
Saison 6, Episode 3
Première partie
Écrit par Phil Atcliffe, Carol Malo et Erin Klinger
Avec l'inspiration et les idées de Betsy, Leanne Shawler et Jocelyn Atcliffe
Édité par Lynda D. Love
Version française de

Traduction Chantal Martineau

"Urr-rr-rr-rp !"
"Gentille petite fille !" dit Clark Kent à son bébé après un rot monumental. La petite sembla un court instant surprise, comme si elle n’était pas certaine de savoir d'où provenait un tel bruit, mais elle l’oublia très vite et gazouilla de plaisir en regardant son père qui la levait au-dessus de lui.
Clark, pour sa part, se sentait plutôt satisfait -- et était également ravi de jouer avec son exceptionnelle petite fille. Faire faire le rot à Laura semblait être très facile, mais il fallait avoir le truc pour le faire et Clark pensait l'avoir -- et Laura était d’accord, si ce rot massif était une indication.
Son sourire qui semblait être un trait à demi permanent ces derniers jours -- au moins pendant les moments qu’il pouvait passer avec sa famille -- s'élargit en se remémorant la façon dont il avait appris l'art délicat de faire faire son rot à un bébé. Sa mère avait dit un jour qu’il avait été un bébé d'une santé remarquable -- il n’avait pas eu de coliques ou autres choses de ce genre -- et il avait compris à demi-mot en entendant Ellen Lane que Lois avait été pareille, mais ce n'était pas une raison pour penser que cela suffisait.
Alors, un soir, peu de temps avant la naissance de Laura, quand Lois et lui étaient allés rendre visite à la ferme, il avait demandé à Martha comment s’y prendre avec ce genre de choses et plus spécifiquement s’il y avait quelque chose que les gens qui allaient devenir parents devaient savoir à propos de la technique de faire faire son rot à un bébé. Il avait lu quelques livres, tout comme Lois, mais ils croyaient tous deux qu’ils se sentiraient plus à l’aise s’ils en discutaient avec des personnes l'ayant pratiqué.
A sa grande surprise, Martha avait très vite désigné son père comme le véritable expert dans la famille en matière de rots. "L’expert" avait jeté un regard tolérant et amusé à sa femme et il avait par la suite essayé de préserver sa réputation. Malheureusement, il ne se contenta pas d'expliquer simplement ce qu’il fallait faire et comment le faire pour être satisfait de ses explications et décida finalement que la meilleure manière de transmettre la bonne technique était de faire une démonstration.
Martha et Lois eurent beaucoup de difficultés à garder leur sérieux pendant que Jonathan "faisait faire le rot" à Clark en tapotant sa main de haut en bas dans le dos de son fils, mais la victime elle-même comprit de quoi il s'agissait. Si bien, en vérité, que Lois, même si elle avait essayé avec sa détermination habituelle d’imiter Jonathan, avait décidé de faire plutôt comme sa belle-mère en donnant Laura à son père après l’avoir allaitée, pour débarrasser la petite fille de l’air qui l'encombrait. Elle aurait pu faire roter Laura, sans aucun problème, mais tout le monde, même elle, semblait plus satisfait et détendu si Clark le faisait.
Clark adorait cela. C’était devenu son rôle dans le processus "rituel" de l'allaitement : Lois allaitait Laura; il lui faisait faire son rot. Bien sûr, il donnait régulièrement un biberon à sa fille -- du lait en poudre ou encore du jus de fruit à l'occasion -- mais pouvoir participer, même un tout petit peu, quand Lois allaitait Laura de la manière traditionnelle, lui donnait une impression d’unité -- qui, disait Lois, l’aidait à s'en sortir à trois heures du matin. La meilleure chose concernant du "faiseur de rots patenté" était qu’il n’avait pas besoin de se servir de ses pouvoirs. La force humaine normale, doucement mais fermement appliquée, marchait parfaitement. Et Laura adorait se faire cajoler par son père.
Ou sa mère, mais Lois était avec les autres dans la salle de rédaction, s'amusant à son tour de la fête de Noël organisée par le Daily Planet. Comme tant de choses ces jours-ci, "Lane & Kent" avaient découvert qu’ils allaient devoir se joindre aux petites fêtes en se relayant -- du moins jusqu’à ce que Laura soit plus calme et s'endorme.
Elle n'en montrait pas de signes jusqu’à maintenant. Clark et sa fille étaient dans la salle de conférence tandis que dans la salle de rédaction, la réception faisait rage.
Et elle faisait rage. C’était la plus belle réception de Noël que le Planet avait eu depuis des années et certainement la plus énergique -- au moins dans les souvenirs de Clark. Pourquoi, il n’en était pas vraiment certain, à moins que ce ne soit dû aux autres réceptions des deux années précédentes. Il y avait deux ans de cela, la salle de rédaction avait été le théâtre de la tentative de Mxyzptlk de lui faire quitter la Terre, en revivant encore et encore les quatre mêmes heures, perdant chaque fois un peu de l'espoir qui se répand à Noël, cela était suffisant pour mettre un terme à n’importe quelle réception. L’année dernière avait été... pas mal, pensait-il, mais pas de quoi en faire un roman. Bien sûr, Lois venait juste d’apprendre qu’elle était enceinte et l’attention des futurs parents était concentrée sur leur prochaine visite à Smallville et l'idée d’annoncer la nouvelle aux Kent, ce qui voulait dire qu’ils étaient pas mal préoccupés au moment de leur départ. Ils avaient quitté la réception très tôt, mais d’après ce qu’on leur avait raconté (c'est-à-dire Jimmy), ils n’avaient pas manqué grand chose, la réception avait été plutôt ordinaire.
Ce n’était pas le cas cette année.
Clark baissa Laura devant ses yeux, après une dernière levée et une dernière risette. Une rapide vérification lui confirma qu’elle n’avait pas besoin d'être changée, il la posa donc dans son siège sur la table de conférence. Elle lui sourit, puis commença à contempler... quelque chose ; Clark ne savait pas ce que c'était mais il pouvait s'agir de ses pieds -- ou peut-être pas. En tous cas, il reconnut son expression (si semblable à celle de sa mère) et il savait que, laissée seule, elle ne porterait pas trop attention au monde extérieur pendant un petit bout de temps -- ce qui voulait dire qu’il pouvait.
Il leva les yeux et balaya du regard la salle de rédaction. Il repéra Lois immédiatement, absorbée dans une conversation avec une des personnes travaillant au marketing. Clark ne put s'empêcher de sourire ; comme d'habitude, sa femme faisait la loi à propos de quelque chose, elle mettait l’accent sur les points importants en donnant de grands coups sur la poitrine du pauvre type. Clark espérait qu’elle se rappelait que tout le monde n’était pas aussi résistant que lui à ce traitement; autrement, sa victime, qui commençait à se sentir comme un animal pris au piège, allait peut-être passer la journée de Noël à soigner les multiples blessures sur sa poitrine !
Clark n’avait aucune idée du sujet de leur conversation et il n’avait pas l’intention de les écouter parce que ça voulait dire écouter par-dessus la musique qui criait à tue-tête des haut-parleurs. Ils étaient beaucoup plus hauts qu’à l’habitude; Clark se doutait que Jimmy avait dû les modifier d’une façon ou d'une autre, probablement pour mettre l'ambiance dans ce qu’il s'attendait à être une réception plutôt banale. Ça avait l'air de marcher, parce que plusieurs bureaux avaient été poussés sur le côté pour créer une piste de danse improvisée à l’autre bout de la salle de rédaction.
Son regard se porta dans cette direction... ses yeux s'écarquillèrent et il leva les yeux au ciel. Il découvrit quelque chose qu’il n’aurait jamais cru voir -- Cat Grant qui dansait avec Ralph ! D’accord, Cat dansait, comme elle seule pouvait -- ou encore voulait le faire; Ralph se dandinait un peu, mais la grande partie de son attention était concentrée sur sa partenaire plutôt que sur ses pieds et il avait un sourire qui laissait croire que tous les Noëls qu’il avait attendus arrivaient en même temps.
Eh bien, laissons-le rêver... Peut-être que c'était son cadeau de Noël -- c’était certainement la seule chose qu’il obtiendrait jamais de Cat ! Cependant, Clark devait admettre que c'était elle qui avait le plus répandu l’esprit de Noël au bureau, elle s’y était jetée corps et âme. Cat avait été l’organisatrice de la réception -- peut-être était-ce pour ça que tout allait si bien ? -- et, ce qui était inhabituel chez elle, elle avait insisté que seuls les employés du Planet soient invités. Les gens de l’extérieur n’avaient pas eu le droit d’y assister, même les familles avaient été fortement encouragées à ne pas venir.
Les deux exceptions étaient Laura, qui était ici parce que ses parents n'avaient pas pu trouver de baby-sitter, et Penny, que Jimmy avait réussi à faire entrer. A dire vrai, Clark pensait que Cat approuvait la présence de Penny; si l’idée ne lui paraissait pas si saugrenue, il aurait presque cru que la journaliste voulait garder un œil bienveillant sur son parent éloigné et était contente de le voir heureux dans une relation à long terme. Ou peut-être était-elle simplement soulagée que Jimmy ne fasse plus de paris avec elle pour des "nuits de passion"...
Clark sourit à ce souvenir -- puis son visage se figea quand sa super oreille détecta un bruit de sirènes. 'Oh, non...' pensa-t-il, 'ça gâche tout !' Son regard se fixa à nouveau sur Lois, mais elle lui tournait toujours le dos. Il jeta un œil dans la salle de rédaction, essayant de croiser le regard de quelqu’un pouvant faire savoir à sa femme qu’on avait besoin d’elle, mais personne ne semblait regarder dans sa direction.
Clark commençait à penser qu’il allait devoir amener Laura à sa mère, ce qu’il ne voulait pas faire -- la musique était forte ! -- quand son salut arriva en la personne de son patron. Perry White entra dans la salle de conférence, avec le hurlement des guitares et des claviers, fermant la porte derrière lui avec une expression soulagée.
"Ouf !" soupira l’éditeur, "Ah, ça va mieux. Je déteste devoir l’admettre, mais cette musique est réellement trop forte, même pour un vieux rock-and-roller comme moi." Sa voix se fit pensive. "La dernière fois que j’ai entendu quelque chose avec un tel volume, c’était à un concert d’Elvis en 76, je crois. Et ce n’était pas la musique qui était forte, c’était les cris des filles..."
Perry eut un petit sourire en se remémorant ces jours révolus, mais il disparut alors qu’il revenait à la réalité et remarquait le visage quelque peu tendu de Clark. "Quoi de neuf, Clark ?" demanda-t-il, un peu inquiet. "Vous avez des problèmes avec la petite demoiselle ?"
"Oh... non, Chef," dit Clark, pour le rassurer. "Non, Laura va très bien -- elle a mangé et tout." Le cerveau de Clark fonçait tandis qu’il essayait de trouver une excuse convenable et il savait qu’il était sur le point de bégayer. "Non, Chef, c’est moi. Je dois... partir, j’ai une urgence et j’essayais d’aller chercher Lois pour qu’elle la surveille, pendant que je..."
"Ah, d’accord," répondit Perry avec compassion. "Écoutez, fiston, n’allez pas importuner Lois, allez-y et je vais garder un œil sur cette petite chérie. Ça fait très longtemps que je n’ai pas surveillé un bébé, mais je suis certain que je peux me rappeler comment faire." Clark ne discuta pas et se dirigea vers la porte. Alors qu’il sortait de la salle de conférence, Perry ajouta, "Et prenez votre temps pour revenir ! Profitez-en -- allez danser avec Lois ! Laura et moi allons bien nous entendre..."
Clark n’essaya pas de répondre par-dessus le brouhaha et fit un petit signe de la main en remerciement avant de se diriger vers le couloir qui menait hors de la salle de conférence et vers les toilettes des hommes -- vers une certaine fenêtre bien utile.

Perry se pencha sur le siège de bébé pour regarder attentivement Laura, qui se concentrait toujours sur ses pieds -- ou pas, comme ça pouvait être le cas. "Hé, mon petit cœur. Ton papa a dû s’absenter une minute – il avait besoin de changer de couche version adulte -- et ta maman s’amuse bien, là dehors, ce qui n’arrive pas très souvent... pas assez souvent, du moins pas quand elle est au travail... alors ton Oncle Perry va rester avec toi et te surveiller pendant un petit bout de temps."
La petite fille leva la tête au nouveau son qu’elle venait d’entendre et sourit. Perry lui sourit aussi, fasciné -- il aurait juré qu’elle le reconnaissait ! Il réfléchit un moment ; quel âge doit avoir un bébé pour que ses yeux puissent s’ajuster et voir clairement ? Et serait-elle capable de reconnaître quelqu’un -- plus spécifiquement une personne qui ne fait pas partie de son entourage immédiat -- quand elle la rencontre ?
Il hocha la tête. Non, cela faisait très, très longtemps que ces choses-là avaient été importantes pour lui et il ne pouvait pas se souvenir -- en supposant que cela n’ait pas changé depuis environ trois décennies et il n'en serait pas surpris. Les médecins arrivaient toujours avec de nouvelles idées sur ce genre de choses et c'était différent d’un enfant à l’autre, de toute manière.
Cela n’avait aucune importance. Laura, semblait réellement savoir qui il était -- ou du moins qu’il était un ami. Et, il devait l’admettre, si n’importe quel enfant pouvait le faire à cet âge, ce serait celui de Lois et Clark, sans tenir compte de ce que les "experts" pouvaient bien en dire. Perry ne serait pas trop surpris si cette petite fille devenait un vrai prodige -- disons, l’équivalent journalistique de Mozart. Il était dommage que, la législation du travail étant ce qu’elle était, il allait devoir prendre sa retraite avant qu’elle ne puisse travailler au Planet, que ce soit en tant qu'interne ou comme coursier, comme Jimmy l'avait été.
Hmmm... peut-être qu’il pourrait l’embaucher quand elle aura, disons... Dix ans ? Huit ans ? La question était, toutefois, sur quoi pourrait-elle écrire ? Par sagesse conventionnelle il pourrait lui faire écrire un article pour les autres enfants dans l’édition du dimanche, supervisée par un autre journaliste ou un éditeur junior, mais sans pouvoir l'expliquer, Perry doutait que le mot "conventionnel" s’applique à Laura -- certainement pas si elle héritait des manières de ses parents, plus spécifiquement de celles de sa mère. Alors, peut-être qu’elle pourrait écrire quelque chose d’autre, quelque chose à quoi les enfants s'intéressent et pour quoi ils sont bons...
Une pensée le frappa et il sourit. S’il mettait Laura avec Jimmy pour faire une chronique sur les ordinateurs -- disons, deux fois par semaine ? Il pourrait s’occuper des choses plus techniques et elle pourrait donner une idée aux enfants du plaisir qui peut en résulter -- ou, peut-être, inverser les rôles...
Mais il hocha de nouveau la tête avec amusement. Il était là, en train de planifier la carrière d’un petit bébé qui n’avait pas encore six mois ! De toute manière, si Laura tenait vraiment de Lois, elle ne s'intéresserait peut-être même pas au journalisme, parce que c'était le métier de ses parents. Personne ne pouvait deviner ce qu’elle ferait -- sauf que ce serait probablement quelque chose pour aider les autres d’une certaine manière. Derrière les apparences très professionnelles et froides de Lois, elle était une des personnes les plus attentionnées qu’il avait jamais connues, et Clark... bien, il fallait faire un sacré bout de chemin avant de trouver quelqu’un qui ait un tel talent inné pour ce genre de choses. Alors, Laura allait grandir en aidant les autres aussi naturellement qu’elle respirait.
La petite fille était à présent retournée à ce qu’elle faisait auparavant, mais Perry continua de la regarder, soudain frappé par l’immense potentiel qui était là ou qui allait se développer, confiné à l’intérieur de ce petit corps. Un enfant était une chose si incroyable -- tant de possibilités, le tout emballé dans un tout petit être. Le monde entier pouvait changer, en bien ou en mal, de mille façons différentes, grâce à cette adorable petite personne -- ou pas du tout. On ne pouvait pas le savoir.
Perry hocha la tête. C’était là des idées pesantes à cette heure du jour -- surtout à une réception de Noël. Pendant un instant, il se demanda ce qui avait bien pu lui passer par la tête. Il avait peut-être trop bu du punch de Cat ? Il ne savait pas ce qu’il contenait, mais comme le disait une vieille plaisanterie, pour un punch, le résultat était détonnant ! L'idée des organisateurs de payer des taxis pour le retour était très bonne, il ne faudrait pas que quelqu'un rentre chez lui en ayant bu quelques verres de ce truc !
En y repensant, c’était probablement la combinaison de cette période de l’année et de la présence de Laura. La "Période des Fêtes" était le moment des enfants, mais c’était aussi un temps qui conduisait à la réflexion, aux souvenirs -- et à regarder vers l'avenir. Et quand on atteignait l'âge de Perry, on avait beaucoup de choses à se remémorer...
Perry s’assit lourdement sans y prendre garde. Sa mémoire remontait le temps, revenant rapidement d'années en années, s'arrêtant à d'étranges intervalles et à des moments mémorables -- surtout à ceux de Noël. Un souvenir entre les autres lui revint et Perry réalisa avec étonnement que cela était arrivé trente ans plus tôt -- presque jour pour jour.
'Oh, mon Dieu,' pensa-t-il, '30 ans...' il leva les yeux vers Laura et vit qu’elle semblait le regarder et il crut reconnaître son expression. Son regard disait "Vas-y -- raconte-moi" que les enfants apprenaient très vite à avoir et qu’ils ressortaient par moments, c’était un regard heureux, mais pas vraiment un sourire encourageant – spécialement pour leurs parents -- de se moquer d’eux-mêmes dans l’espoir que leur petit chéri puisse vraiment sourire ou même rire.
Perry n’avait pas l’intention de se moquer de lui-même, mais peut-être que Laura aimerait entendre une histoire et il savait tout ce qu’il devait lui raconter. Elle était vraiment trop jeune pour comprendre, mais il pourrait peut-être l’aider à trouver le sommeil -- ou, si cela ne fonctionnait pas, ça pourrait la distraire et la tenir tranquille un moment, afin que sa mère et son père puissent avoir un peu plus de temps pour s’amuser. Il approcha sa chaise plus près de la table de conférence et dit.
"Noël approche à grands pas, ma chérie. Tu vas aimer Noël, surtout si tu tiens de ton père -- c’est un type qui apprécie vraiment cette période de l’année et, je dois l’admettre, les autres personnes autour de lui ne peuvent pas résister à aimer eux aussi ce moment. Même ta maman, elle n’aimait pas Noël, il y a quelques années -- elle avait des problèmes avec sa famille et elle détestait les Fêtes. Je dois dire que je ne la blâme pas, je te le jure -- mais je crois qu’au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de ton papa, ça l’a détendue et maintenant, elle apprécie pleinement les bonnes choses sans y trouver tout de suite les mauvais côtés. C’est le vieil adage du verre à moitié bu : une personne pessimiste voit le verre à moitié vide, mais une personne optimiste va dire qu’il est à moitié plein...
"Même ton grand-père et ta grand-mère Lane s’entendent mieux qu’avant, maintenant. D’après ce que m’a dit ta maman, il semblerait que la famille de ta mère s’est peu à peu réconciliée et ce depuis un moment -- depuis qu’elle s’est mise à fréquenter Clark, je suppose. Elle a de la chance -- ce n’est pas qu’elle ne le mérite pas -- mais si je disais ça à ton papa, il dirait que c'est lui qui a de la veine." Perry s’esclaffa, s’imaginant la scène. "Et si Lois entendait ça, une discussion éclaterait entre eux pour savoir lequel des deux a le plus de chance ; ou bien ça se terminerait en une embrassade sulfureuse et pleine de passion, au lieu de travailler. Je te le jure, ils doivent penser que je suis aveugle, ils croient que je ne les vois pas…
"Alors, oui, ils le méritent bien. Ta mère et ton père forment encore la meilleure équipe de journalistes que je connaisse, alors ça ne me dérange pas trop de leur ficher un peu la paix de temps en temps. Ne leur dis pas que je viens de te l’avouer, parce que vois-tu, j’ai une réputation à entretenir et ça ne serait pas bien de laisser croire à certaines autres personnes que s’embrasser pendant les heures de travail est permis dans ce bâtiment."
Perry s'interrompit, souriant lentement à la pensée de l’amour que Lois et Clark avaient l’un pour l’autre. Il pouvait encore se remémorer ce que l’on ressentait quand on éprouvait le besoin compulsif d’une autre personne. S’il était honnête avec lui-même, il avait encore ce sentiment en lui, s’il ne l’avait pas, c’est qu’il était idiot et l’avait complètement ignoré, s’absorbant dans son travail et n’imaginant jamais que l’autre personne pouvait se fatiguer de l’attendre pour lui rappeler leur existence. Il devait l’admettre, il avait été idiot et il en avait payé le prix et il espérait avoir une deuxième chance pour rebâtir ce qu’il avait détruit. Si les parents de Lois avaient pu arrêter de se disputer et avaient pu recommencer à apprécier la compagnie de l'un de l'autre, il devait y avoir de l’espoir pour lui et Alice... n'est-ce pas?
Ne pouvant répondre à cette question et ne voulant pas penser au futur si la réponse était Non, ses souvenirs lui revinrent encore, à une époque où les choses avaient été pour lui plus brillantes, même si elles avaient été plus sombres pour ceux qui l’entouraient. C’était un moment où son besoin pour Alice avait été le facteur prédominant qui lui avait permis de survivre. Cette tranche de sa vie s’était déroulée trente ans plus tôt...
"Oh, mon Dieu, c'était il y a longtemps, mon trésor," murmura-t-il, en s'adressant à Laura, mais il était perdu dans ses pensées et se moquait de la personne à qui il s’adressait réellement. "Ton papa ne devait pas encore avoir deux ans et ta maman... et bien, elle ne devait pas vraiment être plus vieille que toi quand le Vieux Krebbs m'a envoyé au Viêt-Nam..."
"C’était en février 68, juste après le début de l’offensive de la fête du Têt. Le Planet avait un correspondant de guerre là-bas, bien sûr -- un vieil homme du nom de Jensen -- mais il était fatigué et le patron voulait quelqu’un d’un peu plus alerte pour aller rejoindre nos troupes dans le nord du pays et c'est moi qui fus choisi.
"Tu pourrais ne pas me croire en me voyant aujourd’hui, mais en ce temps-là, j’aurais pu rendre à Clark la monnaie de sa pièce -- ou même me comparer à Elvis, mais je crois qu'il vaut mieux que je me taise !" Il s’esclaffa. "Peut-être que je n’aurais pas pu les battre, mais je me rappelle le regard contrarié qu’Alice avait quand les secrétaires me regardaient... Ce n’est pas qu’elle devait s'en inquiéter, mais c’était assez flatteur de voir qu’elle était un peu possessive. De toute manière, le vieux Krebbs pensait que j’allais pouvoir me débrouiller seul dans la jungle.
"De plus, il n’aimait pas beaucoup Walter Cronkite, alors quand Cronkite nous a fait son discours sur le Têt en disant qu'il avait eu des conséquences désastreuses pour notre pays, les militaires continuèrent de dire qu’il était fou, c’était juste ce qu'ils attendaient, Krebbs décida alors qu’il lui fallait quelqu’un là-bas pour découvrir si Cronkite avait raison ou non -- et je me suis embarqué !
"Alice n’était pas très heureuse quand elle a découvert que je m'en allais. Elle aurait été encore moins heureuse si elle avait connu les véritables intentions du Vieux Krebbs. Tu vois, il avait décidé que je devais acquérir de l’expérience hors de Métropolis et puisque le vieux Jensen se rapprochait de plus en plus de la retraite, le patron allait me nommer Correspondant de Guerre du Planet à sa place, jusqu’à ce qu’il puisse trouver quelqu’un d’autre pour combler le poste.
"Je suis resté là-bas pendant près d’un an et je le maudissais, je peux te le dire. Il n’y avait pas de signes que la guerre allait bientôt se terminer et j’avais peur qu’il ne me garde là-bas indéfiniment -- la guerre avait une tonne de nouvelles à rapporter ! Heureusement pour moi, son but avait été de me faire quitter le pays pour me 'dégourdir un petit peu', comme il le disait si bien, cependant, il voulait que je rentre à Métropolis -- ou du moins dans ce pays -- une fois que j’aurais acquis une certaine expérience."
Perry s'interrompit un instant, avant de s’esclaffer. "L’ironie dans tout ça, c'est que, ma chérie, maintenant que je me retrouve à sa place, je dois admettre que j’ai fait la même chose et je suppose que les personnes qui en ont fait les frais m'ont maudit moi aussi, de la même manière que je l’ai fait pour le Vieux Krebbs... J'ai été prêt à faire la même chose à ta mère une ou deux fois, mais je n’ai jamais trouvé l’endroit parfait où l’envoyer -- et, pour être franc, je crois que je me suis dit que je ne pouvais la priver de la ville, je ne le voulais pas. Une fois qu’elle a commencé à travailler avec ton papa... eh bien, ce n’était pas là le but; si une histoire devait couvrir des faits internationaux, Clark pouvait le faire. Et Lois est réellement une petite fille de Métropolis ; je ne crois pas qu’elle puisse être heureuse nulle part ailleurs, du moins pour longtemps.
"Je n’ai jamais pensé envoyer Kent à un de nos bureaux outre-mer; où aurais-je pu l’envoyer ? Clark est déjà allé presque partout et, bien que beaucoup des choses qu’il a vues et faites aient déteint sur lui, tout au fond de lui, il est encore le typique petit gars du Kansas -- c’est juste qu’il a passé quelques années à voyager à travers le monde et il a aimé ce qu’il a vu.
"Une des premières choses qu’il m’ait dites était qu’il me recommandait des feuilles de paava pour me détendre -- et ça a marché ! J’ai appris plus tard qu’il y a des petites boutiques dans tout le pays où on peut trouver des remèdes médicinaux à base de plantes -- on peut même les commander par la poste ! Mais ton papa n’a pas eu vent des feuilles de paava par les catalogues ou les boutiques -- oh, non, il l’a appris d’une tribu vivant en Nouvelle-Guinée, où il est allé et a vécu environ un mois! Cet homme a fait le tour du monde, partout où il est allé, il a vécu avec les gens, leur parlant, les écoutant et apprenant d’eux. Non, tout ce dont il avait besoin, il pouvait se le procurer ici à Métropolis -- et ta maman était celle toute désignée pour le faire !"
L’éditeur redevint silencieux, ses mots évoquant les souvenirs de ses propres voyages autour du globe. Des bons souvenirs, des mauvais, des moments d'excitation, de peur, de douleur, de réflexion... toutes les choses qu’il avait vues et ressenties dans les moments tumultueux de sa vie. En les regardant avec du recul, il se rendit compte qu’une très grande partie de ses souvenirs les plus heureux avaient un lien avec Alice -- peut-être, parce qu'ils avaient partagé des moments plus angoissants que la plupart des gens n'en avaient partagé dans leur vie (un peu comme Lois et Clark, en y repensant) -- était-ce la présence d’Alice qui avait rendu certains de ces moments agréables ? Ou bien d'autres... eh bien, ils avaient été très amoureux l’un de l’autre pendant longtemps et certains de ces souvenirs étaient très particuliers... Ce qui le ramena directement en 1968 à un moment particulièrement heureux au cours d'un Noël qui avait été très spécial.
Il regarda Laura qui le contemplait, satisfaite. Elle voulait apparemment qu’il continue à parler ou bien, il le croyait, alors il reprit son histoire. "L’année 68 a été une année peu ordinaire. Je suppose, comme toutes les autres années, qu’elle a eu ses bons et ses mauvais moments, mais à ce moment-là, tout semblait avoir pris une tournure plutôt tragique : Martin Luther King avait été assassiné ; tout comme Bobby Kennedy; les Russes avaient pris le contrôle de la Tchécoslovaquie ; il y avait les manifestations estudiantines en France et le fiasco de la convention Démocrate à Chicago. J’avais entendu parler de tout ça, au milieu de mes reportages sur la guerre et les choses n’allaient guère mieux au Viêt-nam : l’offensive du Têt avait été un désastre pour tout le monde -- mais les réponses aux pourquoi et aux comment dépendaient des personnes à qui on s'adressait -- et la guerre faisait rage, encore et encore. C’était assez grave, mais c’est devenu pire encore, sauf pour ceux qui étaient impliqués et qui savaient ce qui se passait et ce n'est que quelques années plus tard que nous avons eu connaissance de toutes les horreurs qui s’étaient déroulées dans un endroit appelé My Lai....
"J’avais été très occupé toute l’année, d’une manière ou d’une autre. Le Vieux Krebbs avait tout manigancé, mais je ne le savais pas à ce moment-là. Tout ce que j'ai pu voir les deux premiers mois c'était que Jensen m’avait envoyé là-bas pendant qu’il restait à Saigon. Aujourd’hui, je peux encore l’apprécier, même si mon patron avait dit ou non à ce type de ne pas me laisser le temps de respirer, ça me paraissait logique d’être celui qui accompagnait les troupes, parce que j’étais plus jeune et plus en forme que lui. Mais pendant ce temps, tout ce que je pouvais voir était que je passais tout mon temps dans la jungle, alors que lui était dans un bar ou un endroit de ce genre, en train de prendre un verre !
"Plus tard, après que Jensen soit retourné chez lui pour prendre sa retraite, le vieux Krebbs me prit de court -- c’est du moins ce que je pensais --les choses se calmèrent un peu, du moins en ce qui concernait mes ordres de me rendre sur le terrain. Je devais encore me rendre à l'occasion dans le nord du pays -- le patron était très fort pour avoir des nouvelles de dernière heure au lieu de se fier aux communiqués de presse -- mais la chance de m’éloigner de Saigon n’arrivait pas si souvent et c'était même des voyages que j’avais hâte de faire.
"Un de ces voyages était sur un porte-avions, c’était aux environs du mois de septembre. Le bateau se dirigeait vers le Sud parce que le Président Johnson avait réussi à obtenir une trêve qui empêchait le bombardement du Nord avant le début des élections. Ça ne dérangeait pas les types sur le porte-avions, pas plus que moi, surtout quand j’ai entendu dire que le bateau avait mis le cap sur Subic Bay pour un peu de Rock and Roll. J’avais envisagé un truc comme ça depuis un bout de temps déjà et j’avais calculé que le Vieux Krebbs devait aussi me laisser un peu de temps libre -- et j’ai réussi à retrouver Alice là-bas !
"Ça a demandé beaucoup d’efforts, mais en demandant quelques faveurs et en donnant quelques bouteilles de bourbon à des pilotes de la MAC [Military Airlift Command] que je connaissais, elle m’attendait quand nous avons accosté dans la Baie.
"Nous avons eu une semaine très mouvementée avant que je n’aie à retourner à Saigon. Nous ne nous étions pas vus depuis six ou sept mois et elle m’avait vraiment manqué. D’après ce qu’elle disait et aussi de la manière dont nous nous comportions sans nous éloigner à plus de six mètres l'un de l'autre entre nos baisers, quand nous nous sommes rendus des quais jusqu’au taxi qui nous attendait pour nous emmener à Manille, je crois qu’elle s’était aussi ennuyée de moi... Je sais une chose, cependant : nous sommes passés devant beaucoup de marins jaloux pendant cette balade -- la plupart d'entre eux devaient se contenter de filles rencontrées dans les bars pour avoir de la compagnie.
"Nous ne sommes pas allés dans un endroit particulier et n'avons pas fait non plus quelque chose de spécial cette semaine-là, on n’en avait pas besoin. Nous étions ensemble et nous étions dans l'intimité, la plupart du temps -- avait-on besoin d'autre chose ? De toute manière, on économisait notre argent pour Noël. Nous avions prévu d'être ensemble depuis des mois, ce qui voulait dire faire très attention à notre argent pour pouvoir payer l’aller-retour en avion d’Alice pour les vacances. Ces vacances, aussi merveilleuses qu’elles l’ont été, ont été un bonus que nous n’avions pas prévu ; nous avons simplement profité de l’opportunité qui s’offrait à nous et nous avons été assez heureux pour en profiter sans que ça nous coûte trop cher.
"C’était assez étrange : en rentrant à la maison, j’avais la réputation d’être un peu fêtard, même après qu'Alice et moi soyons mariés -- elle aimait les réceptions autant que -- mais tu n’aurais jamais deviné ça en 68. Quand je n’étais pas sur le terrain, je menais une existence très calme à Saigon, parce que je voulais économiser le plus d’argent que je pouvais pour faire venir Alice à Noël. Alors, pendant que les autres types de la presse vivaient dans des hôtels et passaient leur temps libre dans les bars, j’avais choisi de vivre 'selon la tradition' : je vivais dans un endroit très pauvre, je mangeais la nourriture locale le plus souvent possible et je restais loin de la 'vie nocturne' qu’offrait Saigon.
"Les autres journalistes -- même le Vieux Jensen -- ne pouvaient comprendre ça. Pas plus que le Vieux Krebb ou les types des Finances : je n’arrêtais pas de recevoir des lettres d’eux, ils s’interrogeaient sur mes dépenses parce qu’elles étaient très faibles ! Je ne sais pas ce qu’ils pensaient que je faisais...
"Un type venu d’Australie m’avait même donné un surnom en apprenant que je menais une vie si 'rangée'. Il m’appelait 'Wowser White; 'wowser' est un nom du dialecte australien qui définit une personne qui n’apprécie pas les fêtards et moi, puisque j’étais un Américain en Asie du Sud-Est, cette déformation de mon nom était inévitable, je suppose. Il en savait si peu...
"En vérité, je m'amusais. En posant des questions un peu partout, j’ai trouvé une chambre où loger dans une partie assez décente de la ville et je passais mon temps à parler aux gens que je rencontrais. Une quantité impressionnante de Vietnamiens parlait anglais et ceux qui ne le pouvaient pas avaient généralement un parent ou un voisin pas très loin qui maîtrisait la langue, alors on pouvait habituellement avoir une certaine conversation. J’ai rencontré plein de gens de cette manière et la plupart d’entre eux étaient très intéressants, d’une manière ou d’une autre. J’ai écrit une série d’articles que l’on appelle dans le jargon du métier 'la voix du peuple', les articles étaient basés sur ces conversations et ils furent bien accueillis au pays."
Perry arrêta de parler pendant un instant et soupira longuement. "J’aurais tant aimé savoir ce qui est arrivé à ces gens quand le Nord a envahi Saigon en 75. Quelques-uns d’entre eux faisaient de la vente de produits de contrebande, ils ont dû être envoyés aux 'camps de rééducation' -- s’ils n’ont pas été fusillés ! Certains autres avaient des contacts dans les camps de réfugiés vietnamiens, alors ils ont peut-être pu s’en tirer -- ou encore ils se sont fait tirer dessus -- mais la plupart des Vietnamiens que j’ai rencontrés étaient des gens ordinaires, menant des vies ordinaires. Aussi ordinaires qu’ils pouvaient l'être, au milieu d’une guerre plus violente qu’à l'ordinaire."

Superman survolait le ciel de Métropolis vers le bâtiment du Daily Planet. Il ne lui avait pas fallu trop de temps pour s'occuper de l’incendie et la ville semblait calme pour l’instant, il pouvait donc retourner à la réception avec sa femme et sa fille, se détendre et profiter de la soirée.
Il laissa libre cours à ses pensées alors qu’il survolait à souhait les gratte-ciel et il fronça les sourcils en réfléchissant. Quelque chose clochait à propos de ce feu et il préférait croire que les pompiers qui avaient assisté au brasier partageaient son point de vue. Comment l'incendie avait-il été déclenché ?
D’accord, c’était un vieux bâtiment et il y avait des signes de squatt -- même s’ils n’étaient pas récents -- mais il avait réussi à arriver assez tôt pour minimiser les dommages et il n’y avait pas de raison apparente que le feu se soit déclenché. Il avait vu des endroits comme celui-ci auparavant et celui-là ne montrait aucun des signes habituels qui auraient pu indiquer un accident, comme une allumette ou une cigarette échappées accidentellement ou encore de l’huile renversée (ou du carburant) ou encore un problème électrique. Et il y avait encore moins de preuves indiquant qu'il s'agissait d'un acte criminel : pas de vapeurs de produits chimiques, pas de débris de bombe, pas de cendres suspectes. Alors, comment l’incendie s'était-il déclaré ?
Il hocha la tête. Peut-être qu’il n'y avait rien, mais ses instincts de reporter lui disaient qu’il y avait autre chose à voir -- même ses yeux n’étaient pas infaillibles. Il en parlerait plus tard à Lois, disons demain matin au petit déjeuner; ou, si elle était assez éveillée, pendant qu’elle allaiterait Laura aux premières heures du matin. Elle allait peut-être penser à quelque chose qu'il n’avait pas envisagé, même à trois heures du matin.
Ils avaient eu des conversations étonnantes à cette heure de la nuit. Ils ressentaient une impression tranquille d'unité pendant ces instants que Lois appelait "être l’esclave d'un bébé au beau milieu de la nuit", qui leur permettaient de parler de toutes sortes de choses, encore plus qu'ils ne l’avaient fait auparavant. Depuis sa naissance, plus d’une idée était née pendant que Laura tétait le sein de sa mère ou qu'elle était appuyée contre la poitrine de son père pour faire son rot; quelque chose allait peut-être aussi venir cette fois-ci.
Clark allait entamer un des ses passe-temps -- penser à sa famille -- quand il vit quelque chose et il lui fallut quelques instants pour analyser, puis il s'arrêta brusquement en plein vol. Il hésita et regarda la scène qui s’offrait à lui devant l’Hôtel de Ville de Métropolis. Oui, c’était bientôt Noël, mais...
Et, quand il fut remis du choc causé par la surprise, il réalisa enfin ce qu’il voyait. Il semblait que son retour à la réception allait être encore un peu retardé, parce que Perry aurait sa tête s’il passait à côté d'une occasion comme celle-là. Bien sûr, il allait devoir trouver une explication à sa découverte...

Perry soupira encore, un instant déprimé à l’idée du destin possible de certaines des personnes qu’il avait connues à cette époque, mais il se ravisa, se prit par la peau du cou et revint à l’histoire qu’il avait commencé à raconter. Laura ne voulait pas entendre de telles choses -- d’accord, d’accord, elle ne pouvait pas le comprendre, mais elle pouvait peut-être déceler la tristesse dans sa voix. Il valait vraiment mieux penser (et parler) des belles choses de la vie, spécialement pendant cette période de l’année.
Alors, d'un ton plus léger, même s'il était un peu surfait, il poursuivit : "Les autres journalistes pensaient peut-être que j’étais fou, mais vivre de cette façon me permettait d’économiser chaque cent que je pouvais. A la maison, Alice faisait la même chose et nous nous sommes retrouvés à la fin avec juste assez d’argent pour qu’elle puisse venir me rejoindre à Noël et que nous puissions passer deux semaines dans un hôtel du coin -- pas l'un des plus luxueux, parce que dans les hôtels huppés c'était vraiment le coup de fusil, mais j’avais entendu parler d’un endroit par l'un des pilotes du MAC, quand je lui avais refilé une bouteille de bourbon, au mois de septembre. Le type avait dit que sa femme et lui avaient vraiment eu du bon temps et quand nous l’avons vu, nous l’avons cru ; je me rappelle que c’était l'un des hôtels les plus confortables dans lesquels je suis descendu.
"Pour tout te dire, j’avais économisé un peu plus d’argent que je ne l’avais dit à Alice, parce que je voulais lui offrir quelque chose de joli pour Noël. Je ne le savais pas, mais elle avait fait exactement la même chose ! Nous en avons tous les deux beaucoup ri le matin de Noël...
"Nous avons eu cette année-là des vacances spéciales. Je me rappelle avoir attendu Alice à l’aéroport. L'avion avait du retard -- des vents forts ou un truc du genre -- et j’étais aussi excité qu'une fille essayant d'impressionner Elvis en 57, mais l’avion arriva enfin. Ensuite, j’ai dû attendre pendant qu’elle était à la douane et ça m'a paru durer une éternité. Elle a fini par apparaître et j’ai oublié l’attente, je me sentais si bien de la revoir. Elle paraissait fatiguée et un peu exaspérée, mais à mes yeux, elle n’aurait pas été plus belle que si elle s’était pomponnée pour la soirée des Prix Kerth -- bien, peut-être qu'alors... Je m'en fichais, je l’ai simplement attrapée et embrassée !
"C’était la chose la plus merveilleuse au monde, de l’avoir à nouveau dans mes bras. D'une certaine manière, les trois mois passés entre le voyage aux Philippines et Noël avaient semblé plus longs que les six mois précédents, je suppose que l'idée de la revoir et tous ces préparatifs ne faisaient que prolonger le suspens -- et bien sûr, à Manille, nous nous sommes bien rappelés ce qui nous avait manqué !
"Elle m’a dit quand nous sommes sortis que les types des douanes avaient été très désagréables avec elle -- ils la reluquaient et je crois qu'ils voulaient de l'argent pour la laisser partir sans vérifier ses bagages. Ils auraient pu en avoir, bien que nous n'en avions pas beaucoup, s'il n'y avait pas eu leur façon de la regarder. C'est ça qui avait retardé Alice et quand ce genre de choses arrive, je ne crois pas que Superman lui-même soit assez fort pour la faire changer d’idée ! Il n’était pas question que ces types obtiennent quoi que ce soit d’elle, après l'avoir mise mal à l'aise avec leurs... comment avait-elle appelé ça ? Oh, oui -- 'regards lubriques' Je crois ne jamais avoir entendu quelqu’un prononcer deux mots aussi moches comme l’a fait Alice...
"Comme ils n’ont pas obtenu leur argent, les douaniers ont pris une attitude officielle et ont défait ses bagages tandis que les autres passagers ont pu passer sans se faire contrôler. Ils n’étaient pas assez idiots pour le dire tout haut -- et pas en Anglais, de toute manière -- mais l’impression qu’eut Alice de la 'raison' pour laquelle ils agissaient de la sorte était qu’elle était trop jolie, une américaine aux cheveux blonds comme les siens était le parfait passeur pour des contrebandiers, ils le savaient, mais ils étaient trop malins pour tomber dans le piège et ils étaient certains de trouver ce qu’elle essayait de cacher.
"J’étais prêt à charger et à les frapper jusqu’à ce qu’ils ne voient plus la lumière du jour quand elle m’a raconté ça -- ils auraient pu glisser quelque chose dans ses bagages et déclarer qu’ils l’avaient trouvé et Alice aurait pu se retrouver en prison ! Et les prisons du Sud du Viêt-nam ne sont pas des endroits que l’on veut voir de l’intérieur, ça je peux te le dire ! Mais elle ne m'a pas laissé faire et m'a murmuré à l'oreille qu’il existait de meilleurs moyens pour un journaliste de s’occuper de ces types que de les frapper et qu’elle ne voulait pas avoir à passer Noël toute seule parce que je serais en prison pour agression !
"Ça m’a arrêté et ça m’a calmé un peu et je lui ai demandé ce qu’elle avait en tête. Elle m'a murmuré quelque chose à l'oreille et nous nous sommes regardés un instant en souriant de façon débile, puis nous avons éclaté de rire ! Elle avait raison -- je pouvais attendre, j’avais de meilleures choses à faire à ce moment. Et j’ai réussi à empoisonner ces types un peu plus tard avec un petit exposé génial sur la corruption, mais c’est une autre histoire...
"En se rendant à l’hôtel, j’ai remarqué qu’elle était distraite -- heureuse, mais crispée, comme s’il y avait quelque chose qu’elle voulait me dire, mais le moment n’était pas encore venu. J’avais raison : dès que nous avons fermé la porte de notre chambre d’hôtel, elle m'a traîné jusqu’au lit, m'a fait asseoir et elle m'a dit qu’elle voulait attendre jusqu’à Noël, mais qu’elle ne pouvait pas garder le secret plus longtemps, et m'a demandé si je voulais d'abord connaître la bonne ou la meilleure nouvelle ?
"Il m'a fallu une minute pour lui répondre, parce que j’ai réfléchi -- avait-elle vraiment dit 'meilleure' nouvelle ou bien est-ce que c’était une 'mauvaise' nouvelle ? Finalement, je lui ai demandé si elle avait bien dit meilleure et elle m'a répondu que oui, elle avait dit 'meilleure'. Elle n’avait pas de mauvaises nouvelles à m'annoncer, sauf peut-être qu’elle devait vraiment rentrer à la maison deux semaines plus tard. J’ai ri et je l'ai prise dans mes bras, me sentant vraiment mieux et je lui ai dit qu’elle pouvait commencer avec la bonne nouvelle et annoncer la suite.
"Elle s'est mise à rire et m'a dit qu’elle avait parlé au Vieux Krebbs et lui avait demandé de me dire qu'il avait engagé un nouveau correspondant de guerre permanent et que j’allais revenir à la maison dans quelques mois. C’était merveilleux à entendre, nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre et on s’est embrassés -- c’est pour cela que ça ne me dérange pas trop quand je vois ton papa et ta maman le faire, ma chérie ; je me rappelle encore ce que c’est d’avoir besoin d'être près de la personne qu’on aime.
"Quand nous nous sommes séparés -- nos lèvres, en tout cas -- Alice m'a fait part de quelques autres détails. Le nouveau type devait arriver au milieu du mois de janvier, mais le patron voulait que je reste là-bas jusqu’à ce que la fête du Têt soit passée -- c’est la nouvelle année lunaire, c'est une grande fête là-bas. Il ne croyait pas que les Viêt-cong ou encore le Nord essaierait quelque chose cette année-là, pas après ce qui s'était passé après la bataille du Têt, mais il avait au fond de lui le sentiment qu’ils tenteraient peut-être quelque chose, simplement pour rappeler à nos troupes qu’ils étaient encore là et il voulait que je sois présent pour couvrir les événements si quelque chose devait arriver. Ensuite, s’il n’y avait pas de choses importantes ou de grands événements à couvrir, je pourrais rentrer au pas de course à Métropolis !'
"Bien, la bonne nouvelle annoncée était exceptionnelle, alors qu’Alice entendait-elle par 'meilleure' nouvelle ? J’avais presque peur de le demander, mais elle me regardait et ses yeux brillaient, alors je savais qu’elle était sincère et je serrais les dents, même si je devais me mordre la langue pour ne pas le dire -- quelle était donc cette nouvelle qui était encore meilleure que mon retour à la maison ?
"Maintenant, c’était au tour d’Alice d'avoir de la difficulté à parler, elle baissa la tête et eut un instant d'intimidation. Puis, sans lever la tête, elle dit très doucement que cela avait un rapport avec la raison de son entretien avec le Vieux Krebbs... Avant même que je puisse réfléchir sur ce qu’elle venait de me dire, elle m’a demandé si je me rappelais la dernière fois que je l’avais vue, comment nous avions passé la semaine à Manille. Je m'en souvenais très bien -- et maintenant que nous étions seuls, j’espérais un peu essayer encore ce que nous avions fait la plupart du temps. Mais elle a levé les yeux et m'a dit qu’elle s'en souvenait aussi... et que, dans quelques mois, nous allions avoir quelque chose -- ou quelqu’un – pour nous remémorer ce voyage!
"J'avais l'impression qu'on m'avait donné un coup sur la tête avec la guitare d’Elvis. Je ne parvenais qu'à la regarder sans pouvoir dire un mot -- ce qui n’était pas plus mal, parce que la seule chose que je pensais pouvoir dire était un truc idiot comme 'En es-tu sûre ?' Je ne sais pas pourquoi, mais les hommes disent ce genre de choses dans ces moments-là -- Alice avait eu trois mois pour s’en assurer et elle ne m’en aurait pas parlé si le résultat avait été différent. Donc c'était aussi bien de ne rien dire; mais, elle a dû remarquer mon regard interrogateur car elle a hoché la tête sans que j'aie prononcé un mot.
"Ça n'avait pas d'importance. Tout ce qui comptait était qu'elle était là et qu’on allait avoir un bébé ! Nous nous sommes embrassés et étreints et nous avions tous les deux les larmes aux yeux. Je n’arrivais pas encore tout à fait à y croire -- c’était fantastique, la meilleure nouvelle qui pouvait exister -- mais Alice continuait de me dire que c’était vrai, jusqu’à ce que j’assimile complètement cette vérité. Elle réussit finalement à me faire poser ma main sur son ventre, même s’il était encore trop tôt pour voir quoi que ce soit, mais en le touchant, j’ai tout de même senti ce qu’elle ressentait et l’idée que notre bébé était là, grandissant, m'a touché d’une manière que les mots ne pouvaient exprimer -- un peu embarrassant pour un écrivain de l’admettre, mais c’est ce qui est arrivé.
"Comme je l’avais dit à Alice à ce moment-là, c’était une excellente manière de commencer à célébrer Noël ! Et nous avons continué de la manière dont nous avions commencé, je crois que ça a été le Noël le plus dingue que nous ayons jamais eu ! Alice ne devait pas boire d’alcool, mais nous étions à moitié ivres de la joie que nous dégagions et à la pensée d’avoir une famille, alors qui avait besoin de boire ? Je me suis fait avoir quelques fois quand je rencontrais d’autres journalistes et qu’ils apprenaient la bonne nouvelle. Tout le monde insistait pour qu’on prenne un verre et je ne pouvais pas y échapper, mais Alice se contentait de sourire et faisait en sorte que nous rentrions en toute sécurité à l’hôtel – puis m’administrait un remède contre la gueule de bois le lendemain matin.
"Elle devait peut-être arrêter de boire, mais Alice était encore aussi active qu’avant, ses nausées du matin s’étaient arrêtées avant qu’elle quitte la maison et elle ne voyait aucune raison empêchant une femme enceinte de faire ce qu'elle voulait ! Et elle ne s'est pas arrêtée ! Je devais passer au bureau de temps en temps -- Noël, c'était très bien, mais le Vieux Krebbs ne serait pas ravi si le Planet se faisait piquer un scoop pendant que je prenais du bon temps avec ma femme, comme il le disait --mais le reste du temps, nous faisions ce que nous avions envie de faire. Nous dormions si nous le voulions ou nous nous levions et allions visiter un endroit touristique ou encore une boutique locale, tôt le matin. Nous traînions dans Saigon le matin, puis nous retournions à l’hôtel pour une petite sieste après le déjeuner ou nous faisions autre chose.
"Nous passions la plupart des soirées à danser ! Ma réputation de "wowser" passa par la fenêtre quand les autres types nous virent Alice et moi sur la piste de danse. Alice avait ce regard que seules les femmes enceintes possèdent, mais comme ça ne se voyait pas encore, ça ne faisait que la rendre plus belle qu’elle ne l’était déjà. Et sa façon de danser attirait tous les regards -- tous les regards masculins, devrais-je dire. Je suppose que j’ai eu de la chance que nous n’ayons pas eu de problèmes avec d’autres hommes voulant s'approcher d'elle, mais elle se comportait comme s'il était évident qu’elle était déjà prise, les femmes peuvent faire ça, mais ne me demande pas comment. Et, même, je dois le dire, j'étais moi-même en grande forme -- tout ce temps sur le terrain et avec de saines habitudes de vie -- comme ça personne n'allait penser que j'étais un tire-au-flanc, même si je n’étais pas en uniforme."
Perry s'arrêta un instant de parler, puis éclata de rire. "Je me rappelle ce journaliste australien qui est venu me voir un soir alors qu'Alice et moi retournions à notre table. Il avait plus que bu, mais il avait l'air d'avoir le vin gai, le genre de personnes qui réalisent qu’elles sont ivres et qui deviennent très prudentes et polies quand elles vous parlent. Bref, il s’est excusé d’avoir pensé que j’étais un nul. Il a dit qu’il comprenait maintenant pourquoi j’étais resté apparemment si tranquille et sobre pendant tout ce temps -- en fait, il a essayé de dire 'apparemment', mais il n’arrivait pas à prononcer le mot --apparemment, j'avais conservé toute mon énergie pour le jour où ma superbe femme pourrait me rejoindre. Et il comprenait pourquoi.
"Il n’avait qu’une seule question à laquelle il espérait que je réponde : est-ce que j’avais été envoyé ici par mon patron ou est-ce que j’avais demandé à venir, pour pouvoir me remettre du dernier Noël ? C’est qu’il croyait qu’aucun homme ne pouvait rester une année complète sans Alice !"
Perry rit à nouveau, mais devint silencieux, se tournant dos à la table pendant quelques instants, son regard balayant le plafond. Finalement, ses yeux revinrent se fixer sur la petite fille, qui était encore pleinement éveillée et qui le contemplait avec intérêt, il reprit son histoire, mais le ton de sa voix changea, devenant plus sévère. "Et encore, ma petite, quand je me rappelle ce Noël, la façon dont nous nous sommes amusés de toutes les autres choses qui se passaient à cette époque, il y a un souvenir qui revient entre les autres, c'est d'avoir vu la retransmission télévisée de l’atterrissage d’Apollo 8 sur la Lune le jour de Noël. Si tu regardes dans les livres, ils te diront que ça s'est passé le 24 décembre, mais ça, c’était à l'heure Américaine; au Viêt-nam, de l’autre côté du changement de date officiel international, c’était déjà le lendemain et Alice et moi l’avons regardé en entier au lit le matin de Noël.
"Les astronautes nous ont montré la Terre se levant depuis l’horizon de la Lune et l'un d’eux a lu un passage du livre de la Genèse, c’était un truc à propos de Dieu séparant les cieux de la Terre. C’était une vue incroyable -- personne n’avait jamais vu la Terre d’aussi loin -- et les mots de la Bible étaient si appropriés, ils décrivaient si bien la scène qui s’offrait à nous, tout était décrit à la lettre... Alice et moi avons regardé la télévision, sans dire un mot, jusqu’à ce que la caméra se détourne de cette vue incroyable. Et quand elle s'est détournée, nous nous sommes regardés un instant et Alice a posé sa tête sur mon épaule et je l'ai prise dans mes bras; et nous sommes restés ainsi un long moment. Nous ne bougions pas, nous ne parlions pas, nous nous contentions... d’exister et nous remercions Dieu de la vie qu'il nous avait donnée et puis, aussi, d'être ensemble, nous lui étions si reconnaissants de tout cela et avions tant de choses à penser pour l'avenir.
"Un sentiment étrange nous enveloppait, alors que tous ces meurtres et cette haine submergeaient le monde, d’une certaine façon la vue de la Terre, paraissant si belle mais si petite de si loin, nous a remplis d’espoir. Malgré toutes les guerres et tous les assassinats, malgré toute la folie, l’image de ce petit monde, à cette période de l’année, nous a rappelé que notre avenir pouvait être lumineux et que ça valait la peine de se battre.
"J’ai essayé de tenir parole au fil des ans, même si, pendant un temps, j'ai pris la mauvaise direction à courir après l'avenir que je cherchais. Mais, peut-être que j'ai droit à une autre chance et, cette année, je vais faire de mon mieux pour montrer à ma famille combien elle compte pour moi. Je me rappelle qu'il fut un temps, il y a deux ou trois ans de ça, je ne voulais pas y repenser.
"Tu dois te rappeler de ça, ma chérie. Si tu tiens de ta mère et de ton père, tu vas vouloir aider les autres, mais tu dois toujours avoir en tête que les gens qui te sont proches ont autant besoin de toi que n’importe qui d’autre et la pire des choses à faire est de croire qu’ils sont heureux sans toi, mais qu’ils sont toujours là pour toi, pendant que tu te concentres sur d’autres personnes. Ils seront là, bien sûr, mais si tu veux qu’ils t’aident, tu dois te rappeler cela et tu dois être présente pour eux, toi aussi.
"Mais je suppose que Lois et Clark vont t’apprendre cela. Ils le font, chaque jour, alors ce ne sera pas trop difficile pour toi de comprendre. Ne sois pas comme moi à tout oublier parce que tu es trop occupée. Ce n’est pas un bon échange, une vie contre un travail..."

Clark se dirigea vers sa femme, absorbée dans une conversation avec le journaliste Arnold (ou plutôt, aurait-il dit, Arnold qui était supposé faire de bonnes interviews et qui avait l'air de faire les frais du dernier monologue de Lane) et déposa un léger baiser sur sa tête. "Salut, chérie."
Lois ne s’attendait pas à ça -- pour une fois, elle avait été trop absorbée à faire valoir ses arguments pour remarquer qu’il s’approchait -- elle sursauta légèrement quand il la toucha et elle se retourna, en une posture d’art martial, avant de s'apercevoir de qui il s’agissait. Clark recula sous l’effet de la surprise, levant les bras pour se défendre avec un sourire amusé.
Lois se détendit après avoir réalisé de qui il s'agissait, mais seulement pendant une seconde. "Clark ! Qu’est-ce qui ne va pas ? Où est Laura?" cria-t-elle, un brin de panique dans la voix.
"Tout va bien, chérie," la réconforta Clark, prenant ses mains dans les siennes. "Tout va bien. Perry s'occupe de Laura." Lois commença à se calmer, en voyant qu’il était sincère. Derrière elle, Arnold saisit sa chance de se retirer discrètement; Clark leva les yeux et lui fit un signe de tête en remerciement, tandis qu’il prenait sa femme dans ses bras. "Tout va bien," répéta-t-il et elle se calma davantage.
"Je suis désolée, Clark," murmura-t-elle. "Je ne sais pas pourquoi j’ai eu ce soudain changement d’humeur. Je suppose que je suis encore un peu nerveuse après tout ce que nous avons affronté pour obtenir la garde de Laura." Clark acquiesça, approuvant cette réflexion raisonnable et, rassurée et de meilleure humeur, elle demanda, "Comment se fait-il que Perry s’occupe de notre fille ?"
"J’ai eu un petit... problème avec mon estomac..." répondit Clark. En disant cela, il leva la main en faisait leur signe habituel et Lois acquiesça : "...et il a proposé de la surveiller. Il m’a dit également de ne pas me presser de revenir. Il veut que nous nous amusions à la réception." Clark leva ses sourcils d'un air entendu. "Il a suggéré que nous aimerions peut-être danser..."
Lois réfléchit, mais fit la grimace. "Non, à moins que Jimmy ne change cette musique pour quelque chose qui soit plus à notre vitesse. Crois-tu qu’il pourrait mettre du jazz ? Je ne verrai aucun inconvénient à ce qu'il mette quelque chose de lent, où je pourrais me rapprocher de toi..." Puis, souriant, elle se leva sur la pointe de ses pieds et lui soupira à l'oreille : "C’est dommage que nous ne puissions pas montrer à tous ce que c'est vraiment que danser, n'est-ce pas ?"
Clark lui sourit. "Oui, c'est dommage, mais avant qu’on aille danser..." Il baissa la voix afin qu'elle soit seule à l’entendre -- bien qu'avec la musique qui hurlait il n'y avait pas besoin de baisser la voix. "...ou qu'on ne décolle..." Il continua sur un ton plus normal. "... Je veux discuter avec toi et Perry de quelque chose que j'ai vu quand j'étais… dehors."
Les sourcils de Lois se dressèrent tandis qu’il la conduisait vers la salle de conférence. Cela semblait intéressant. Bien sûr, ça faisait également partie du travail, mais ce ne serait pas la première fois qu’ils trouvaient quelque chose de plus intéressant qu’une réception et Lois détestait davantage manquer un article qu'une soirée.
Clark ouvrit la porte de la salle de conférence et la laissa entrer. Perry, l'attention attirée par cette explosion soudaine de bruit venant de la porte ouverte, se détourna de Laura -- qui, elle aussi, le contemplait, enfin, c’est ce qu’il croyait. "Hé, vous deux," dit-il, en les saluant. "Qu'est-ce qui vous amène ici ? J’ai dit à Clark de profiter de la réception. Cette petite fille et moi, nous entendons très bien."
"J'en suis sûr, Chef," dit Clark, "mais j'ai quelque chose à vous dire, à vous et à Lois, quelque chose qui vous intéressera sans doute. Après que... je vous aie quitté pour faire ce que j’avais à faire, j’ai décidé de sortir un moment pour respirer un peu d’air frais. Quand je suis sorti de l’entrée, j’ai entendu du brouhaha venant de l’Hôtel de Ville, alors j’ai couru jusque là..."
Pendant que Clark parlait, Perry avait beaucoup de mal à ne pas ressentir de fierté pour le jeune homme. Il reconnaissait les signes : il y avait là un vrai journaliste qui était tombé sur quelque chose par accident, qui était allé voir et qui avait enquêté et qui devait juste le révéler au monde -- ou à son éditeur, dans le cas présent. Ça pouvait être bon...
Il écouta avec curiosité, vérifiant scrupuleusement sa montre en se demandant s’il lui restait suffisamment de temps pour pouvoir inclure cette histoire dans la prochaine édition du journal, pendant que Clark poursuivait : "Quand je suis arrivé là-bas, je n'arrivais pas à en croire mes yeux. Je sais que l'époque s'y prête, mais je ne m’attendais pas à découvrir dans la rue, devant moi, ce qui semblait être l’histoire de la Nativité ! Il y avait un homme qui conduisait un âne, une femme sur le dos de l’animal. Ils portaient tous les deux des vêtements qui ressemblaient à ceux décrits dans la Bible et il portait une barbe et elle était soit enceinte ou encore elle avait un rembourrage très convaincant sous ses vêtements.
"Juste derrière eux, se trouvait une équipe de cinq 'bergers', tous dans le même style de vêtements, mais plus usés et plus sales. Quelques moutons, même, les accompagnaient ! Puis, trois types avec des habits plus recherchés. Je crois qu’ils devaient être les Mages, mais j’ai remarqué qu’ils ne tenaient rien dans leurs mains..."
"Alors, pas d’or, ni d’encens, ni de myrrhe ?" l’interrompit Lois intéressée.
"Exact. Et ça m'a surpris. S’il s’agissait d’un quelconque concours costumé pour Noël, alors c’était un élément important de l’histoire qui manquait et je me demandais pourquoi. Je l’ai découvert assez tôt, il y avait un groupe de manifestants -- à peu près une centaine -- qui suivaient les types en costumes et ils tenaient des pancartes et des bannières. J’ai parlé à certains d’entre eux, y compris à un type se comportant comme le porte-parole officiel et ils ont dit que c’était une manifestation organisée au profit des 'sans domicile fixe', ils se dirigeaient vers l’Hôtel de Ville, où ils prévoyaient d'installer ce qu’ils ont appelé la Nativité des Sans Domicile Fixe -- une espèce de théâtre de rue, d'après ce qu'ils ont dit -- sur les marches, pour marquer ce qu’ils ont appelé la 'négligence criminelle' de la ville qui n’offre pas assez de foyers, de refuges et de services en général pour les SDF.
"Le thème de la marche, qui était inscrit sur plusieurs pancartes, était 'Plus de place à l'Auberge' et les Mages n’apportaient pas de cadeaux pour montrer que personne -- en particulier le Conseil municipal -- ne donnait ou ne faisait rien pour aider les gens qui sont dans la rue. Les gens à qui j’ai parlé semblaient particulièrement en colère à cause de certains des nouveaux lotissements pour lesquels le Conseil a donné le permis de construire, il y a quelques mois. La Tour Bronson, le plan de la LexCorp pour englober toute la partie sud de Hobbs Bay et un ou deux autres projets ont aussi été mentionnés..."
"Beau travail, Clark," l'interrompit Perry. "Combien de temps vous faudra-t-il pour écrire cet article ? Si j’envoie un photographe là-bas tout de suite, il devrait être revenu dans moins d’une heure, ce qui me donne amplement le temps de retravailler la Une pour la prochaine édition. La question est, est-ce que ça peut faire la première page ou alors on laisse l’article sur Washington à la Une et on met une photo à côté avec le texte..."
La voix de Perry s'estompa et ses yeux brillaient, tandis qu’il réfléchissait à toutes les options. Lois et Clark, qui avaient déjà vu ce genre de prestation, se doutaient qu’il était en train de visualiser différentes formes de première page, afin de choisir la plus appropriée dans un délai minimum une fois qu’il aurait en main l'article et les photos. Ils attendirent silencieusement, anticipant la prochaine étape, qui arriva justement : l’attention de Perry revint à l'instant présent, il regarda Clark en grognant : "Eh bien, allez-y, Clark ! Vous pouvez prendre mon bureau, vous ne voulez pas être dérangé par Laura -- ou vice versa -- et je ne crois pas que Superman lui-même puisse travailler avec ce bruit !" Il balaya du regard la scène que lui offrait la salle de rédaction. "Où est Jimmy ?"
Comme si la mention de son nom avait été suffisante pour le faire apparaître, Jimmy ouvrit la porte de la salle de conférence et entra. "Chef ! Chef !", dit-il avec excitation, "J’étais en train de mettre d’autres CD dans le lecteur quand j’ai levé les yeux et regardé la télé et vous ne devinerez jamais ce qui se passe à l’Hôtel de Ville en ce moment !"
"Si tu veux parler de la Nativité des SDF, mon garçon," répondit fièrement Perry, "Clark ici présent est déjà sur l’histoire." Il s'interrompit avec un certain plaisir, anticipant la surprise qui se lisait sur le visage du jeune homme, avant de terminer ce qu’il avait à dire : "Je veux que tu te rendes là-bas et que tu prennes des photos de l’événement. Si tu te dépêches, tu pourras revenir avant que la musique n’ait encore besoin d’être changée."
Le visage de Jimmy se transforma de surprise en une détresse réelle et Lois eut pitié de lui. "Attendez un instant, Chef. Jimmy a vraiment beaucoup travaillé à l’organisation de la réception, je crois qu’il mérite un break -- et on doit penser à Penny. Ne pouvez-vous pas envoyer quelqu’un d’autre ? Après tout, je ne voudrais pas avoir à y aller à moins que je ne connaisse quelqu’un qui puisse s’occuper de Laura. C’est déjà assez dommage que je sois coincée ici pendant que Clark écrit et que vous refaites la première page. C’est censé être une réception de Noël..."
"Bon, Lois... on est au Daily Planet ! Si cette salle de rédaction ne peut pas faire cet article, participer à une réception et surveiller une petite fille en même temps... et bien je n’ai pas fait mon boulot correctement pendant toutes ces années ! Nous sommes censés être le meilleur journal du monde, je crois que nous allons nous en tirer. Mais, d’accord, je vais envoyer quelqu’un d’autre. Watkins, peut-être -- ou O'Halloran; il ne boit pas, alors ses photos seront au moins au point ! Et ne vous inquiétez pas pour Laura. Vous méritez aussi de vous reposer et il y a assez de parents expérimentés dans la salle --" Il indiqua la réception. "--pour veiller sur elle. Retournez là-bas et profitez de la soirée, je vais vous envoyer Clark aussitôt qu’il aura terminé."
"Bonne idée, M. White," dit une voix, de l’embrasure de la porte. Il s'agissait de Penny, qui avait suivi Jimmy (d’un pas plus décontracté), quand il s'était précipité vers son patron pour lui dire ce qu’il venait de voir et qui avait entendu tout ce qui s’était dit. "Et vous n’avez pas à vous inquiéter pour trouver quelqu’un qui s’occupera de votre petite fille, Lois. Jimmy et moi allons prendre soin d'elle et monsieur White pourra ensuite trouver quelqu’un pour nous remplacer. Peut-être qu’on pourrait organiser des tours de garde, avec quelqu'un qui prenne la relève disons… à peu près toutes les demi-heures ?"
Perry fit un petit signe de tête d'approbation. L'idée paraissait excellente, il était sûr de pouvoir trouver des volontaires -- ou, s’il échouait, de désigner quelqu’un ! -- et puisque Lois avait réussi à dispenser Jimmy d'aller à l’Hôtel de Ville, il était normal qu’il prenne le premier tour de garde.
Cependant, Jimmy ne semblait pas approuver. Il contemplait sa petite amie comme si une seconde tête venait de lui pousser ou quelque chose de ce genre. Penny le remarqua et comprit pourquoi. "Allez, Jimmy," le cajola-t-elle, "Lois a raison. Tu as couru dans tous les sens pour t'occuper de tout. Tu as besoin d’une petite pause et ce serait bien agréable de passer un peu de temps à se détendre. Laura va probablement s’endormir très vite et nous pourrons nous asseoir et écouter la musique... ensemble… seuls..."
"Oh.... oh, très bien," dit-il, comprenant ses sous-entendus. "Oui, d’accord... " Derrière lui, Lois, Clark et Perry essayèrent tous désespérément de se retenir de rire avant de quitter la pièce.
Aussitôt que lui et Penny furent seuls, Jimmy sembla retrouver sa confiance en lui et fit un geste en direction de la fenêtre de salle de conférence, à travers laquelle ils pouvaient voir que la réception battait toujours son plein dans la salle de rédaction.
"Bon sang, grâce à moi, cette réception est vraiment réussie cette année !" dit-il, se sentant soudain stimulé après l'avoir échappé belle, il avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles. "Les réceptions de Noël du Planet ces dernières années ont été de véritables désastres. Ça aurait sûrement été un bide, également cette année, si je n’avais pas remisé cette grosse boîte de CD de Noël à la réserve la semaine dernière. Autrement, nous aurions dû écouter cette horrible musique d’ascenseur de Noël que Perry choisit -- ou, pire encore, les cassettes des plus grands succès de Noël d’Elvis !'" Il frissonna, faisant rire Penny.
"Eh bien, apparemment tu savais ce qu'il fallait à cette réception," dit-elle, en lui souriant. "Tout le monde a l'air de bien s'amuser. Bon, tout le monde sauf peut-être Perry." Elle ricana. "Je ne crois pas qu’il apprécie ce que tu as fait au système audio pour augmenter le volume."
"Oui, c’est pas génial ?" dit fièrement Jimmy. "Mais je ne m'inquiète pas à propos de Perry. J’ai appris qu’il aboie plus qu’il ne mord… la plupart du temps."
Laura gazouilla et Penny tourna immédiatement son attention vers elle. Se dirigeant à l’endroit où se trouvait le siège dans lequel elle était toujours couchée, Penny se pencha pour prendre les toutes petites mains de Laura dans les siennes.
"N’est-elle pas adorable ?" dit Penny, s’attendrissant. "Et regarde tous ces cheveux bruns ! Elle est tellement belle." Elle se pencha sur elle et fit taper ensemble les petites mains de l’enfant. Puis elle sourit à Laura et haussa un peu la voix. "Tu ressembles tellement à ta maman et à ton papa, n'est-ce pas ?" gazouilla-t-elle. "Oui, c’est vrai."
Elle fut immédiatement récompensée par un immense sourire de Laura. "Oh, Jimmy, tu as vu ça ?" demanda-t-elle avec excitation. "Elle a appris à sourire !"
Jimmy fixa quelques instants Laura, mais retourna son regard sur Penny. "Je ne savais pas que tu aimais les bébés."
"Oui, j’adore les bébés !" admit Penny, en arrangeant la couverture de Laura sur son petit corps. "Je gardais toujours des enfants quand j’étais plus jeune. Et j’avais l’habitude de surveiller mon frère et ma sœur cadets quand ma mère était au travail." Elle se tourna vers Jimmy. "Tu n’aimes pas les bébés ?"
Il haussa les épaules. "C'est pas que je ne les aime pas..." lui confia-t-il. "Je n’en ai jamais eu beaucoup autour de moi."
Penny se retourna vers Laura et lui sourit encore. "Eh bien, c'est facile, n'est-ce pas ?" gazouilla-t-elle à Laura, d'une voix aiguë à laquelle tous les bébés semblent répondre. "Tout ce qu’ils veulent, c’est que leurs besoins élémentaires soient satisfaits et être aimés par ceux qui les entourent."
Laura donna des petits coups de pied dans son siège, appréciant visiblement l’attention qu’elle recevait. Incapable de résister, Penny se pencha vers le siège et glissa ses bras sous Laura.
"Qu'-qu’est-ce que tu fais ?" demanda nerveusement Jimmy, en regardant Penny se pencher pour prendre la petite fille.
"Je veux la prendre dans mes bras."
"Non, ne la prends pas !" protesta Jimmy. "Elle est bien là où elle est."
Penny souleva Laura avec aisance et la cala dans ses bras. "Oh, Jimmy, du calme. Si tu étais un bébé, est-ce que tu aimerais rester coincé toute une soirée dans un siège ? Elle veut en sortir et voir des gens elle aussi."
"Seulement -- seulement ne la laisse pas tomber," lui accorda-t-il. Resserrant la distance qui les séparait, il s’approcha de Laura, attentif à ne pas la toucher. "Elle ressemble vraiment à Lois et à Clark," observa-t-il. "Je peux voir en elle un peu de chacun d’eux."
"Je pense aussi la même chose." Penny ajusta Laura dans ses bras, puis leva les yeux vers Jimmy. "Tu veux la prendre ?"
Jimmy, immédiatement, fit un pas en arrière, sans s'en rendre compte. "Non, ce n’est pas nécessaire. Tu peux la garder."
Penny lança à Jimmy un regard qui en disait long. "Tu as peur d’elle ?" Elle l’étudia et voyant qu'il ne répondait pas tout de suite, elle comprit ce qu'était sa réponse. "Tu as peur d’elle!"
Jimmy haussa ses épaules et s’étira sur toute sa hauteur. "Non, pas du tout," insista-t-il, relevant le menton.
"Jimmy, tu ne dois pas avoir peur," Penny continua d’agir comme s'il n’avait pas répondu. "Prends-la. Les bébés ne sont pas aussi fragiles qu’ils en ont l'air."
"Non, vraiment," protesta-t-il alors qu’elle s’approchait de lui. "Je -- je ne suis pas très doué avec les bébés."
Penny sourit, s'amusant de voir ce côté de Jimmy. Elle décida que son insécurité allait prendre fin. "C’est simplement parce que tu n’as pas eu beaucoup d’expérience avec eux," le rassura-t-elle. "Attends, laisse-moi te montrer." Puis, ignorant les protestations de Jimmy, elle mit Laura dans ses bras et lui montra comment la prendre sur son bras et lui tenir la tête. Laura s’y cala. Jimmy se détendit un peu et Penny le regarda droit dans les yeux. "Tu vois ? Je savais que tu pouvais le faire. Tu es fait pour ça."
"Tu crois ?" Il leva les yeux du visage de Laura et rencontra le regard de Penny, avec un sourire timide.
Elle hocha la tête pour l’encourager. "Vraiment."
Soudain, Jimmy remarqua que la musique s’était arrêtée dans la pièce voisine. "Hé !" s’exclama-t-il, se détournant de Penny pour voir ce qui se passait. "Qu’est-ce qui est arrivé à mes CD ?"
"On dirait que ces types vont chanter quelque chose," dit-elle, regardant quatre hommes se regroupant devant le micro avec leurs instruments de musique.
"J’espère que ce sera convenable," murmura Jimmy. "Ou alors ils vont envoyer cette soirée avec les autres au Cimetière des Réceptions de Noël du Daily Planet."
Penny se mit à rire. "Oh, allez, Jimmy. Ils ne peuvent pas être aussi mauvais. Laisse-leur une chance."
Alors que le groupe commençait à jouer, Penny et Jimmy se regardèrent. "Pas mal !" admit Jimmy.
"Oui, ils se débrouillent bien." Penny bougea un peu la tête au rythme de la musique. Elle sourit à Jimmy, plaçant sa main sur son bras. "Tu me devras une danse, quand on sortira d’ici."
"Je vais te donner plus que ça," dit Jimmy en souriant, en faisant attention de ne pas laisser tomber Laura en s’avançant vers Penny pour lui donner un léger baiser.
En ricanant, Penny baissa les yeux vers Laura allongée entre eux et elle leva la main pour caresser doucement les cheveux fins du bébé. Puis elle leva les yeux et croisa ceux de Jimmy. "Merci de m’avoir permis de m’infiltrer à la soirée."
"Hé, ça n’aurait pas été la même chose sans toi," insista Jimmy. "De toute manière, je ne sais pas d'où est venue cette idée de 'personnel seulement'. Mince, après tout ! On ne peut même pas amener quelqu'un d'autre ? Laisse tomber !"
Laura gazouilla dans les bras de Jimmy, ramenant l'attention vers elle.
"Tu sais," commença pensivement Jimmy. "j’ai toujours cru que ma vie aurait été tellement plus facile si quelqu’un m’avait dit ce à quoi je devais m’attendre quand j’avais l’âge de Laura. Si j’avais su que mon père allait pratiquement m’abandonner quand j’étais enfant et qu’il n’allait pas être là pour moi, je me serais préparé à la situation et je n'en serais pas sorti aussi blessé."
Penny mit gentiment la main sur l’épaule de Jimmy. "Les gens ne font pas toujours le bon choix quand ils sont parents," lui dit-elle. "Et nous ne pouvons pas choisir qui sont nos parents. Tout ce qu’on peut faire est de nous arranger au mieux avec la famille qu’on a."
Ils restèrent silencieux pendant une minute avant que Penny ne poursuive. "De plus," dit-elle, se tournant pour regarder dans la salle de rédaction, où elle apercevait Lois et Clark qui dansaient, se regardant tendrement dans les yeux et riant de bonheur. "Lois et Clark sont les deux meilleures personnes que je connaisse. Et ils se dévouent réellement pour Laura. Je suis certaine qu’ils vont être des parents du tonnerre."
Le regard de Jimmy suivit celui de Penny et il sourit à la vue du couple qui dansait. "Oui, tu as raison. Ce sont les meilleurs. Laura est une petite fille très chanceuse." Il changea la position de Laura dans ses bras, puis se mit à rire. "Je ne sens plus mon bras."
Penny se mit elle aussi à rire. "Donne-la-moi. Je vais la reprendre."
Après que Laura ait été posée et emmitouflée dans son siège, Penny s’assit sur une chaise près de Jimmy, se penchant sur lui et faisant reposer sa tête sur son épaule. Il glissa son bras sous ses épaules et ils regardèrent Laura qui était assise face à eux et les contemplait avec satisfaction.
"As-tu déjà pensé à ce que ta vie serait si tu avais des enfants ?" demanda doucement Penny à Jimmy, qui traçait des petits cercles sur la peau nue de son bras.
Jimmy réfléchit longuement à la question avant de répondre. "Oui, je suppose," dit-il enfin. "J’y ai probablement pensé un peu plus dernièrement, depuis que Lois et CK ont eu Laura. Je sais que ça implique beaucoup de travail et un engagement à très long terme et tout, mais je crois que ce serait bien de devenir un papa en bout de course." Il s'interrompit. "Et toi ? Tu veux des enfants ?"
Elle sourit. "J’ai toujours voulu avoir beaucoup d’enfants, même si je doute que ce soit très pratique."
"Ça veut dire combien 'beaucoup ?" Penny hésita. "Allez," la pressa-t-il, lui donnant un petit coup d'épaule. "Tu peux me le dire."
Elle tourna son visage sur son épaule et le regarda droit dans les yeux. "Tu me promets que tu ne vas pas rire ?"
Un sourire se forma au coin de sa bouche d'un air à demi sérieux, mais il fit de son mieux pour le conserver. "Je te le promets."
Elle s'interrompit, l’étudiant attentivement, comme si elle pouvait trouver une indication à cette réponse. Finalement, elle soupira et décida de foncer. "Je ne sais pas... peut-être quatre ou cinq."
"Quatre ou cinq !" cria Jimmy, faisant sursauter Laura.
"Jimmy, tu lui as fait peur!" gronda Penny, se penchant sur le siège pour mettre sa main sur Laura, en essayant de la rassurer.
"Désolé," dit-il immédiatement. "Tu m’as simplement surpris. Je m’attendais à ce que tu dises deux ou trois ou quelque chose comme ça."
Penny se rassit sur sa chaise, un peu irritée. "Quoi, je n’ai pas le droit de vouloir beaucoup d’enfants ?"
Jimmy répondit très vite. "Non, je ne dis pas ça," la rassura-t-il. "Je crois que c’est fantastique que tu aimes les enfants et que tu en veuilles autant. C'est juste que, de nos jours, les gens n'ont pas plus d’un ou deux enfants."
Elle soupira, se détendant à ses côtés. "Je sais. C’est probablement parce que les enfants coûtent cher. Ils ont besoin de tant de choses : de nourriture pour bébé, de jouets, de poussette, d'argent pour les études..." Sa voix se rompit.
"Et n’oublie pas les couches," ajouta Jimmy, faisant rire Penny.
"Oui, de couches aussi."
Ils restèrent calmement assis pendant quelques minutes, réfléchissant à leur conversation. Puis, Penny brisa le silence. "Alors, d’après ce que tu m’as dit, il y a quelques minutes, on dirait que tu n'es pas pressé d’avoir des enfants," observa-t-elle.
Jimmy hocha la tête. "Je ne suis pas pressé. J’ai observé Lois et Clark et j’ai vu comment ils se sont préparés à devenir de bons parents. Toutes les choses qui leur sont arrivées, tous les livres qu’ils ont lus, ça prouve qu’être parent, c’est quelque chose qui doit être pris au sérieux. Je ne veux pas avoir un enfant avant d'être prêt et que mon fils ou ma fille en paie le prix comme l'a fait mon père avec moi."
Réalisant qu’il était amer, il se dépêcha d’ajouter. "Ce n’est pas que je n’aime pas mon père ou quelque chose comme ça," insista-t-il. "Nous avons même fait des efforts pour rester en contact et pour se rencontrer quand il vient en ville. Je dis simplement que lorsque j'aurai un enfant, je veux être prêt à me dévouer à la paternité."
Penny sourit tendrement à Jimmy et effleura son visage. "Je crois que c’est très honorable de ta part et aussi très mature. Et je veux te faire part d’un petit secret," dit-elle, baissant secrètement la voix et changeant de position sur la chaise. Elle se pencha de plus en plus près jusqu’à ce que leurs visages ne soient qu’à quelques centimètres de distance. Avec leurs lèvres séparées d'un souffle, ses yeux scintillèrent et elle lui sourit tendrement, en murmurant : "Je crois que tu vas faire un père du tonnerre."
Jimmy contempla ses yeux magnifiques, si pleins d’amour et de tendresse qu'il lui était très difficile de réfléchir avec elle si près de lui. Chaque instant qu’il passait avec elle, il semblait découvrir quelque chose de nouveau sur elle. Elle ne cessait de le surprendre. Et il ne faisait que l’aimer davantage.
Comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, il baissa son visage au niveau du sien et il l’embrassa doucement, lui disant, sans un mot, combien elle comptait pour lui. Ce qui avait commencé par un doux et chaste baiser devint rapidement un baiser profond et passionné. Quand leurs lèvres se séparèrent, ils étaient à bout de souffle.
Un mouvement de l'autre côté de la vitre attira l’attention de Jimmy et il se retourna et se rendit compte que leur moment de passion avait été remarqué. Il ne put s’empêcher de voir les regards des curieux dont ils faisaient l’objet. "Oups," dit-il timidement, un peu embarrassé d’être devenu le centre d’intérêt.
Mais Penny rit. "Je crois qu'on vient de se donner en spectacle, n'est-ce pas ?"
Un instant plus tard, Jimmy haussa les épaules et son sourire insouciant réapparut. "Oh, ce n'est qu’un groupe de personnes âgées qui ont oublié ce que c'est d’être jeune et amoureux. Ils avaient vraiment besoin d'être réveillés."
"Oui !" approuva-t-elle enjouée. Puis elle sourit timidement et défroissa son chemisier. "Peut-être que nous pourrions leur donner de quoi parler plus tard, quand nous aurons terminé de surveiller Laura et que nous serons retournés sur la piste de danse."
"Mmmm," sourit Jimmy. "Marché conclu." Il se pencha pour l’embrasser encore. "Mais seulement après avoir remplacé ces CD !"
Penny sourit. "Je suis d’accord. C'est la musique qui crée l'ambiance de la soirée ! Et 'sans elle il n'y a pas d'ambiance...'"
"C'est fichu '!" termina Jimmy.
Penny se leva et fit un geste à quelqu'un se trouvant dans la salle de rédaction. "Je crois que notre tour de garde est terminé. Jette un œil."
Il se leva et se retourna pour regarder par la vitre. Regardant l’endroit que lui indiquait Penny, il vit que Cat se frayait un chemin vers eux, mais semblait s’arrêter tous les trois pas pour flirter avec quelqu'un.
Jimmy ne put s’empêcher de rire. "Eh bien, à la vitesse à laquelle Cat avance, nous serons vieux et ridés quand elle arrivera enfin. Mais," insista-t-il, prenant Penny dans ses bras, "au moins, nous avons quelque chose à faire pour nous occuper jusqu’à ce qu’elle arrive."
"Oh, oui ?" demanda innocemment Penny. "Qu’est-ce que c’est ?"
Avec un regard malicieux, il prit Penny contre lui, se laissant aller à un autre stupéfiant et langoureux baiser.

Clark termina très vite d'écrire son article -- peut-être même trop vite. Il ne voulait pas y passer plus de temps qu’il ne le devait, surtout depuis qu’il avait pu profiter de la soirée avec Lois plutôt que de rester seul pendant qu’elle surveillait Laura et vice versa, alors, inconsciemment, il était en train d’écrire en super vitesse. Il réalisa ce qu’il faisait quand l’ordinateur fit un bruit lui indiquant que la mémoire était pleine et qu’il allait devoir attendre que ce dernier traite les informations qu'il venait de taper avant de pouvoir entrer davantage de texte. Il jeta un œil à sa feuille et fit en sorte de compléter le travail à une vitesse plus normale. Heureusement pour lui, personne ne pouvait le voir dans le bureau, ni ne semblait lui prêter attention, il ne pensait donc pas que quelqu’un avait pu remarquer à quelle vitesse il avait tapé son article -- si, évidemment, quelqu'un savait qu’il travaillait en ce moment.
Perry ne fut certainement pas contrarié quand Clark lui dit qu’il avait terminé son article. O'Halloran n’était pas encore revenu, mais tout allait bien : même s’il ne se montrait pas, disons, dans les vingt prochaines minutes, avec le papier de Clark, Perry pouvait faire la mise en page et utiliser un format standard pour la photographie. Seulement, ce serait juste si le photographe n’était pas revenu dans environ trois quarts d’heure. Bien sûr, s’il revenait avec une image exceptionnelle, Perry allait devoir réarranger toute la première page, mais c’était une tâche qu’il appréciait -- rien de moins qu’un autre scoop pour le Planet pour mettre du piment dans la vie de Perry White ! Pour le moment, toutefois, il allait s'arrêter et écouter le groupe.
'Le groupe', qui avait remplacé les CD de Jimmy (pour l’instant), était composé de quatre employés du Daily Planet qui jouaient ensemble depuis environ cinq ans. Les gars n’étaient pas mauvais. Après avoir offert quelques prestations, ils commencèrent à assister quelques âmes courageuses -- ou mélancoliques – prises d'un besoin festif de chanter.
Habitués à ce genre de participation impromptue, le groupe adaptait son rythme au style des personnes assez braves pour prendre le micro. Trois hommes du service des Sports, sans voix mais agressifs, venaient juste de défiler les Douze Jours de Noël, inventant les paroles tandis qu'ils oubliaient les originales et transformant la chanson en une compétition lyrique. Alors qu’ils se démenaient et se battaient vers le dernier couplet, leurs paroles devinrent obscènes et les cris de protestation des employés du Planet plus forts.
Quand ils terminèrent, le joueur de basse s’avança vers le micro. "Hum, je crois qu’on devrait déclarer un vainqueur. Hum, peut-être Tony." Il se tourna pour suivre du regard un petit homme gras qui portait un pantalon de jogging rouge et une chemise hawaïenne très voyante, imprimée de Pères Noël et de palmiers. "Je crois que tu as terminé en premier -- environ cinq mesures avant nous tous !"
"Merci, merci. Je veux juste dire que toutes ces heures d’entraînement intense m’ont finalement servi." Il leva son visage épanoui vers ses collègues. "Ceci veut dire que je peux faire une demande spéciale." Il s'interrompit un instant et balaya la salle du regard. "Lois, que diriez-vous de chanter une chanson pour moi -- plutôt, pour nous ?" Tendant le bras, il agita le micro vers le fond de la salle, où elle se tenait.
Lois rit et hocha la tête. "Je ne crois pas que je pourrai vous suivre."
"Bien sûr que vous le pouvez, Lois," déclara de l'endroit où il se trouvait, près du saladier de punch, Alan de la Comptabilité. "Il faut juste du cran."
Lois se dirigea vers Tony et prit le micro. Souriant légèrement à Alan, elle dit : "Il ne sera pas dit que je manque de cran. Mais je dois vous avertir, je me rappelle toutes les paroles, chacune d'entre elles." Après quelques mots aux musiciens, sa voix sulfureuse entama "Chestnuts roasting on an open fire..." alors que les musiciens jouaient doucement derrière elle, se synchronisant avec les paroles qu’elle entonnait sans difficulté.
Près du sapin de Noël, Clark était en train de parler avec Ralph et Perry, quand il entendit Lois parler. Il détourna d'eux son attention et la reporta sur sa femme qui commençait à chanter, le doux ton entraînant de sa voix l’entourant, il la regarda et elle se rapprocha de lui. Il croisa un instant son regard et sourit, levant son verre vers elle en un toast joyeux et silencieux. Lois continua de chanter, se forçant, après quelques instant, à regarder ailleurs que vers Clark. Après tout, un flirt évident avec son époux à une soirée de Noël n’est jamais de bon goût, alors elle concentra son attention sur les quatre hommes qui formaient le groupe, retombant dans le bonheur que lui procurait la musique.
Tandis que Lois terminait sa chanson, Cat Grant, qui savait qu'il était toujours de bon goût de flirter avec le plus d’hommes possible à une réception de Noël, traversa la pièce pleine de monde et se dirigea vers Ralph, Perry et Clark, laissant dans son sillage un reflet de paillettes rouges et argent.
Les trois hommes savaient qu’elle venait vers eux avant même qu'elle n’ait franchi la moitié de la pièce et il se tournèrent tous dans sa direction. Perry souriant, s'amusant toujours des plaisanteries de Cat. Ralph la dévisageait, les yeux fixés sur le long boa de plumes qui couvrait ses épaules avant de descendre en suivant la ligne très généreuse de son décolleté, descendant encore plus bas pour toucher ses longues bottes rouges de cuir . Clark semblait amusé, commençant enfin, après toutes ces années, à comprendre la façon d'agir de Cat, ses réactions de puceau effarouché envolées depuis très longtemps.
Cat s’arrêta devant les trois hommes silencieux. "Joyeux Noël, messieurs !" Glissant sa main sous le bras de chacun, elle posa un joyeux baiser sur les joues de Ralph et Perry. Puis, elle minauda autour de Clark, son corps sinueux s’étirant le long de sa cuisse tandis qu’elle passait son bras autour de son cou pour l’embrasser. "Joyeux Noël, Kansas." Elle glissa son boa autour de son cou.
Clark se mit à rire avec bonne humeur en glissant un bref instant son bras autour de son épaule. "Joyeux Noël, Catherine." Pour lui rappeler qu'il connaissait et aimait la personne qu'elle était vraiment.
"Bel ensemble, Cat." Ralph tenta de regagner son attention, des visions de sa danse précédente lui chatouillant la mémoire. Ses yeux s’attardèrent sur sa taille. "Mais, pourquoi un fouet ?"
Cat lui tapota l'épaule. "Pour garder les rennes en rang."
Perry éclata de rire. "Ma chérie, je suis certain que vous pourriez faire ça mieux que quiconque dans cette pièce !"
Cat secoua la tête, ses boucles d’oreille rondes tintant et ses longs cheveux auburn brillants, elle sourit. "Bien sûr que je le pourrais." Puis un instant sérieuse, elle ajouta : "Merci Perry, de m’avoir redonné mon ancien travail. L'année a été formidable."
"C’est formidable de vous avoir de nouveau, Cat. Vous avez mis de la vie dans ce vieux journal. Je ne sais pas comment vous faites pour trouver la moitié des choses que vous trouvez, mais c'est bon pour le tirage."
Les yeux dansant, Cat répondit : "Perry, mieux vaut que vous ne sachiez pas comment j’obtiens mes informations." Puis, elle se tourna pour regarder Clark. "Et maintenant, je crois qu’il est temps de changer le tour de garde de la salle de conférence." Elle réfléchit et ronronna : "Même si je doute que ça ait ennuyé Jimmy et Penny de se retrouver seuls."
"Merci, Cat. Je sais que c’est maladroit de notre part d’avoir emmené Laura ici, mais les choses se sont mal présentées aujourd’hui et nous voulions tous les deux être présents."
Cat se tourna lentement et tapota la poitrine de Clark plus longtemps qu'il ne le fallait. "Pas de problème. Ça ne me dérange pas du tout."
Lois rejoignit les trois hommes tandis que Cat s'apprêtait à se rendre dans la salle de conférence. Jouant un instant avec son boa, elle fit un grand sourire à Clark. "Il irait bien avec votre chemise rouge, Clark, mais je crois qu'il ira mieux à Ralph." Enlevant le boa en question du cou de Clark, elle se tourna vers Ralph pour l'enrouler autour de ses épaules. "Ou-i-ii, j’avais raison." Puis, les yeux de Lois se plissèrent en remarquant le regard fuyant du chroniqueur mondain. "Penses-tu que Laura sera bien avec Cat ? Je veux dire, elle n’a pas beaucoup d’expérience."
"Détends-toi, chérie." Clark glissa son bras autour de la taille de Lois, la caressant de façon rassurante. "Laura est probablement endormie, alors il n’y a pas grand-chose à faire. Pense à ça comme si on t’avait confié un bébé il y a trois ans."
"Précisément !" Le ton insistant de Lois indiquait qu’elle pensait que Clark n’en avait aucune idée. Elle tourna son regard inquiet vers la salle de conférence. Elle n’avait toujours pas compris comment Perry s’y était pris pour persuader -- ou menacer, ou enfermer -- Cat à faire du baby-sitting. Et elle n’était pas certaine de vouloir le savoir...
Cat s’arrêta pour discuter, plaisanter ou flirter avec plusieurs personnes en se dirigeant vers la salle de conférence, refusant deux offres des types du marketing, légèrement éméchés, pour l’aider dans ce que l’un appela sa "veillée solitaire". Le tapotant sur la poitrine, elle lui dit que si elle devait prêter main-forte à des amis dans le besoin, elle serait enchantée de le rejoindre pour vérifier si le photocopieur était en état de marche. Certainement une autre fois.
Cat soupira joyeusement : elle aimait flirter -- ce qui était, à son avis, un des meilleurs sports d'intérieurs -- quoique depuis quelque temps, pour une raison ou une autre, elle se contentait de laisser les choses se faire "sans dommage". Haussant ses épaules, elle sourit.
Sheila Molineux, des relations publiques, l’attira à l’écart un instant. "Cat, tu devrais aller à la soirée de l’Hôtel de Ville ce soir. Tu pourrais trouver intéressant de parler avec le conseiller Yaremsky."
"Merci, Sheila. Je vais le faire." Les deux femmes discutèrent encore un peu et Cat reprit son chemin vers la salle de conférence, heureuse du coup de pouce que Sheila venait de lui donner.
Elle avait environ un quart d'heure de retard pour relever Jimmy et Penny, mais ça ne semblait pas les déranger. Cat avait le fort sentiment qu’ils avaient apprécié leur moment ensemble avec Laura. Elle n’était pas certaine que ce serait le cas pour elle. Elle se pencha avec anxiété au-dessus du siège où se trouvait la petite fille endormie, puis se cala dans le canapé en cuir, s'installant de manière à garder un œil sur le bébé.
Cat n’était pas, après tout, un animal domestique. Les bébés étaient mignons, affectueux et ennuyeux. Ils vous faisaient marcher au ralenti et paralysaient votre style. Et ce n'était qu'une partie de ce qu'ils pouvaient faire. Elle avait très peu d’expérience avec eux et n'en voulait pas davantage.
Elle était encore étonnée que Lois Lane, qu’elle avait toujours pensé être une journaliste aussi agressive que dévouée, socialement inapte, ait accepté d’avoir un enfant. Lois ne l’avait jamais frappée par son côté épouse-et-mère et à la suite de sa mauvaise expérience avec Claude, Lois semblait réticente à s’impliquer à nouveau dans une relation avec un homme quel qu'il soit. Lois avait tiré une leçon de cette expérience, pensait Cat. Quand on tombe de cheval, on doit se remettre en selle.
En fait, quelle avait été sa surprise à son retour à Métropolis en automne dernier de découvrir que Lois avait épousé Clark Kent. Lois n'avait jamais semblé prêter d'attention au gentil reporter, autre que professionnelle et il lui avait fallu des mois avant même d’accepter cela.
Cependant, il était visiblement évident que Clark Kent était fou de sa partenaire. Cat avait elle-même essayé d’intéresser le nouveau reporter du Planet, mais il n’avait pas répondu à ses avances. Elle avait senti aussi, qu’il n’avait pas beaucoup d’expériences avec les femmes et, comme il était mignon à croquer, elle avait décidé de faire son instruction. Le fait que sa façon de faire agace Lois ne faisait qu'ajouter au plaisir.
Cat avait un peu songé, au moment où l’astéroïde les avait tous menacés, que Lois se rapprochait de Clark. Pendant cette période, Clark avait souffert d’une brève amnésie et Cat avait pensé avoir une chance de griffonner quelques lignes dans la mémoire vierge de Clark. Mais Clark avait tout de même senti qu’il n’y avait rien entre eux et s’était tourné instinctivement vers Lois, qui avait été très protectrice à son égard, le guidant à travers la routine oubliée du travail -- et le gardant hors de la portée de Cat, à son plus grand regret.
Cat avait eu peur, elle aussi, à cette époque. Incapable de rejoindre sa famille pendant que l’astéroïde se dirigeait vers New Troy, elle s’était retrouvée vraiment seule pour la toute première fois de sa vie. Paniquant, elle était allée se confesser, espérant obtenir le pardon de ses péchés, mais quand elle en avait énuméré la liste, elle s'était aperçue que pour elle ce n'était pas du tout des péchés et elle s'était retrouvée à faire des propositions au prêtre. Ah, eh bien.
Après que la menace de l’astéroïde ait pris fin, les choses revinrent à la normale et Lois avait commencé à fréquenter Lex Luthor, laissant Clark sur la touche. Après que Cat eut quitté la ville à la suite de la prise d’otage au Planet, Lois s’était fiancée avec Luthor, une chose qu'à ce moment, Cat avait envié. Luthor était puissant, riche et charmant. Et, par-dessus tout, il avait du style. L’homme idéal.
Cat avait été choquée d’apprendre que Luthor se trouvait être un criminel, il était le génie machiavélique derrière un réseau criminel impressionnant. Après coup, elle s’était demandée si Lois n’avait pas accepté sa proposition comme faisant partie d’un plan pour l’exposer. Après tout, elle n’avait jamais gardé secrète son obsession pour Superman et Lois n’était pas du genre à s'impliquer avec deux hommes en même temps. Ou l’était-elle ?
Peut-être qu’il y avait de l’espoir pour Lois après tout, pensa Cat avec un sourire, alors qu’elle se rappelait les articles des tabloïds sur "l'idylle secrète" entre Lois et Superman dans un hôtel de luxe, quelques hivers auparavant. Des rumeurs couraient encore que Superman en pinçait pour Lois, puisqu’il était toujours là quand Lois était en danger.
Malgré tout, Lois et Clark étaient visiblement très heureux et tous deux étaient aux anges avec leur bébé. Clark avait encore ce regard émerveillé qui laissait tout le monde deviner qu’il croyait que son enfant était un miracle, tandis que Lois rayonnait carrément. Peut-être y avait-il un fond de vérité avec ce truc d’instinct maternel. Cat pensa un instant à son ex mari Richard et sa récente demande en mariage. Non, le mariage et les enfants, ce n’était pas son genre.
Laura gazouilla dans son sommeil quelques secondes et Cat tendit la main pour la caresser. Elle paraît si heureuse, pensa-t-elle. Laura était un bébé magnifique, avec les yeux et cheveux foncés de ses parents. Cat avait essayé de deviner à qui le bébé ressemblait, mais jusqu’à présent, elle n’en était pas certaine. Peut-être que l’enfant avait le nez de sa mère. Si elle avait de la chance, elle aurait aussi les longues jambes de sa mère, pensa Cat, en se recroquevillant sur le canapé en cuir de la salle de conférence. "C’est mon souhait de Noël pour toi, ma petite puce," dit silencieusement Cat à Laura. "Que tu puisses avoir le meilleur de ta mère et de ton père."

Clark et Alan se tenaient au fond de la salle de rédaction pleine à craquer, discutant avec enthousiasme les mérites du nouveau plan du Gouverneur de New Troy qui consistait à résorber le déficit de l’état. Juste au moment où Clark allait expliquer ce qu’il jugeait le plus convaincant, Penny tapa Alan sur l’épaule, l’invitant à la rejoindre sur la piste de danse. S'excusant d'un haussement d’épaule, Alan sourit à Clark. "Désolé, Clark. Je ne peux pas résister." Il conduisit joyeusement sa blonde amie vers la piste de danse, laissant Clark seul un instant.
Un sentiment de bien-être envahit Clark en regardant ses amis et collègues en pleine fête. Balayant son regard dans la pièce, il repéra Lois, engagée dans ce qu’il interprétait, d’après son langage corporel, comme un vigoureux débat avec deux personnes du département juridique. Se concentrant sur leur conversation avec sa super oreille, il capta la fin de son argument et sourit, rempli de sympathie pour l’adversaire de Lois. Oui, conversation soutenue. Puis, il baissa la tête pour regarder par-dessus ses lunettes dans la direction de la salle de conférence, regardant sa petite fille avec sa vision télescopique sans autre raison que de la contempler. Il sourit, ce Noël tout particulier, leur premier avec Laura, remplissait son âme de bonheur.
C’était l’opportunité parfaite pour disparaître sans être vu de la salle de rédaction pour un court moment le temps de faire une rapide patrouille au-dessus de la ville. Se glissant sans rencontrer d’obstacles jusqu’à la cage d’escaliers sur le côté de la salle de rédaction, il défit sa cravate et quelques instants plus tard, planait dans l’air froid de la nuit, bien au-dessus des rues de la ville, les lumières brillantes de la circulation passant sous lui comme un circuit animé.
Cette nuit-là, la ville était animée, mais exceptionnellement sans crime - et sans accident - Et soudain, il entra dans une zone de turbulence -- et plus encore. Il cligna des yeux avec étonnement en se retrouvant entouré de petits êtres qui ressemblaient à des elfes et volaient au hasard dans le ciel sombre. Brusquement, après les avoir aperçus, il passa à travers eux. Ils avaient disparu, emportés tels des fantômes vers une fenêtre ouverte au-dessous de lui.
Un grand sourire apparut sur le visage de Clark en reconnaissant leur destination. Ils étaient venus de STAR Labs. Descendant vers le sol, Clark traversa la fenêtre ouverte sur leurs talons et atterrit dans une pièce au dernier étage de l’édifice. Les bras croisés, il resta là dans la pénombre, en marge de la pièce. Personne ne l’avait vraiment remarqué, les couleurs de son costume se fondant, pour une fois, avec le fond de la pièce décorée de plusieurs couleurs, dont l'obscurité était éclairée par des lumières argentées qui tourbillonnaient.
Les elfes, sautant et bondissant, leurs bras verts et leurs foulards rouges virevoltant dans une sorte d'extase féerique, dansaient au milieu de la pièce au son d’une version remaniée et métallique de "Rudolph, le Petit Renne au Nez Rouge". Au centre de leurs réjouissances se trouvait le Dr Bernard Klein, un bout de tissu vert drapé sur les épaules de sa blouse blanche de laboratoire, la tête levée et les bras étendus en chantant joyeusement, mais quelque peu en décalage avec la musique. Les elfes n'étaient pas en décalage. Les elfes ne le sont jamais.
Enfin, le Dr Klein remarqua Superman, qui se tenait dans un coin près de la fenêtre. Souriant à belles dents, il s’écria, "Superman, Joyeux Noël !" et passa littéralement à travers le lutin qui se trouvait devant lui, pour traverser la pièce en direction de Clark. "J’espère qu’il ne s’agit pas d’une visite professionnelle, Superman," dit-il, en arrivant devant lui.
Les yeux de Clark se baladèrent dans la pièce, regardant les lumières, les joyeux convives en blouses et le sapin de Noël gigantesque et parfait aux lumières rouges et vertes. "Non, ce n’est pas le cas," dit-il en riant brièvement. "Je, hum, j’ai suivi les elfes."
"Oh-oh. J’ai dit à Francesca de ne pas les projeter à l’extérieur. C'est une chance que ce soit vous qui soyez tombé sur eux et non un hélicoptère de la circulation. Ça aurait pu ruiner la surprise."
"La surprise ?" Clark écarquilla les yeux et se demanda s’il avait bien fait de faire une ronde sur la ville à ce moment.
Les yeux bleus de Bernie Klein brillèrent avec anticipation. "Nous avons développé un hologramme du Père Noël conduisant son traîneau. Nous allons le projeter à minuit la veille de Noël au-dessus de la patinoire devant l’hôtel de Ville. Vous, Lois et Laura devez venir," murmura-t-il, alors qu’il lui faisait part de son invitation. "Ça va être magnifique. Le Père Noël va voler au-dessus de l’arbre de Noël. Vous savez, cet arbre-là est toujours le plus beau du pays. C’est son clone, juste là." Klein indiqua l’arbre de STAR Labs.
"Son clone ?" demanda Clark, mal à l'aise. Il détestait le mot "clone."
Ses yeux bleus scintillèrent encore. "C’est exact ! J’ai toujours admiré cet arbre, alors, il y a deux ans, j’en ai pris une bouture aussitôt qu’il a été amené du parc au centre ville. Ne croyez-vous pas qu’ils l’ont dressé un peu tôt ? Après tout, c’était au début novembre ! D’accord, il a ce tube hydroponique spécial -- que STAR Labs a développé, je suis fier de le dire -- qui le garde frais toute l’année, mais c’est vraiment dommage que certains grands magasins 'commencent' Noël si tôt !
"Pour en revenir à mon histoire, j’ai pris la bouture et nous l’avons bourrée d’hormones de croissance et irradiée et la voici -- parfait !" Il rayonnait comme un père contemplant son premier-né.
"Tenez, prenez un verre de mon punch, Superman. C’est une recette spéciale -- il y a un peu d’un nouveau colorant alimentaire fluorescent qui illumine la nourriture !" Ils se dirigèrent vers le saladier de punch, s’arrêtant brièvement pour échanger des vœux de fin d'année avec certaines des personnes les plus brillantes de STAR Labs. La plupart d’entre elles s’étaient habituées à voir Bernie Klein avec Superman et avait dévalorisé l’image du héros "Regarde, dans le ciel !" à "normal".
Le scientifique versa du punch dans un verre puis l’offrit à Superman. "À moins que vous ne préfériez une bière ou un verre de vin ?" Sa voix était hésitante, il avait remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de gens autour de son punch.
"Non, non. C’est très bien, merci." Superman leva son verre vers Klein pour porter un toast. "Joyeux Noël !"
Bernard sourit. "Joyeux Noël." Son regard balaya ses collègues, qui discutaient, riaient et dansaient. "Ne trouvez-vous pas que c’est toujours une merveilleuse période de l’année ? Ça vous rappelle votre enfance."
Superman leva les yeux, intéressé, vers son aîné. "Comment se passaient vos Noëls quand vous étiez enfant ?"
Les yeux de Bernard Klein s’illuminèrent en se remémorant ses souvenirs. "De l’excitation. Mes parents m’offraient toujours une nouvelle panoplie de scientifique. Chaque année, j'avais hâte de savoir ce que ça allait être. Je me rappelle ma première panoplie de chimiste. Il y avait des composés que je n’avais jamais vus auparavant -- du magnésium, du phosphore ! Toutes ces expériences !" Il rit. "Je ne les ai pas toutes réussies du premier coup, bien sûr. J’ai provoqué quelques petites explosions, j’ai mis le feu à la nappe de la salle à manger, j’ai fait une ou deux taches avec des produits chimiques dans ma chambre. Vous savez, les trucs habituels."
Clark lui jeta un regard étonné tandis qu’il poursuivait : "Une année, j’ai eu un ensemble électromagnétique et j’ai réussi à le combiner à mon ensemble d'électronicien junior, j’ai réussi à polariser la boîte électrique. J’ai fait sauter les plombs ! Et ensuite il y a eu la panoplie pour fabriquer des fusées ! J’ai construit ma première fusée le lendemain de Noël et je l’ai fait décoller par la fenêtre de ma chambre." Klein hocha la tête. "J’avais oublié d’ouvrir la fenêtre. Ça a été difficile de trouver un réparateur à Noël. Ces panoplies étaient les meilleures ! Nous allons faire en sorte que Laura ait ce genre de choses."
Clark se mit à rire. "D’accord. Mais quand vous jouerez ensemble, ce sera sous stricte surveillance." Il avait toujours cru que ses parents avaient relevé un défi en élevant un extra-terrestre, mais il devait être encore plus difficile d’élever un surdoué. "Comment étaient vos parents, Bernard ?"
"Très ordinaires. Mon père était ingénieur. Il travaillait de longues heures, mais il avait toujours du temps à consacrer à ma sœur et à moi. Ma mère restait avec nous à la maison quand nous étions enfants. Elle était la personne la plus patiente au monde. Quand nous avions des questions, elle mettait de côté ce qu’elle faisait et nous cherchions la réponse, peu importe combien de temps ça prenait ou dans quel endroit dans la ville ça nous menait."
"Ils ressemblent beaucoup à mes parents." Superman finit son verre. "Il faut que j'y aille. Je voulais faire une rapide patrouille au-dessus de la ville avant la fin de la soirée."
Bernard Klein et Superman se dirigèrent vers la fenêtre et s'arrêtèrent un instant. Clark tendit la main à son ami et les deux hommes s’échangèrent une poignée de main, il dit d'une voix sérieuse, "Joyeux Noël, Bernard. Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour ma famille et moi."
"Ce fut un honneur, Clark." Bernard sentit une boule lui monter à sa gorge en regardant cet homme remarquable qui était devenu son ami. "Transmettez mes meilleurs vœux à Lois et à vos parents et un gros baiser à votre bébé."
"Je vais le faire." Sur ce, l’Homme d’Acier grimpa sur le rebord de la grande fenêtre et s'élança.
Bernard Klein regarda Superman gagner de l’altitude et s’élever dans la nuit étoilée jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une toute petite silhouette devant la Lune. Klein hocha la tête avec admiration. Il se sentait si optimiste durant cette période de l’année; le miracle de l’espoir pour un meilleur avenir et pour les enfants qui feraient ce futur. Il pensa à Laura et se demanda ce que l'avenir lui réservait, cette enfant exceptionnelle, ayant pour parents Kal-El de la planète Krypton et Lois Lane de la planète Terre.

Les personnages de cet épisode sont la propriété de DC Comics, December 3rd Production et Warner Brothers. Aucun non respect des droits n'est délibéré de la part de l'auteur ou du Season 6 group, toutefois, les idées exprimées dans cet épisode sont la propriété des auteurs © 1998.
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