Les secours ont évacué les employés et quand le type de la démolition a commencé à désamorcer la bombe, elle a explosé." Clark faisait des guillemets avec ses doigts tout en parlant. "La bombe a lâché un tas de serpentins de papier."

Jimmy se mit à rire. "Cool. Je me demande qui a pu faire ça."

"Il y avait une note, une bannière en fait. La Ligue de Protection de l'Environnent de la Cité. La LPEC. Ils protestent contre la construction de la tour Bronson à un endroit qu'ils voulaient voir transformer en parc."

"Vous devez admettre, C.K., que c'est un moyen original de faire valoir son point de vue."

Clark sourit. "Peut-être, mais ce n'est pas ce que pensent les policiers. Ils prennent tout de même les fausses bombes très au sérieux. Non seulement c'est pour eux une perte de temps, mais la bombe a semé la panique."

"Ils ont des indices ?" demanda Lois.

"Non, mais ils mènent une enquête."

Le visage de Jimmy se fit sérieux. "Je crois que les gens qui ont fait ça marquent un point. Car une fois qu'elle sera construite, cette tour détruira tout le secteur. J'espère qu'ils vont gagner."

Clark se dirigea derrière son bureau et s'assit. "Je ne sais pas, Jimmy. Après tout, la cour arejeté la demande de la Ligue Urbaine de Métropolis pour arrêter la construction. La LPEC n'a pas de grandes chances de l'arrêter étant donné qu'ils ont commencé les fondations."

"Clark, je n'avais jamais entendu parler de la LPEC avant. Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas une petite recherche ? Il pourrait y avoir un article là-dessous." Lois paraissait intéressée et commençait à donner des ordres. "Je vais commencer avec Bentley. Peut-être qu'il a déjà entendu parler de ces types. Jimmy, tu cherches dans la base de données et Clark, tu vas..." Elle arrêta de parler en remarquant son regard lointain. "Je te verrai plus tard, dès que tu auras rapporté cette cassette vidéo."

Martha préparait le dîner avec automatisme, s'interrogeant sur la prochaine étape à suivre pour retrouver son vieil ami. Cet après-midi-là, dans une petite galerie, elle avait remarqué, dans un coin reculé de la pièce, une toile qu'elle savait être la sienne. Elle n'avait eu aucun mal à reconnaître son travail, avec son mélange distinctif de réalisme doux et d'abstraction très brute. De toute manière, elle contenait, dans le coin inférieur droit, caché dans l'obscurité de la toile comme une image fantôme, un tout petit œuf brisé, quelque chose qu'il réussissait toujours à incorporer dans ses croquis et ses peintures au temps où elle l'avait connu. Pas de signature, de simples initiales : CGM. Il n'avait jamais signé son nom complet.

Clifford Gilbert Moran.

Même si le gérant de la galerie avait été gentil quand Martha était entrée dans le studio, il était resté avare de commentaires quand elle lui avait posé des questions sur la toile, disant seulement qu'il exposait souvent quelques-unes des œuvres d'autres artistes en plus des siennes. Il avait aimé cette toile et avait accepté de l'exposer. Il n'était même pas certain que l'homme qui l'avait apportée était l'artiste lui-même ou un de ses amis. En ce qui le concernait, personne d'autre dans l'Annexe n'exposait rien d'autre sur cet artiste. Elle demanda qui il était et on lui répondit John Marshall. Le gérant de la galerie n'avait donné ni adresse ni numéro de téléphone à Martha, prétextant que Marshall n'en avait pas laissé. Ce fut la fin de leur conversation.

Martha avait jeté un oeil à la toile encore quelques instants, espérant avoir assez d'argent pour se la procurer. Il devait avoir plus d'argent qu'elle. De plus, elle croyait que c'était une belle peinture. Perdue dans ses pensées, elle avait quitté le studio.

Maintenant dans la cuisine, Martha réfléchissait à tout cela et décida qu'elle retournerait le lendemain dans le quartier où elle avait vu la toile. Sa décision coïncida avec la sonnerie du four, la ramenant à la tarte aux pommes à laquelle elle mettait la touche finale. Comme elle la glissait dans le four, elle entendit Lois entrer dans le vestibule. Martha quitta la cuisine à temps pour voir les yeux de Lois étinceler en prenant sa petite fille dans ses bras, Jonathan, radieux , se trouvait à côté de la mère et de sa fille. En les contemplant, Martha remercia silencieusement la puissance, quelle qu'elle soit, qui avait permis à son fils de rencontrer cette femme.

"Comment ça s'est passé aujourd'hui, Jonathan ? Pensez-vous que je lui ai manqué ?" demanda Lois, d'une voix un peu inquiète.

"Elle a été un ange et je sais que vous lui avez manqué."

Lois le regarda, les yeux pétillants d'humour. "Et comment faites-vous pour savoir ça, Jonathan ?"

Jonathan sourit à sa belle-fille avec indulgence. "Ma petite-fille me dit tout. N'est-ce pas, Martha?"

Martha rit : "Oui, bien sûr qu'elle le fait."

Ils étaient tous dans l'entrée quand Clark entra, l'air un peu pressé. "Je suis là. Pas aussi tard que je le croyais." Il se détendit visiblement, souriant à Lois et l'embrassant sur la joue en lui prenant Laura des bras. "Comment va ma petite fille ? Tu sais, tu es encore plus belle que quand ta maman et moi t'avons laissée ce matin." Il la balançait lentement en lui parlant, répondant à ses gazouillements comme si Laura et lui étaient en pleine conversation. "Alors, dis-moi ce que tu as fait aujourd'hui. Est-ce que tu as dit à ton grand-père et à ta grand-mère que tu avais une nouvelle peluche ?"

Amusée, Lois le regarda un instant et le taquina : "Dis-moi, Clark, tu enlèves ton manteau ou tu ne fais que passer ?"

En souriant, il lui redonna Laura, enleva son manteau et suivit sa famille dans la salle à manger.

Pendant le dîner, Jonathan apprit à Lois et Clark que son portefeuille lui avait été retourné avec tout son contenu. Cela conduisit la discussion sur ce que chacun avait fait dans la journée, incluant l'expédition de Martha au centre commercial pour trouver un cadeau pour l'un de ses neveux qui se mariait le mois suivant. Quand Lois lui dit que le critique artistique du Planet avait cru l'apercevoir à la galerie de l'Annexe du vieux quartier commercial au sud de Kingston, Jonathan l'interrompit, l'air inquiet. L'endroit n'était-il pas un peu dangereux ? Le rassurant, Martha lui dit simplement qu'elle pensait que Bentley avait dû se tromper. Elle était allée au LaFayette, un des plus vieux grands magasins de Métropolis.

Puis, se sentant un peu coupable d'avoir raconté des histoires à sa famille, elle se sauva à la cuisine pour retirer la tarte du four.

Clark dut partir juste au moment où Martha servait le dessert, s'envolant sur les lieux d'un important déraillement de train de passagers pris dans une tempête de neige au centre du Canada. Avec des températures frisant les - 30 C, une aide "plus rapide que l'éclair" était essentielle. Ainsi, ce fut Martha, au lieu de Clark, qui aida Lois à donner le bain à Laura et à la préparer pour aller au lit. En faisant couler de l'eau tiède sur les épaules dodues de sa fille, Lois raconta que Clark adorait cette routine du coucher de son enfant. Elle rit tandis que Laura gazouillait de bonheur, éclaboussant en tapant ses petites mains dans l'eau.

Lois se tourna et regarda Martha un instant en riant : "Vous savez, si quelqu'un m'avait dit il y a cinq ans que je ferais cela et que j'adorerais le faire, je l'aurais cru fou à lier." Laura s'amusait gaiement dans l'eau tandis que Lois poursuivait : "Mais, j'ai rencontré votre fils et une sorte de programmation primitive a pris le dessus."

"Je crois que ça a été réciproque, Lois."

"Oh oui, je sais ça. Vous savez ce qui est le plus étrange ? J'ai toujours su que Clark serait un bon père; il a toujours été si bon avec les enfants. Pas moi. Les petits enfants m'effrayaient. Mais maintenant..." Ses mots moururent dans sa gorge tandis qu'elle sortait Laura de l'eau et elle l'enveloppait dans une serviette éponge, frottant son nez contre le sien. "Quand le Dr Klein a dit que nous ne pouvions pas avoir d'enfants et puis ensuite, quand l'agence d'adoption nous a rejetés, je me suis sentie si vide, comme si une partie de mon être avait été détruite."

Le silence prit place dans la petite pièce pendant un instant et Martha prit la parole, en se remémorant la douleur de sa jeunesse. "Je sais, Lois, je sais."

Désemparée, Lois fixa son aînée. "Martha, je suis désolée, j'avais oublié." Comme si elle essayait de consoler sa belle-mère, elle tendit Laura, enveloppée dans la serviette, à sa grand-mère. "C'est seulement que je ne peux imaginer quelque chose de mieux, des parents plus naturels que vous et Jonathan l'êtes pour Clark. Je sais combien il vous aime."

Martha sourit à Laura, en se dirigeant vers sa chambre. "Ça va, ma chérie," dit-elle à Lois. "Ça fait si longtemps. Et maintenant, il y a Laura."

"Pourquoi n'avez-vous pas adopté d'enfants, Martha ? Vous et Jonathan étiez mariés depuis quelques années avant que Clark n'arrive. Je veux dire, ils ont rejeté Clark par ma faute." Elle prit un ton un peu méprisant. "Clark, M. Champ de Maïs du Midwest, a obtenu un cinq sur cinq, alors que moi, j'ai obtenu un cinq négatif au même test."

"Je ne savais pas que c'était à cause de vous." Le ton de Martha était à la fois surpris et outré. "Pourquoi vous a-t-on rejetée, Lois ?"

"On a dit que j'attirais les catastrophes, que je recherchais l'excitation, que j'avais l'habitude de tomber du haut des immeubles. Pas d'instinct maternel. Grosse exagération. Je n'arrivais pas à le croire. Comment est-ce que ces gens-là font leur travail ?

Martha dit en souriant,: "Vous savez, Lois, Jonathan et moi avons essayé l'adoption quand il est devenu clair que nous ne pouvions pas avoir d'enfants. Nous avons tous deux subi des examens et les médecins nous ont dit que nous n'avions aucune chance. Je crois que ça a été la période la plus difficile de notre mariage. Mais nous étions certains de pouvoir adopter un enfant. Et puis, l'Agence d'Adoption de l'État du Kansas," dit Martha avec amertume, "nous a rejetés."

"Quoi ? Je ne peux pas le croire, Martha. Pourquoi ont-ils fait une chose pareille ?"

"Oh, ils ont approuvé la candidature de Jonathan. Il était bien vu par les habitants de Smallville et il avait un dossier solide grâce à ses deux années de service militaire. C'est moi qu'ils ont rejetée."

"Martha, comment est-ce possible ? Vous avez été une mère du tonnerre. Je ne peux pas imaginer qu'ils vous aient refusée."

"Oh, c'est parce que j'ai été arrêtée et que j'ai passé quelques jours en prison," dit calmement Martha, en changeant la couche de Laura. "Voilà, c'est terminé, mon poussin. Tu es toute prête pour ta maman."

"Quoi ?" La voix de Lois grinça. "Arrêtée ? Martha, pourquoi ?"

"Rien de très spécial, ma chérie. Troubles de la paix, obstruction à la justice et agression sur un officier de police." Elle fit une grimace et gémit en regardant sa petite-fille, puis elle la déposa dans les bras de Lois. "Elle est si mignonne."

"Martha, est-ce qu'on peut se concentrer, une minute ?"

"Que voulez-vous dire, Lois?"

Lois leva les yeux au ciel. "Bien, premièrement, comment cela a-t-il pu arriver ? Deuxièmement, comment se fait-il que je n'aie jamais entendu parler de ça ? Je veux dire par-là que Clark ne m'en a jamais parlé."

"Je faisais partie d'une manifestation sur les droits civils. Vous savez, je ne crois pas que Clark soit au courant." La voix de Martha était songeuse. "Il sait juste que son père et moi avons participé au mouvement pour les droits civils après notre mariage. Dès que nous avons eu Clark, ce qui s'était passé en Alabama paraissait bien loin. Ce n'est pas quelque chose dont Jonathan aime discuter, je crois que cet été-là était une période où les choses entre nous n'allaient pas très bien. Alors, je n'en ai jamais reparlé."

Lois s'installa dans le rocking-chair et commença à allaiter Laura. "Alors, racontez-moi ça, Martha."

Martha s'assit dans la vieille chaise en osier face à Lois. Clark avait sauvé cette chaise du grenier de Smallville, une des affaires préférées de son enfance. Martha se cala dans la chaise et observa Lois un instant avant de parler. "C'était il y a très longtemps. Je prenais des cours d'art à l'Université du Kansas et je me suis jointe à un groupe pour le respect des droits civils. J'avais rejoint la branche locale du SNCC, un groupe radical et nous sommes allés à Washington cet été-là pour rejoindre la Marche pour la Liberté. Lois, c'était une période exaltante." Les yeux bleus de Martha étincelèrent à ce souvenir. "Nous étions si dévoués à ce que nous faisions, nous avions réellement l'impression que ce serait différent."

"Et qu'est-il arrivé ensuite ?"

"Nous avons été mal reçus dans une des villes où nous nous sommes arrêtés. Nous sommes entrés silencieusement dans la gare routière, deux par deux, mais nous avons rencontré une foule en colère. Lois, je n'oublierai jamais la haine dans leurs yeux. Pendant un instant, il régna un silence mortel et ils ont commencé à nous traiter de tous les noms en nous crachant dessus et ils nous frappaient alors que la police était tout près et ne faisait rien. Un de mes amis a répliqué et l'un des policiers l'a frappé avec sa matraque. J'ai marché sur le pied du policier et je l'ai ensuite frappé."

Lois se mit à rire. "Martha, je n'arrive pas à croire que vous ayez fait ça."

"Eh bien, je l'ai fait. Le juge m'a condamnée à deux semaines de prison et je suis retournée à la maison."

"Où était Jonathan pendant tout ce temps ?"

Au moment où Lois posait cette question, elles reconnurent les pas lourds de Jonathan se diriger vers la chambre du bébé et entendirent sa voix enjouée. "Est-ce que je viens d'entendre mon nom ?"

Martha se retourna et sourit avec affection à son mari. "Oui, tu as bien entendu, Jonathan. Nous étions simplement en train de parler du passé."

"Oui, et voici des nouvelles fraîches. CNN vient à l'instant de parler du déraillement de train. Ils ont dit que Superman était sur les lieux. Il n'y a pas d'images, ils n'ont pas encore réussi à dépêcher de caméras sur place."

"Quelle est la gravité de la situation ? Ils en ont parlé ?" demanda Lois.

"C'est très grave." La voix de Jonathan était sinistre. "Un passager est mort et beaucoup de gens sont prisonniers des carcasses. La tempête est encore si intense que l'équipe de Recherche et Sauvetage canadienne n'est pas encore arrivée sur les lieux."

"Je suppose que Clark ne sera pas à la maison de sitôt." Lois soupira.

Lois avait raison. Clark ne revint pas à la maison avant deux heures du matin. Silencieusement, il se glissa dans la chambre de sa fille et resta debout dans la pénombre à la regarder dormir. Il y avait une époque où il avait renoncé à toute chance de fonder une famille et il s'était résolu avec tristesse à penser que son destin était de vivre sa vie adulte en marge et sans amour. Cette soirée avait été difficile. Il était arrivé trop tard pour sauver la vie d'une femme et plusieurs autres personnes étaient grièvement blessées. Maintenant, tandis qu'il observait sa fille, il se fit la promesse de toujours la protéger. Rien ne devrait jamais la menacer. Puis, il embrassa légèrement son front et quitta la pièce, flottant un peu au-dessus du plancher grinçant jusque dans le couloir pour ne pas réveiller son enfant qui dormait.

Quand il arriva à la chambre au bout du couloir, il resta debout au pied du lit pendant quelques instants. Cette fois, c'était sa femme endormie qu'il regardait et, ce faisant, il sentit que la douleur causée par le carnage commençait à s'apaiser. Il se glissa dans le lit et passa son bras autour de sa taille. Lois, encore endormie, murmura son nom de manière confuse et se colla contre son corps. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne sombre, lui aussi, dans un profond sommeil.

"Lois, j'ai trouvé des informations pour vous sur la LPEM." cria Jimmy par-dessus le brouhaha de la salle de rédaction en agitant une feuille de papier qu'il lui tendit aussitôt qu'il parvint à son bureau.

Lois la parcourut rapidement et sourit en le regardant. "C'est super, Jimmy ! Joli travail de recherche. Je me demande s'ils prévoient autre chose aujourd'hui."

"Peut-être bien que oui, Lois." Bentley J. Hoolihan se joignit aux deux journalistes. "J'ai entendu des rumeurs hier soir quand j'étais au théâtre Fringe. La LPEM a prévu de faire une manifestation aujourd'hui au chantier de la tour Bronson."

"Tu plaisantes !" La voix de Lois était excitée. "Quand ?"

"Vers midi."

Lois prit son sac à main, se leva précipitamment et se dirigea vers l'ascenseur, s'arrêtant pour prendre le dernier beignet au chocolat près de la table à café. Revenant sur ses pas, elle cria : "Apporte ton appareil, Jimmy. On va avoir besoin de photos."

En la suivant dans l'ascenseur Jimmy demanda, "Où est C.K. ce matin ?"

"Hum, je ne sais pas exactement. Je n'ai pas eu la chance de lui parler avant de partir." dit Lois en mordant dans le beignet au chocolat.

"Il est parti sur un article ?"

Lois se mit à rire. "L'inverse. Il a travaillé tard hier soir. La dernière fois que je l'ai vu, il dormait à poings fermés." Elle mangea son beignet en silence. "Mmmm. C'est bon. Sais-tu depuis combien de temps je n'ai pas mangé de chocolat ?" Amusé, Jimmy la regardait tandis qu'elle lui expliquait la situation, la bouche pleine. "Cette graisse et cette caféine, ce n'était pas bon pour Laura. Bien sûr, je m'en suis privée. Bon, presque entièrement. Mais on ne peut pas vivre sans chocolat. Tu savais ça, Jimmy ?" Alors que les portes de l'ascenseur s'ouvraient sur la réception du Planet, Jimmy acquiesça solennellement en essayant de cacher son sourire, à l'instant où Lois prenait une autre bouchée de son beignet. Complètement absorbée par le goût semi-orgasmique du chocolat, elle se cogna dans une large poitrine en sortant de l'ascenseur.

"Bonjour, Lois." Les yeux de Clark étaient rieurs, jetant un oeil aux traces de beignet sur sa lèvre supérieure. "Le chocolat te va bien." Il se pencha et l'embrassa légèrement sur la joue.

"Bonjour." Lois enleva les traces de chocolat de son visage, en cherchant celui de Clark. "Ça va bien ?"

"Oui. Par contre, on dirait que je te verrai plus tard."

"Uh huh. La LPEM a prévu de faire une manifestation au chantier de construction de la tour Bronson. Jimmy et moi, allons là-bas. A tout à l'heure."

Clark la regarda partir et son sourire s'évanouit. Lois, pensait-il, il faut qu'on arrête de se croiser comme ça. Il y avait longtemps qu'ils n'avaient pas passé un moment seuls tous les deux. Elle lui manquait. Peut-être que ce soir ce serait différent.

Martha ramassa l'enveloppe kraft sous le porche de la résidence peu de temps après que Clark soit parti travailler. Tandis qu'elle nettoyait la cuisine, elle entendit la sonnette de l'entrée mais au moment où elle ouvrit la porte, il n'y avait plus personne. Son nom était écrit sur l'enveloppe. Une fois à l'intérieur de la maison, elle l'ouvrit et sursauta quand elle vit le contenu. Sur une feuille de papier blanc était juste écrit, ARRÊTE DE CHERCHER.

La deuxième feuille était un papier de bonne qualité sur lequel était dessiné un croquis sensuel, un portrait fait aux pastels, qui représentait une jeune et belle femme nue avec de longs cheveux blonds. Les initiales CGM étaient inscrits dans un coin de la feuille. Le modèle était Martha Clark. Ébranlée, Martha remit rapidement le message et le croquis dans l'enveloppe. Il n'était pas question qu'elle laisse Jonathan voir cela.

La dernière fois qu'il avait trouvé un portrait nu la représentant, ils avaient eu une grosse dispute et il en était arrivé à de mauvaises conclusions. De toute manière, elle n'avait pas vraiment posé nue sur cette toile, celle qu'il avait trouvée quelques années plus tôt. Un drap avait été habilement posé sur les parties plus intéressantes de son corps. Néanmoins, cela avait suffit à Jonathan pour venir se réfugier chez Clark à Métropolis. Sur le vieux croquis qu'elle tenait dans la main, par contre, les parties les plus intéressantes de son corps étaient montrées en entier et pas trop mal dessinées, pensa Martha, sur le coup.

Jonathan arriva dans la cuisine avec Laura dans ses bras. "Qu'est-ce qu'il y a, Martha ?"

"Rien, Jonathan. Juste de la publicité." Elle commença à monter l'escalier. "Je vais chercher une autre couverture pour Laura. Il fait frisquet ce matin."

Lois et Jimmy passèrent le reste de la matinée à prendre des photos et à faire des interviews plus ou moins officielles avec les gens habitant dans l'Annexe du vieux marché, juste à l'est du chantier de construction de la tour, du côté de Hobbs Bay. Le chef de chantier leur glissa qu'il avait entendu dire que le promoteur de la Tour Bronson avait aussi prévu de développer l'est du site aussitôt qu'il aurait acquis les terrains qu'il désirait. Lois pensait que ce développement serait un cadeau du ciel pour le secteur jusqu'à ce qu'il dise que le plan de Bronson était de construire des tours immenses et des copropriétés hors de prix, mais que rien n'avait été prévu pour d'autres types de bâtiments ou même des espaces verts.

Tandis qu'elle et Jimmy parlaient avec les habitants, Lois réalisa qu'un autre problème allait se poser si ce plan de restructuration se réalisait. Où ces personnes allaient-elles aller ? Ils n'avaient pas l'argent pour payer un loyer à Métropolis, même modéré. Un nombre surprenant de ces habitants était sans abris. Certains squattaient, vivant dans des entrepôts désaffectés ou dans des appartements abandonnés, se regroupant pour survivre comme ils le pouvaient. Leur façon de vivre était illégale, en violation avec la législation et les nombreuses réglementations municipales concernant le chauffage et l'électricité, sans parler des normes de sécurité incendie. Mais tout le monde s'en moquait et ils survivaient : une poignée de patients à qui les hôpitaux avaient donné congé trop rapidement, des adolescents qui avaient fui les horreurs de l'abus familial, des criminels de petite envergure et des drogués. La seule aide qui leur était donnée venait de deux centres d'hébergement bénévoles dirigés par des groupes religieux.

La manifestation de la LPEM commença peu après midi et attira beaucoup de résidents de l'est de la ville tout autant que des gens passant par là à l'heure du déjeuner. La journée était plus chaude que d'habitude pour un mois de janvier, avec la promesse d'une soirée enneigée. Les organisateurs étaient détendus, habillés de jeans et de gros pulls, la plupart d'entre eux étaient vêtus de noir ou de kaki foncé. Ils ressemblaient à une armée arrivant des profondeurs de la Terre. Ils portaient des masques trop grands pour eux, décorés pour ressembler à des créatures mythiques, des fous ou des bouffons, leurs traits étaient ridiculement déformés pour que les images qu'ils véhiculaient soient à la fois surréalistes et étranges et d'une certaine façon primitives et dérangeantes. Ils chantaient leurs slogans comme une chorale grecque, leurs voix accompagnées du rythme constant d'un tambour, s'accélérant quand les voix devenaient plus fortes, plus colériques, au dernier couplet de leur chanson : "Nous déclarons la guerre aux entrepreneurs, destructeurs de la ville !"

Quand ils eurent terminé, plusieurs d'entre eux allumèrent dramatiquement des grenades et les lancèrent à l'unisson vers le bâtiment. Les grenades étaient fausses, jetant de la neige carbonique pour un effet dramatique, mais il était trop tard. Plusieurs des employés du chantier foncèrent vers les organisateurs et la scène se transforma en bagarre générale. Comme des fourmis, les gens sortaient des bâtiments voisins pour entourer les belligérants, lançant des encouragements aux deux parties.

Tandis que Lois regardait la scène, ses yeux balayèrent la foule et s'arrêtèrent. A l'autre bout de la mêlée, elle vit Martha Kent au milieu de ce qui semblait être une intense discussion avec un grand homme mince aux cheveux gris. Tous deux gesticulaient dramatiquement et Lois voyait, même si elle était loin d'eux, que Martha était très absorbée dans cette discussion. Pensant que sa belle-mère avait des problèmes, Lois se fraya un chemin à travers la foule qui hurlait, ce qui n'était pas facile, les événements se passant dans la direction opposée.

"Madame, faites attention aux gens que vous poussez. Sortez donc d'ici."

"Vous êtes sur mon chemin, bougez-vous !"

Lois s'esquiva à gauche de l'homme et le contourna, se précipitant adroitement vers un passage libre dans la foule. Quand elle arriva à l'endroit où Martha se trouvait quelques instants plus tôt, sa belle-mère avait disparu. Lois regardait autour d'elle et ne la vit nulle part. Elle ne vit que l'adversaire de Martha sortir rapidement de la foule enragée. Inquiète, Lois courut vers un petit café, en espérant y trouver Martha. Elle n'y était pas. Balayant rapidement le secteur du regard, Lois remarqua une station de métro environ un pâté de maisons plus loin. Martha était peut-être rentrée à la maison. Parcourant la petite distance qui la séparait du métro, elle paya son entrée et courut dans les escaliers pour arriver sur le quai. Elle arriva juste à temps pour voir Martha entrer dans l'un des wagons quelques secondes avant que les portes ne se referment. Puis les rails étaient déserts.

Lois prit une profonde inspiration et remonta les escaliers jusqu'à la rue.

"Clark, il faut qu'on parle." Lois se tenait devant le bureau de Clark, son manteau toujours sur le dos.

Surpris de la fermeté de sa voix, Clark arrêta ce qu'il faisait. On avait trouvé un autre corps non identifié et il tentait de faire le lien avec les meurtres non résolus qui étaient arrivés au cours des derniers mois. Il était ennuyé que Superman ne soit pas arrivé à empêcher ces meurtres. Il leva les yeux de la carte indiquant les endroits où les corps avaient été découverts pour prêter toute son attention à sa partenaire. "D'accord. Que se passe-t-il ?"

"Pas ici." Se tournant pour regarder si la salle de conférence était vide, elle fit un signe de tête vers la pièce. "Allons dans la salle de conférence," dit-elle en s'y dirigeant.

Clark la suivit, fermant la porte derrière eux après être entré. Il lui sourit, distrait par la manière dont ses cheveux ondulaient le long de sa joue. "Tu sais, c'est la première fois que nous sommes seuls et réveillés tous les deux en même temps depuis deux jours." Il repoussa la mèche de cheveux bruns tombée sur son front et la replaça d'un geste tendre et involontaire.

Les yeux de Lois s'adoucirent en prenant sa main. "Je suppose que c'est vrai. Peut-être que cette fin de semaine sera différente." Sa voix était remplie de désir, mais elle revint à la raison originale qui l'avait poussée à s'isoler avec lui. "Mais en premier lieu, on doit savoir ce qui se passe avec Martha."

"Quoi ?" Il eut l'air étonné. "De quoi parles-tu, Lois?"

"Elle nous cache quelque chose, Clark. Je le sais. Je l'ai vu tout à l'heure dans la foule assister à la manifestation de la LPEM, elle parlait avec un homme qui avait l'air d'un participant."

"Tu es sûre, Lois? Avant que je ne parte travailler, maman m'a dit qu'elle sortait aujourd'hui pour acheter un cadeau de mariage. Elle n'a pas parlé d'autre chose. De toute manière, pourquoi est-ce qu'elle irait dans cette partie de la ville ?"

"Je ne sais pas, Clark, mais elle était à l'Annexe hier et quelque chose est arrivé après leur film jeudi dernier et elle ne nous dit pas ce que c'est." Lois était catégorique.

Le langage corporel de Clark trahissait son scepticisme, sa main droite s'agitant pendant qu'il parlait. "Franchement, Lois. C'est de ma mère dont on parle. Elle ne nous cacherait rien."

Lois fronça les sourcils. "C'est un livre ouvert, c'est ça ?"

"Et bien, oui. Elle nous l'aurait dit si elle était allée à cette manifestation. C'était probablement quelqu'un qui lui ressemblait."

Lois leva les yeux au ciel. "D'accord. Nous lui demanderons ce soir."

Lois le demanda. Elle attendit qu'ils finissent de dîner et ils étaient en train de prendre le thé quand elle posa la question à Martha. Du moins, elle prépara le terrain pour poser la question. "Est-ce que vous avez pu trouver le cadeau de mariage aujourd'hui, Martha?"

"Oui. J'ai trouvé ce que je cherchais. Et ils sont même prêts à me l'envoyer par la poste au Kansas."

"Est-ce que vous avez fait autre chose ?"

"Non, trouver le bon cadeau prend toujours beaucoup de temps."

"Qu'as-tu acheté, Maman ?"

"Des chandeliers en argent."

Lois pensa que ça ne débouchait sur rien et qu'il fallait forcer les choses. "Vous savez, j'ai vu quelqu'un qui vous ressemblait beaucoup à la manifestation de la LPEM à laquelle j'ai assisté aujourd'hui. J'aurais pu jurer que c'était vous."

"Je ne crois pas, ma chère. Ça devait être quelqu'un qui me ressemblait. Tu veux encore du thé, Jonathan?"

"Merci, Martha."

Lois laissa tomber et se résolut d'en reparler à Clark. Elle était certaine qu'elle avait vu Martha et elle était inquiète. Elle lui parla ce soir-là pendant qu'ils donnaient le bain à Laura, mais Clark, absorbé par son enfant, continua de repousser son inquiétude d'un revers de la main. Pour lui, c'était simple. Martha était sa mère et elle ne pouvait pas mentir. Clark prit sa fille et commença à la sécher doucement en disant, "Allez, Lois, tu imagines des choses qui n'existent pas. Pourquoi Maman serait-elle allée là-bas ?" Il prit Laura, posa un gros baiser sur la joue de sa fille et lui sourit, tandis qu'elle poussait de petits cris en guise de réponse.

Plus tard, après que Laura se soit endormie et que Lois, Clark et Jonathan soient assis dans le salon, Martha descendit l'escalier avec une expression de détresse évidente. "Jonathan, as-tu trouvé l'enveloppe qui est arrivée ce matin ?"

"Quoi ? Oh, oui. Je l'ai mise à la poubelle."

"As-tu regardé ce qu'il y avait dedans avant de la mettre à la poubelle ?"

"Non, ce n'était que de la publicité, rien de très intéressant, Martha."

"Il y avait des coupons-rabais à l'intérieur. Je vais aller la récupérer." Elle se dirigea vers la cuisine et revint très vite avec l'enveloppe. "Je vais la ramener à l'appartement avec nous."

Lois se tourna vers Clark et leva un sourcil. Les coupons-rabais, pensa-t-elle, ne sont pas distribués dans des enveloppes kraft ordinaires.

Une bombe explosa tôt le lendemain matin dans l'excavation des fondations du complexe Bronson. Le flash blanc de l'explosion éclaira le ciel sombre, alertant Superman qui revenait en ville. Il descendit, mais il n'arriva pas à temps pour sauver le gardien de nuit, son corps ensanglanté gisait juste à l'extérieur du périmètre touché par l'explosion. Les poutrelles et les échafaudages qui avaient été érigés plus tôt dans la semaine s'étaient écroulés comme des allumettes. Clark radiographia les débris de sa vision à rayons X pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'autres victimes et que personne n'était emprisonné. Puis, penchant la tête, il se posa et s'agenouilla à côté du corps du gardien et resta silencieux. Il ne pouvait pas être partout à la fois, il le savait ; mais il avait toujours des remords quand il ne parvenait pas à arriver à temps.

Quand la maisonnée des Kent se leva le dimanche matin, LNN diffusait un reportage sur l'explosion. La police avait conclu que la déflagration avait été causée par une bombe et que la victime était un policier à la retraite qui travaillait à temps partiel comme garde de sécurité. Des interviews avec ces anciens collègues et voisins confirmaient que l'homme était honnête, qu'il était amical et dévoué à sa famille. Un porte-parole de Bronson dit que la compagnie allait tout de même poursuivre le projet, ils n'allaient pas plier devant des terroristes. La police, qui cherchait des indices et qui interrogeait les gens du voisinage, ne savait pas qui étaient les responsables

Regardant la petite télé dans la cuisine, Lois se dit que ce reportage ne lui apportait rien. Et, alors qu'elle se dirigeait vers le plan de travail, LNN interrompit ses programmes pour annoncer que la chaîne venait de recevoir un mot de la LPEM revendiquant l'attentat.

Lois se tourna vers Clark, les cheveux encore humides de sa douche matinale. "Qu'en penses-tu ?" lui demanda-t-elle en lui tendant une tasse de café.

Il paraissait songeur. "Je ne sais pas. J'ai relevé les indices que j'ai pu hier soir, alors la police devrait pouvoir procéder à des analyses dès ce matin. Je n'ai vu personne sur les lieux de l'explosion. Qu'en penses-tu, Lois ? Tu en connais plus que moi sur la LPEM."

"Ça ne colle pas avec ce que nous avons trouvé. Ce sont des anarchistes, mais je dirais aussi qu'ils sont pacifistes." Sa voix était songeuse. "Bien que, le dernier acte de leur pièce de rue d'hier ressemblait à une menace de violence. Je suppose que je ne peux rien trouver d'autre pour le moment." Elle haussa les épaules, but une gorgée de café et tourna la tête vers Clark. "Clark, et si on allait là-bas ce matin pour voir si on trouve quelque chose ?"

Il hocha la tête. "On ne peut pas y aller tous les deux et pour l'instant cela peut être dangereux, Lois."

Elle sourit et lui tapota la poitrine. "C'est très bien. Je sais prendre soin de moi."

"Pas toujours, Lois." Sa voix était douce, tandis qu'il croisait ses bras sur sa poitrine et penchait légèrement la tête.

Lois resta un instant silencieuse, puis elle dit, d'un ton indigné, "Oh, alors j'ai besoin de mon mari grand et fort pour me protéger chaque fois que je sors ?"

"Ce n'est pas juste. Tu sais très bien que ce n'est pas ce que j'ai voulu dire."

"Alors, qu'est-ce que tu voulais dire ?" Une menace d'ouragan traversa ses yeux sombres.

Clark ignora l'avertissement météo et se lança, conduit par cette peur bleue qu'il ressentait au fond de lui et la mort du garde de sécurité qui le tenaillait. "Il ne s'agit pas seulement de moi, il y a aussi Laura. Tu es mère de famille, maintenant, Lois. Nous avons traversé tant d'épreuves. Tu prends trop de risques. Tu..."

L'ouragan s'emporta, terminant pour lui le reste de son raisonnement. "Je suis toujours Lois Lane, Clark Kent. Je suis toujours la meilleure journaliste d'investigation du Planet. Et je ne prends pas de risques. Et je suis aussi une bonne mère pour Laura. Je peux le faire."

Oh, pensa Clark, il y a là-dessous autre chose que cet article. Il lui prit les mains, remarquant inconsciemment comme elles étaient petites dans les siennes si grandes. "Je le sais, Lois. Crois-moi, chérie, je le sais. Mais tu dois aussi me comprendre. Toi et Laura êtes tout ce que j'ai toujours voulu, plus que je n'aurais pensé avoir. Si quelque chose devait vous arriver..." Il ne put terminer car la peur qui le réveillait parfois en pleine nuit resurgissait. "Je veux vous protéger toutes les deux, je veux prendre soin de vous. Je dois le faire." Levant une main, il lui caressa la joue en regardant ses yeux sombres, observant la tornade se calmer.

Lois laissa échapper un soupir, mais le ton de sa voix était insatisfait. "D'accord, je sais cela." Un petit sourire narquois lui traversa furtivement le visage, comme si elle avait conscience que ses émotions étaient contradictoires. "Et j'aime ça, Clark. Et je dois vous protéger aussi, toi et Laura, mais ce n'est pas si facile. Qu'arriverait-il si je ne pouvais pas le faire ? Qu'arriverait-il si je perdais courage ? " Ses yeux étaient honnêtes en le regardant, lui laissant voir combien elle se sentait déchirée.

"Ne penses-tu pas que je m'inquiète aussi de ces choses-là ? Ma réputation de journaliste est toute aussi importante, peut-être même plus que ma réputation de Superman. Et notre fille et notre mariage sont encore plus importants." Il réfléchit, cherchant les mots pour lui expliquer que parfois, il avait l'impression que leur bonheur était fragile, puis il hocha la tête. "Mais dernièrement, on dirait que notre mariage est la dernière chose à laquelle on consacre du temps." Il sourit avec regret en la regardant. "Lois, c'est la première fois depuis trois jours que nous sommes enfin seuls. Laura dort, mes parents sont chez eux et toi, tu veux aller enquêter sur un article." Sa main droite glissa sous sa chemise de coton, caressant la douce peau de son épaule, son pouce dessinant lentement le tracé de sa nuque. "Maman et Papa seront là après le dîner et alors, Lane et Kent pourront aller chercher les méchants." Baissant la tête, il l'embrassa , un léger baiser langoureux, telle une invitation. "Viens au lit avec moi, Lois."

Lois s'adoucit, se rapprochant davantage de lui. Glissant ses bras autour de son cou, sa bouche tout près de la sienne, elle murmura : "D'accord, partenaire."

Il l'entoura de ses bras en sentant les lèvres de Lois se poser sur les siennes. "Lois," sa voix était rauque. Il la souleva dans ses bras, il l'emmena au premier en riant alors qu'elle lui mordillait l'oreille, en murmurant et en le taquinant de ses mots, ses mains et sa bouche.

Oui, pensa-t-il, les choses allaient définitivement mieux.

L'atmosphère était tendue autour du chantier Bronson, interdit d'accès, cet après-midi-là. LA LPEM était revenue en force, les gens étaient habillés de couleurs foncées et plusieurs d'entre eux portaient les mêmes masques que la veille lors de la manifestation. Marchant avec défi dans la neige qui tombait, leurs pancartes dénonçaient non seulement la construction, mais aussi ce qu'ils déclaraient être la tentative de l'Amérique des affaires pour détruire la libre expression. Leurs panneaux étaient grands et colorés, aux slogans de diverse nature:

LA LPEM EST INNOCENTE DE L'EXPLOSION DE LA BOMBE,
ELLE SERT DE BOUC ÉMISSAIRE À BRONSON,
L'AMÉRIQUE FASCISTE NOUS BOUFFE,
LA VÉRITÉ EST AILLEURS.

Une équipe de télévision de LNN filmait toute la scène.

Observant les protestataires, Lois dit : "Allons parler au type avec la pancarte "innocente". Elle passa devant Clark, se dirigea vers la personne qui portait la pancarte, et découvrit que cette personne était une femme, plus précisément une fille aux cheveux roux coupés portant des boucles d'oreille avec un signe du zodiaque. Son visage étroit était partiellement caché par un foulard foncé qu'elle portait autour du cou et sur le nez, pour se protéger du froid. Clark remarqua qu'elle était plus petite que Lois et, malgré l'allure que lui donnait son manteau hyper-rembourré, elle paraissait frêle. Sa colère était évidente tandis qu'elle répondait à leurs questions.

"Bronson essaie de détruire la ville. Ils sont en train de construire une forteresse en béton. Ils ont la police de leur côté. Ils essaient de rejeter la faute sur nous, mais nous n'avons rien fait. Ce n'est pas juste. Ne voyez-vous pas ce qui se passe ?"

Parlant d'une voix très basse, Lois demanda le nom de la jeune femme afin de pouvoir inclure ses propos dans leur article. Ses yeux sombres s'écarquillèrent et sa voix devint stridente.

"Vous essayez de me piéger. Vous voulez m'arrêter."

"Non, non. Nous voulons simplement savoir la vérité. Nous sommes du Daily Planet." Lois essayait de la calmer.

"Ils vous ont envoyés, je le sais, je le sais." Elle paniquait, la peur montant dans sa voix.

Clark lui parla d'une voix apaisante, du moins, c'est ce qu'il espérait. "C'est bien. Nous n'avons pas besoin de votre nom." Et il dit en lui souriant : "Nous allons dire que vous êtes une source sûre."

L'agitation de la fille se dissipa. "Une source sûre. J'aime bien." Elle prit son écriteau et reprit sa marche.

Clark pouvait l'entendre murmurer : "Source sûre", comme une prière, et il pensa avec un brin de tristesse que la véritable histoire devait cacher plus de choses qu'une bombe et un chantier de construction.

Un petit homme trapu, portant un long manteau d'hiver sombre, suivi de deux policiers, s'approcha des manifestants, évaluant approximativement leur nombre, un instant hésitant, comme s'il n'était pas certain de ce qu'il devait faire. Puis, tirant un bout de papier de la poche de sa veste, il s'adressa à la foule avec une fermeté surprenante. "C'est fini, les amis. Arrêtez. La compagnie Bronson et la ville de Métropolis ont obtenu une ordonnance interdisant les manifestations à moins de cent mètres du lieu de l'explosion de ce matin. Le moment est venu de rentrer chez vous." Derrière lui, les deux policiers avaient adopté la position militaire " repos", le corps en état d'alerte, les mains derrière le dos et le visage impassible.

"Non !" Un long cri de défit sortit de la bouche d'un des manifestants. D'autres reprirent le "non", leurs cris montant avec colère, tandis que certains d'entre eux se dirigeaient vers un responsable de la ville. Clark observait la scène et écoutait, remarquant que l'un des deux policiers sortait sa radio, alors qu'ils se séparaient et se dirigeaient vers les deux extrémités de la foule. Il avait l'impression de sentir la tension dans l'atmosphère. Cependant, il hésita à faire intervenir Superman. Ce serait bien mieux si les gens réglaient eux-mêmes le problème.

À ce moment, un grand homme mince émergea de la foule. Son visage était couvert d'un masque fait avec un bandana de la Marine attaché derrière la tête.

Il tendit la main, prit l'ordonnance et la déchira alors que la foule derrière lui attendait en silence. Il leva la tête et se mit à parler de sa voix grave, avec une douce résonance presque hypnotique.

"La LPEM voudrait faire une déclaration à LNN." Il s'interrompit, tandis que deux journalistes de LNN, dont un avec une caméra, s'approchaient. "La LPEM n'est pas responsable de l'attentat à la bombe de la Tour Bronson. La LPEM a toujours utilisé des méthodes pacifiques pour arriver à ses fins et va poursuivre sa lutte contre la destruction de la ville commencée par Bronson. Nous demandons une façon plus créative d'aménager la ville pour le bénéfice de tous ses citoyens. Cette ordonnance est une attaque à la liberté et aux droits inhérents du peuple. Bronson a déclaré la guerre." La cadence à laquelle il parlait rappelait à Clark certains discours des années 60 qu'il avait lus au collège.

Lois commença à courir en direction du porte-parole de la LPEM, alors qu'il se détournait de l'équipe de reportage de LNN. Criant par-dessus son épaule, elle lança : "Clark, nous devons découvrir qui il est. On ne peut laisser LNN obtenir cet article."

Elle fut fermement retenue par le coude. "Attends, Lois. Quelque chose ne va pas. J'entends quelque chose." Son visage indiquait qu'il était concentré, Clark dirigea son regard vers le bâtiment abandonné près du chantier de construction. Posant ses mains sur ses épaules, il lui dit : "Tu restes ici," et il courut dans la ruelle qui se trouvait derrière eux. Quelques instants après, Superman s'élança dans le ciel et atterrit devant l'immeuble. Il traversa le hall d'entrée au pas de course vers le tic-tac qu'il entendait à l'endroit le plus éloigné d'où il se trouvait. Il attrapa la bombe juste au moment où elle s'apprêtait à exploser. Il n'avait pas le temps de la neutraliser, il avait à peine le temps de déchiffrer son mécanisme. Il vola à toute vitesse vers une fenêtre brisée et envoya la bombe vers les nuages. Quelques secondes plus tard, elle explosa dans un grand bruit suivi d'un éclair lumineux qui éclaira le ciel gris au-dessus des manifestants.

Quand Clark revint à l'endroit où il avait quitté Lois, elle n'était plus là. Si je lui avais dit de faire la chose la plus irresponsable qu'elle puisse imaginer, ça aurait peut-être marché, pensa-t-il. Il la repéra à l'autre extrémité de la foule et à sa grande surprise, elle se tenait là sans bouger. Puis, elle se retourna et marcha vers lui. Il l'observait, en fronçant les sourcils, son visage était silencieusement interrogateur.

"Quoi ?" Avant même d'attendre sa réponse, Lois poursuivit : "Clark, je l'ai perdu. Il doit connaître ce secteur comme sa poche." Sans réfléchir, elle ajouta : "Où as-tu trouvé la bombe ?"

"Là-bas. Dans le bloc abandonné." Il leva sa main en direction de la structure de brique brun foncé se trouvant à leur droite.

Pendant ce temps, des murmures se répandaient dans la foule. Certaines personnes avaient vu Superman et il ne fallait pas beaucoup d'imagination pour deviner l'origine de ce feu d'artifice. Les deux policiers couraient vers le vieux bâtiment, suivis de la foule et bien sûr, des journalistes de LNN. Les manifestants, eux, s'étaient dispersés.

Juste avant le dîner, la famille Kent (à l'exception de Lois qui était, à la surprise générale, dans la cuisine), était assise dans la salle de séjour et regardait le journal du soir. La programmation n'avait pas donné beaucoup de temps d'antenne à l'histoire de la LPEM, comparée aux grands événements nationaux et internationaux, cette nouvelle était banale. Cependant, LNN avait monté un bref reportage des événements de l'après-midi, suivi d'un montage rapide de la menace faite pendant la démonstration du samedi, d'une image de la première explosion et d'une autre du gardien qui en avait été victime. Le montage vidéo se termina avec l'enregistrement de la déclaration du porte-parole de la LPEM après l'annonce de l'ordonnance. De la manière dont LNN avait monté son reportage, la LPEM était un dangereux groupe radical responsable d'avoir posé les deux bombes. LNN terminait son reportage en disant que la police recherchait leur porte-parole, qu'ils appelaient le chef masqué, pour le questionner.

Martha regarda le reportage en silence. Aussitôt qu'elle entendit le chef masqué parler, elle le reconnut. Elle aurait pu reconnaître sa voix n'importe où ; c'était devenu une sorte de plaisanterie dans leur petit groupe à cette époque-là : la voix sexy, douce et au ton profondément riche de Cliff, il avait la voix d'un magicien. Elle était presque encore une fois tombée sous son charme la veille quand elle l'avait vu accidentellement dans la foule face au chantier de construction de la Tour Bronson. Elle attendait l'autobus qui devait la conduire de la station de métro à L'Annexe, car elle avait prévu de retourner à la galerie où se trouvait la toile de Cliff, quand sa curiosité l'avait dirigée vers la manifestation de l'autre côté de la rue. Cependant, ses yeux avaient parcouru les visages des gens dans la foule et elle l'avait vu à quelques mètres d'elle, se tenant près de la foule.

Sans hésiter, elle avait contourné les spectateurs pour se placer derrière lui, ses pensées à la fois mêlées de soulagement, d'excitation et d'hostilité. Elle avait tout d'abord pensé qu'il était content de la voir, mais il était devenu rapidement distant et lui avait demandé de s'en aller. Le ressentiment qu'elle éprouvait à son égard avait augmenté et elle lui dit sa façon de penser. Ils n'avaient pas parlé depuis plus de dix minutes que déjà ils se disputaient, leurs paroles de colère tranchant l'air glacial.

Mais elle ne croyait toujours pas que Cliff pouvait être responsable de l'explosion du chantier de construction. Quand ils étaient jeunes, il était tellement idéaliste et il s'opposait toujours à l'utilisation de la violence. Pourtant, une petite voix intérieure lui rappela qu'il ne s'était pas opposé à l'emploi de méthodes illégales ; quelques années plus tôt, il avait été impliqué dans le hold-up d'une banque au cours duquel un homme était mort.

Jonathan fut le premier à parler, ramenant ses pensées à la réalité. Sa voix en disait long sur la condamnation de la LPEM. "J'espère qu'ils vont trouver ce type. Aussi longtemps que ce groupe sera là dehors, qui sait ce qui peut arriver ? Pourquoi est-ce qu'ils ne respectent pas le système, s'ils veulent une réforme ?"

"Jonathan, tu as oublié ? Parfois, le système ne change pas quand il le devrait. Il faut attirer l'attention." Martha n'était pas sûre de savoir pourquoi elle était sur la défensive.

"Ce ne sont que des enfants, Martha, à voir la plupart d'entre eux. Que font-ils donc dans la rue ?"

"Je ne sais pas, Jonathan. Mais je sais qu'on ne peut pas abandonner nos idéaux. Peut-être que ces enfants n'ont pas le choix."

"Martha, on a toujours le choix. Quand nous avons marché pour les droits civils, nous étions pacifiques. Il semble que ce groupe soit prêt à utiliser la violence. Des actes pareils sont dangereux pour tout le monde. Te rappelles-tu ce qui est arrivé pendant cette révolte en Alabama?" Le visage de Jonathan trahissait sa désapprobation et une tension que Clark ne comprenait pas.

"Jonathan, on n'a pas commencé la violence. Es-tu en train de dire que j'ai fait le mauvais choix cet été-là ?" Martha était en colère à présent, sa voix le mettant au défi.

Clark les regardait, atterré de voir cette soudaine division entre ses parents. Il n'avait aucune idée de la raison de leur dispute. Il avait très peu de souvenirs de ses parents se disputant. Ils avaient toujours été si proches. Et que venait faire là-dedans ce commentaire sur l'Alabama ?

"Non. Non, Martha. Mais ce que tu as fait à ce moment-là était impulsif." Jonathan serrait les lèvres en parlant et son habituelle amabilité avait disparu.

"De quoi parlez-vous ?" La question de Clark les interrompit.

Martha eut soudain conscience de l'endroit où elle se trouvait et prit une grande inspiration. "Oh, ce n'est rien, Clark. Tout ça est arrivé avant ta naissance. Il faut l'oublier." Elle lança à son mari un regard d'avertissement.

Jonathan se calma un peu. "J'aimerais bien, mais qu'est-ce que je dois penser de ce croquis ?"

Les yeux de Martha s'écarquillèrent. "Jonathan, tu as ouvert l'enveloppe. Comment as-tu osé ?"

"C'était un accident," dit-il, les dents serrées. "Ce matin, j'étais en train de regarder les factures médicales pour le traitement de la démangeaison que tu as développé pendant notre voyage, pour la compagnie d'assurances. Tu étais sortie, alors je n'ai pas pu te demander où elles étaient. J'ai regardé dans le premier tiroir de ta commode et j'ai vu l'enveloppe. J'ai cru que c'était peut-être les factures, alors je l'ai ouverte." Il prit une grande inspiration. En regardant parler Jonathan, Clark fut surpris par la peine qu'il voyait dans les yeux de son père. "Tu ne m'en as jamais parlé, Martha. J'avais cru, quand tu es revenue avec moi cet automne-là, que c'était ce que tu voulais."

Ébranlée, Martha s'approcha et prit la main de son mari. "Oh, Jonathan, c'était ce que je voulais. Je te le jure. Quand je suis revenue à Smallville avec toi, c'était parce que je savais que nous étions faits l'un pour l'autre."

À ce moment, Lois entra dans le salon et resta silencieuse, ressentant la détresse qu'elle voyait sur les trois visages. Puisque personne ne parlait, elle prit la parole. "Le dîner, est hum… prêt."

La première partie du dîner fut pénible à cause du silence inconfortable qui régnait, ni Martha ni Jonathan ne semblant vouloir parler. Clark était hésitant, ne sachant pas trop quoi dire. Lois, ayant appris de sa belle-mère, au fil des ans, un ou deux trucs sur l'art de maîtriser les situations embarrassantes, entama la conversation en demandant à Clark comment il trouvait la cuisson du rôti.

Clark, à qui Lois n'avait jamais demandé une chose pareille, la regarda comme si elle était une des femmes de Stepford. "Très bien, chérie."

"Bien, bien. C'est une nouvelle recette. Je l'ai trouvée dans un livre qu'Alice m'a donné quand nous avons commencé à nous fréquenter. La Cuisine du Journaliste. C'est la recette de Walter Cronkite."

Pendant le reste du repas, la conversation se limita à échanger des recettes, à parler de ce que Laura avait fait pendant la journée et au temps qu'il faisait. Jonathan parla très peu, absorbé par son assiette, et Clark essayait de trouver ce qui avait déclenché tout ça, ce qui s'était passé en Alabama et ce que représentait le croquis. C'est entre mes parents, pensa-t-il. Ce ne serait pas bien d'intervenir. Puis, il se dit qu'après tout sa mère intervenait quand Lois et lui avaient des problèmes. Il se souvenait de la fois où il avait rompu avec Lois parce qu'il craignait pour sa sécurité. Il n'avait pas fallu longtemps à ses parents pour lui faire comprendre qu'il avait commis une grave erreur, qu'il avait ensuite reconnue. Ce souvenir lui plut. Ça lui donnait maintenant le droit d'intervenir. Et c'est ce qu'il fit.

"Quel croquis ?" Il pensait que c'était la question de sa liste la plus innocente à poser.

Jonathan ne dit rien et sortit de table, un sourire amer sur le visage, se dirigea vers le placard de l'entrée et revint avec l'enveloppe. Évitant l'air surpris de Martha, il donna l'enveloppe à Lois. "Je l'ai apporté avec moi."

Lois sortit le croquis et sourit. "Martha, c'est bien vous, n'est-ce pas? C'est adorable."

"Merci, Lois. Il a été fait l'été avant que Jonathan et moi ne soyons mariés. Je prenais des cours d'art à l'Université du Kansas."

"Il semble que c'était plutôt toi l'art dans ce cours." Jonathan n'était pas content.

Clark demanda : "Est-ce que je peux le voir ?"

"Ta mère ne porte aucun vêtement, fiston."

Lois tendit le croquis à Clark, qui regarda ailleurs. "Hm, merci. Je ne crois pas avoir envie de le voir."

"Clark, ça n'a rien de choquant," dit Lois.

Haussant les épaules, Clark sourit silencieusement, conscient de l'air ridicule qu'il avait. "Je le sais et je ne veux toujours pas le voir. Alors, qu'est-il arrivé d'autre cet été-là ?"

Martha lui parla des cours d'art qu'elle prenait. "J'avais besoin de partir de Smallville." Elle jeta un rapide coup d'œil à son mari après avoir dit cela, mais son visage troublé restait indéchiffrable. "Tout allait tellement vite entre Jonathan et moi, je croyais que j'étais en train de perdre le contrôle de ma vie. J'avais besoin de temps pour réfléchir. J'avais seulement vingt ans, Clark. Mais ce n'était pas simplement les cours d'art. Quand je suis allée à l'université, je suis rentrée dans un groupe pour le respect des droits civils et nous avons rejoint la Marche pour Liberté, qui partait de Washington vers le sud."

"Quoi ? Comment se fait-il que je n'aie jamais su ça ?" Surpris, Clark dirigea son regard vers sa mère. Elle avait toujours été passionnée pour les causes qu'elle jugeait importantes et il savait que sa passion pour la justice venait autant de l'apprentissage que sa mère lui avait donné que de sa réaction innée au mal qu'il voyait autour de lui.

Martha s'expliqua sur ce sujet, mais elle n'était pas certaine de vouloir révéler ce qui s'était passé ce printemps et cet été-là. Pas avant d'en avoir d'abord parlé à Jonathan. Elle pensait qu'il était plus prudent de ne parler que de son implication politique, alors elle termina l'histoire avec son arrestation. "Lois ne t'en a pas parlé ? Nous en avons discuté il y a quelques jours."

"Non, Martha. J'ai pensé que c'était votre histoire et que c'était à vous de la raconter à Clark."

"Alors, Maman, qui a fait ce croquis ?" Clark sourit à sa mère.

"Oh, un camarade de classe. Nous avons tous posé comme modèles. Ça évitait les frais de mannequins. Nous nous sommes revus l'autre jour et il m'a envoyé ce croquis. Il a pensé que j'aimerais l'avoir."

Clark était conscient de la désapprobation se lisant sur le visage de son père.

"D'accord, Lois, tu avais raison. Il y avait quelque chose de louche dans le comportement de ma mère." Clark regarda sa femme, allongée sur le lit, la tête reposant sur sa main, un petit sourire aux lèvres. Il laissa son regard se balader sur la soie couvrant les courbes de sa taille et de ses hanches, se rappelant comme ils avaient fait l'amour ce matin-là. C'était incroyable la façon dont son corps se courbait, pensa-t-il.

"Alors, tu admets que tu la prenais pour une oie blanche."

"Quoi ?" Clark reprit ses esprits. "Non." Sa voix était ferme, mais il haussa les épaules. "Oui, il y a des choses que je ne savais pas." Elle lui jeta un regard qui en disait long. "Des choses importantes," ajouta-t-il. "C'est marrant." Il sourit.

"Il y a encore quelque chose qu'elle ne nous dit pas, Clark."

Son visage indiquait son scepticisme. "Par exemple ?"

"Avec qui se disputait-elle hier ?"

"Lois, tu t'es trompée de personne."

Lois laissa tomber. "Et pourquoi est-ce qu'elle ne t'avait pas parlé de sa participation à la Marche pour la Liberté ? Tu ne trouves pas ça un peu étrange, Monsieur le Lauréat du Prix de Journalisme d'Investigation?"

"Pas si étrange, Lois. Papa est mal à l'aise avec ça, alors je comprends pourquoi elle n'en a pas parlé avant."

"Oh, oh," Lois remit en jeu son scepticisme. "Il t'est très difficile d'imaginer que Martha ait eu une vie avant de devenir ta mère."

Il sourit. "D'accord, il y a quelques blancs qui ne sont pas comblés. Mais, tu sais, je comprends pourquoi Papa était contrarié au sujet du croquis."

Les yeux de Lois s'écarquillèrent. "Pourquoi, Clark? Il est magnifique."

"Peut-être à l'idée que sa femme ait posée nue, pour commencer."

"Mais ils n'étaient pas mariés à cette époque. De toute manière, ce n'était pas un truc sexuel. Ça faisait partie d'un cours d'art."

"Hah !"

Lois rit avec délice, "Clark, tu es prude !"

"Ce n'est pas vrai, Lois." Ses yeux scintillèrent et un sourire malicieux illumina son visage. Très doucement, en contrôlant son pouvoir, il souffla sur la fine bretelle de la chemise de nuit de Lois et la fit descendre sur son bras. Se glissant dans le lit, il étendit son corps contre le sien, puis il embrassa délicatement son épaule nue, sa main glissant sur le contour satiné de sa hanche.

"Je suppose que je vais devoir vous prouver que vous avez tort, Mme Lane." Sa voix n'était plus qu'un doux murmure.

"Je le suppose aussi. Mais tu devrais savoir," dit-elle, en traçant de ses doigts le muscle de son bras, "qu'il me faut beaucoup de preuves."

"Je crois que tu vas trouver que j'ai beaucoup de preuves à te donner," murmura-t-il. Il l'embrassa dans le cou et sourit en sentant la main de Lois glisser le long sa poitrine et descendre plus bas.

"Hmmm, impressionnant, Kent."

Il aimait l'entendre rire. Il l'aimait tant.

Le lundi était le dernier jour de congé de Lois et Clark. Pour eux, du moins pour l'un d'entre eux étant donné que depuis que Lois était revenue au journal, le samedi faisait partie de la semaine de travail, c'était le jour où le journal préparait l'importante édition dominicale du Daily Planet, la plus lue de tout le pays. Ce lundi-là, ils restèrent à la maison, passant une rare matinée à être absorbés par la routine de s'occuper de leur enfant, des petites tâches ménagères, à parler, à lire et à apprécier ces courts moments de désir et de tendresse. Quand il pensait que Lois était occupée ailleurs, Clark travaillait à son projet spécial, qui était d'apprendre à Laura à dire "Papa". Ce serait le premier mot de sa fille. L'un dans l'autre, c'était une journée de repos et de volupté.

Une des raisons pour lesquelles ils avaient décidé de rester à la maison était que cela permettait à Martha et Jonathan de passer la journée ensemble. Lois et Clark espéraient tous deux que, quel que soit le problème qui tourmentait le vieux couple, ils allaient finir par se confier l'un à l'autre. A part cela, le grand événement de la journée de Lois et Clark (en fait, le second par ordre d'importance) fut une visite au restaurant bar et grill local pour le dîner. La neige s'était arrêtée de tomber, laissant la soirée fraîche et claire, ce qui leur permit d'aller chez Charlie en se baladant agréablement.

Charlie, exploité depuis les années 20 quand il fonctionnait comme bar clandestin, était petit comparé à d'autres établissements. Les murs du restaurant étaient à moitié couverts de panneaux de bois foncé, sur lesquels le plâtre était fissuré et avait grand besoin d'être repeint. La salle était faiblement éclairée, ses vieilles lampes en laiton se reflétaient dans le miroir derrière le bar et faisaient briller le long comptoir de chêne, qui était le centre d'attention de la pièce. Le seul rappel visible des temps modernes était un petit téléviseur se trouvant au bout du bar. Ouvert la plupart du temps sur des chaînes sportives, il était religieusement changé de chaîne pour les journaux de 18 h et 22 h. D'après les dires du tenancier, c'était le devoir civil de chacun d'être bien informé.

Tandis que Lois se glissait sur sa chaise à leur table habituelle et que Clark déshabillait Laura, ils écoutèrent distraitement le bulletin d'informations locales. Au moment où ils choisissaient le menu, le présentateur parla de la manifestation à laquelle ils avaient assisté plus tôt.

"En fin d'après-midi, la LPEM, manifestant pour les droits de squatters, a occupé le vieil immeuble Daly, duquel Superman a extirpé une bombe hier. Le bâtiment, qui est abandonné depuis les dix dernières années, n'a ni électricité, ni eau, ni chauffage. A l'extérieur du bâtiment, le groupe a dressé des barricades pour renforcer sa demande. Prévu pour être démoli la semaine prochaine, l'immeuble Daly fait partie du plan de reconstruction Bronson Un porte-parole de la compagnie a déclaré que celle-ci consultait ses avocats. Cependant, la police continue de rechercher le leader du groupe, qu'il faut considérer comme dangereux."

Le reportage était accompagné d'images de la façade du Daly, d'une courte interview vaguement incohérente de l'un des jeunes occupants luttant contre le froid vêtu d'un manteau terne et sans forme et d'un grand foulard noir ; d'une autre interview avec une représentante de Bronson très élégante ; et enfin d'une dernière image du chef masqué de la LPEM, dénonçant le système.

"Bien sûr, ils choisissent la seule chose qu'il ait dite pouvant laisser supposer qu'il a fait sauter le bâtiment," dit Lois, reportant son attention du poste de télévision vers son mari.

"Peut-être qu'il l'a fait, Lois. Quelqu'un est responsable d'avoir posé ces bombes et la LPEM a été l'adversaire au projet le plus virulent. Ils ont donc un mobile."

"C'est une probabilité, Clark. Ça ne colle pas avec ce qu'a fait ce groupe auparavant et au genre de ses membres. Il y a un noyau de personnes engagées, pour la plupart jeunes et faisant partie du monde des arts et du théâtre. Ce sont des anarchistes et ils se servent de leur créativité pour essayer de changer un peu le monde."

"Ce type est plus vieux, Lois. Il pourrait bien avoir d'autres projets. Peut-être qu'une fois la construction commencée, il a décidé de placer la barre plus haut et les jeunes l'ont suivi. Il ont fait une chose dangereuse en déménageant dans le vieux bâtiment Daly."

"Je sais. Personne ne s'en est vraiment soucié quand ils se sont installés dans les entrepôts de textiles abandonnés de l'Annexe du Marché. Mais cette installation défie Bronson. On doit trouver ce type, Clark."

Le lendemain, en fin d'après-midi, Lois apprit par un ami du Tribunal de Métropolis que Bronson avait obtenu une ordonnance les autorisant à expulser les occupants. Attrapant son manteau, elle se retrouva dans l'ascenseur à une vitesse qui aurait fait honte à son mari. S'il avait été là. Il avait disparu environ trente minutes plus tôt, dans un bref murmure, "euh, Lois eum" suivi de ce regard qu'elle connaissait bien, signifiant qu'il y avait de fortes chances qu'il y ait des restes au dîner, ce soir-là.

Elle arriva au chantier au moment où une Chrysler bleu nuit arrivait en vrombissant et déchargeait trois passagers en pardessus assortis à la couleur de la voiture. Ils étaient suivis d'une voiture de police qui les accompagnait. Lois passa le comité officiel en suivant les pas du premier représentant de Bronson.

"Lois Lane, Daily Planet. Est-il exact que Bronson envisage d'expulser les squatters ?"

"Ces gens sont ici illégalement, Mme Lane. Le bâtiment représente un danger pour la sécurité. Bronson pense qu'il est dans leur intérêt d'être ailleurs."

"Où est-ce ailleurs ?"

"Il y a sûrement d'autres endroits plus confortables que celui-ci." Son mépris était évident d'après le ton de sa voix et son geste dédaigneux de la main.

"La plupart de ces gens sont sans abri. Où pensez-vous qu'ils vont pouvoir dormir ce soir ?"

"Mme Lane, notre compagnie n'est pas insensible, mais ces gens n'ont pas le droit d'être ici." Il tourna les talons, suivi de ses deux associés et de policiers discrets néanmoins présents quelques pas derrière eux.

Lois les regarda approcher les frêles barricades de bois qui entouraient le périmètre du chantier. A l'extérieur du bâtiment, se tenaient des petits groupes de personnes, les mains étendues sur des feux allumés dans de grands bidons métalliques tels des âtres de fortune dans la neige. Ils regardaient s'avancer la petite procession, mais personne ne se leva pour l'accueillir. Le visage impassible, les jeunes furent informés de l'ordonnance. Personne ne parla pendant quelques instants puis l'un d'entre eux hurla :"On ne partira pas." Puis il lança un juron.

Pendant ce temps, d'autres reporters étaient arrivés et avec eux une équipe de tournage de LNN. A l'instant où la femme qui tenait le caméscope s'approcha, l'un des protestataires jeta une boule de neige sur le trio de la compagnie Bronson, atteignant le plus grand à l'épaule gauche. Il n'était pas content. Le visage écarlate, il se tourna vers les policiers. "Faites quelque chose." Cela déclencha une bataille de boules de neige et Lois se mit à rire. Visiblement, les gamins étaient armés et dangereux. La femme en jean bleu portant la caméra croisa son regard et sourit en s'avançant vers les gosses. Elle se tenait maintenant face aux deux policiers et aux représentants de Bronson, et avait un angle parfait pour enregistrer leurs réactions. Lois s'avança vers les trois hommes, curieuse de voir ce qu'ils allaient faire.

Il y eut une petite discussion, apparemment provoquée par l'un des policiers. "Ecoutez, vous avez obtenu l'ordre de la Cour, mais on dirait qu'il va falloir durcir le ton pour l'exécuter. Il ne reste plus qu'une heure avant la tombée de la nuit." Il fit un geste vers l'équipe de LNN. "Ça va faire mauvais effet de chasser une poignée de gamins et de les renvoyer dans la rue sur le champ. C'est votre affaire, mais la nuit porte conseil."

Lois était impressionnée. Elle pensa que les instructions du policier avaient porté leurs fruits quand elle les vit tous battre en retraite dans la chaleur de leurs voitures.

Lois appela le Planet pour prévenir qu'elle enverrait l'article à temps pour l'édition du matin. En prenant le métro pour rentrer chez elle, elle se demanda ce que Laura avait fait aujourd'hui et ce qu'elle avait manqué.

Les personnages de cet épisode sont la propriété de DC Comics, December 3rd Production et Warner Brothers. Aucun non respect des droits n'est délibéré de la part de l'auteur ou du Season 6 group, toutefois, les idées exprimées dans cet épisode sont la propriété des auteurs © 1998.